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14 décembre 2007

Regard sur une peinture, Yves Martin Guillou

  Regarder une peinture, réfléchir et s’émouvoir est une expérience qui m’est un peu étrangère, moi qui suis sensible au fugitif, à l’art de l’instant, la musique ou la poésie. Cependant j’ai eu récemment l’impression de pouvoir comprendre et partager la pensée sur l’enfance d’un artiste peintre qui vivait il y a 500 ans.

   Domenico Ghirlandajo est un peintre de la Renaissance. Il a été un des maîtres de Michel-Ange et a travaillé avec Botticelli à la Chapelle Sixtine.

   La peinture dont je voudrais vous parler s’intitule « Portrait d’un vieillard et d’un jeune garçon ». Elle se trouve au Louvre, mais elle figure aussi sur de nombreux manuels scolaires et illustre à l’occasion des ouvrages de psychologie.

   Rappelez-vous : un vieillard en haut à gauche se penche affectueusement vers un enfant blond en bas à droite. Le cadrage est resserré et seuls apparaissent leurs têtes et leurs épaules. Tous deux sont habillés de rouge et se regardent. Ce ne sont pas des nobles ou de grands personnages, peut-être seulement des bourgeois et on pourrait presque penser que le même coupon de tissu rouge a servi à les vêtir Ils sont dans une pièce neutre, le fond est grisâtre. L’éclairage vient d’une fenêtre qui couvre un vaste rectangle en haut à droite du tableau. Dehors une rivière serpente dans un jardin agréable et verdoyant. Une montagne claire et blanche se devine au loin.

   C’est le nez du vieillard qui choque en premier lieu : énorme, boursouflé, rosacé, malsain. A part ce stygmate de la maladie, l’homme a l’apparence de n’importe lequel des grands pères, le front dégarni et les cheveux blancs. L’enfant, parfaitement de profil, présente un visage lisse et sérieux. Sous sa calotte rouge, un flot de cheveux blonds se déroule en une verticale de boucles, comme un prolongement des méandres de la rivière extérieure. Il a la main posée sur la poitrine de son grand-père et lève les yeux vers lui.

   Je pense que ce sont ces regards échangés qui sont la raison d’être de cette peinture. Leur vibration couvre toute la diagonale du tableau et s’oppose à la permanence du cadre de la pièce et du paysage extérieur : à la bienveillance du vieil homme répond la confiance et l’élan de l’enfant. Mais celui-ci est aussi perplexe et interrogatif ; peut-être demande-t’il avec candeur : « Dis, Papi, pourquoi t’es moche ? Si tu es vieux, c’est que tu vas bientôt mourir ? ». Les yeux de l’ancêtre traduisent en effet une certaine lassitude, une lenteur un peu massive face à la vivacité de la jeunesse. On devine le desarroi, pour ne pas dire la crainte des personnes âgées confrontées à la malice des enfants.

   Ce qui prédomine dans cette œuvre est une intimité tendre. Et elle fait écho à celle qui me rapproche de mes propres petits enfants lorsqu’ils sont sur mes genoux et que, sans une parole, comme dans ce tableau, on se regarde.

Yves Martin-Guillou

Le Crès, Octobre 2007

 

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