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12 avril 2008

L'anniversaire, Yves Martin Guillou

(Phrases de début et de fin imposées)

« -Quel bel anniversaire cela va faire ! » pense Sergio en franchissant le porche de l’imposant batisse de Palerme. Il est venu maintes fois prendre les ordres de Don Leone, le maître des lieux et comme chaque fois qu’il entre ici, il éprouve une immense vague de colère et d’indignation.

 

Quand ils étaient gosses, Leone et lui s’étaient juré de tout partager et de mettre en commun tous leurs gains, fivety-fivety. Ils avaient grandi dans la rue , vivant de petits larcins et d’escroqueries minables.

 

Tout avait changé lorsqu’ils avaient commencé à travailler pour le vieux Don Stefano, généreux mais intraitable pour les contrats. Les deux amis avaient troqué leurs jeans contre des costumes sombres et des chemises immaculées à boutons de manchette en or. Seule la poche de leur veston, déformée par le gros calibre, laissait deviner qu’ils n’étaient pas que les simples secrétaires du vieil homme.

 

Cependant Sergio redoutait les missions qu’on lui confiait car sa forte myopie le trahissait bien souvent et il subissait les foudres de Don Stefano lorsqu’il rentrait bredouille et remettait en place en tremblant le fusil à lunette qu’on lui avait prêté. Leone, de son côté empochait prime sur prime grâce à sa vue perçante. Ses balles frappaient juste et fort et lorsque Don Stefano mourut, bêtement dans son lit des complications d’une grippe mal soignée, Leone avait continué sur sa lancée et éliminé tous les successeurs potentiels du vieux. L’Honorable Société avait fini par accepter qu’il occupe le fauteuil tant convoité dans la villa dominant la ville et la baie.

 

Sergio était resté simple secrétaire, traité avec condescendance par son ancien compère. Ses tentatives pour rappeler le pacte de leur jeunesse avaient été vaines. Il avait beau rappeler combien il avait pu l’aider à sa manière grâce à ses poisons foudroyants et ses bâtons de dynamite bien placés, il ne s’était attiré qu’il sourire narquois et une phrase murmurée et quasi inaudible où il «était question de « bigleux » et de « cible ».

 

Au château, comme on l’appelle, la fête bat son plein. Entouré d’une vingtaine d’amis en noir et de femmes en grand décolleté, Leone vient de souffler ses bougies. Les bouchons de champagne sautent, le brouhaha des conversations reprend. Sergio a déposé son feu au vestibule, à la demande des deux nouveaux jeunes secrétaires imberbes embauchés par Leone. Il est monté prestement à son bureau pour se saisir du paquet cadeau préparé pour l’occasion. Redescendant précautionneusement l’escalier, il réévalue mentalement le poids de TNT accumulé dans la boîte à cigares emballée dans son papier brillant, et dont la charnière déclenchera le contact du détonateur qu’il a soigneusement calibré.

 

Entré dans la salle bruyante et enfumée, il s’approche pour déposer son paquet près de Leone qui lui grogne : «  Tiens, te voilà toi ! mets çà au bout et merci quand même ». Chacun a voulu faire acte d’allégeance et Leone savoure cet instant qui couronne des années de travail. Il a maintenant la situation bien en main et à chaque cadeau déballé, il fait un petit commentaire moqueur à l’assistance. De ses yeux perçants, il aperçoit Sergio se diriger vers la terrasse où il est abordé par une des jeunes secrétaires. Leone sait que celui-ci doit emmener Sergio au garage sous un prétexte quelconque et remplir le contrat qu’il lui a confié. Il hausse les épaules imperceptiblement.

 

Il lui reste un cadeau à ouvrir : le dernier

 

Yves Martin-Guillou

Le Crès Novembre 2007

 

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