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29 octobre 2008

Et si l'on partait?


Et si L'on partait?


    Tu vis à côté de moi. Si manger, boire et dormir, tu appelles cela: "vivre", pour moi, c'est seulement: « exister ».

Jamais tu ne m'as proposé de partir.

Paris m'indispose, la ville me pèse, le XIVème est triste, la rue est poisseuse. J'étouffe sous un ciel éternellement lourd, bas et brumeux. J'ai besoin d'évasion. Je veux m'en aller d'ici, oublier ce quartier, fuir cet immeuble qui ressemble à tous les autres, quitter ce deux pièces cuisine à l'entresol.

    Et le travail? objectes-tu. Ah! Parlons-en, de mon taf! Une tartine de merde beurrée des deux côtés! Chaque jour, ça recommence.... Métro, boulot, dodo! Quant aux marmots, nous n'en avons pas encore, ouf!... assez peu pour moi! Sais-tu ce que c'est, toi, d'être vendeuse aux Galeries Farfouillette? Eh bien, c'est pile ou face: avoir les clients sur le dos ou le chef de rayon sur le ventre. C'est brasser à longueur de temps des fringues que tu ne pourras jamais m'offrir. Des vêtements de luxe pour les bourges. Des trucs qui ne me font même pas rêver et qui partent à des prix indécents! 

    Enfin, je devrais dire: « partaient », parce qu'avec la crise, leur camelote ne se vend plus. Ils ont beau faire des remises, des promos, des «journées dingues », rien n'y fait: les gens passent, regardent, font et défont les piles, essayent un peu n'importe quoi, dérangent tout, n'achètent rien, repartent comme ça. On ne peut pas leur en vouloir, d'ailleurs, il sont fauchés. Du coup, la Direction va mettre le personnel au repos forcé pour les deux semaines de la Toussaint. « Pause technique », comme ils disent! Moi, j'appelle ça tout bêtement le "chomedu".

Alors,  si on en profitait pour prendre enfin des vacances? Des vraies, pour une fois! « Avec toi, affirmé-je, je serais la fille la plus heureuse de la ville! »

Mais là, je te vois froncer le sourcil; apparemment, mon idée ne te plaît pas:

   - Partir en vacances? Comme tu y vas! Ce n'est plus la saison! La météo nous annonce un temps de... Toussaint. Juste bon à faire sortir les escargots, pousser les champignons et à fleurir les tombes! »

   Je réfléchis un instant, j'ai quelque chose en tête:
  - Allons passer quelques jours dans le midi, fais-je, là-bas il y a toujours du soleil!

Tu maugrées:
  - Ben, c'est ce que nous aurions dû faire. En juillet!

Là, j'explose carrément:
  - En juillet, tu ne m'as rien proposé, tu n'avais pas envie de partir.
  - L'essence était trop chère.
  - Depuis, le baril de pétrole a baissé de moitié, qu'ils disent à la télé!
  - Le brut, pas celui qu'on trouve à la pompe!
  - N'exagère pas, on peut faire le plein dans les stations « laucoste », j'en connais une pas loin.
  - D'accord, pour l'essence, on s'arrangera, faut croire. Mais il reste un souci: la voiture est nase....
  - Eh bien, on va la changer! Paraît qu'on a une prime si on choisit un modèle écologique.
  - Prime ou pas prime, faudra quand même payer la facture. Et moi, je suis raide comme un passe-lacet.
  - Pas au plume en tous cas! [c'est le cri du coeur]. Surtout, ne prends pas ça mal, je blague, mais sûr que ça te ferait du bien de  déstresser. Pour la voiture, on empruntera.
  - Déconne pas. Des prêts, y'en a plus. Efin, plus pour des gens comme nous. Même que c'est le banquier qui fait la manche en ce moment.

Moi qui suis rarement à cours d'arguments, pour un coup, je ne sais que répondre. Tu m'as jetée à terre, Tu te crois vainqueur par K.O. Mais je me relève aussi sec:
  - Tu ne m'auras pas comme ça. Quand l'histoire tourne mal, on trouve toujours un moyen d'arranger les choses.
  - Je voudrais bien savoir lequel.
  - C'est un genre de surprise.... Si tu me promets de ne pas souffler mot, je t'en donne une petite idée.

Je me penche sur toi. Je te chuchote quelque chose à l'oreille. Puis nous descendons au garage, histoire de faire un brin de visite à notre chère vieille voiture. C'est vrai qu'elle ne paye plus de mine, la pauvre! Plus de freins, plus de pare-chocs, plus de roues, la carrosserie H.S.  Quant au moteur, je ne te raconte pas. Tu soupires:
  - Et voilà l'épave! Comment veux-tu qu'on puisse  rouler avec un engin pareil?
  - Qui te parle de rouler? rétorqué-je. Grâce à mon idée, on peut tout sauver!

 

BAGNOLE


Mon idée, c'est de faire comme si rien n'était, de monter à bord comme si tout fonctionnait. Seule différence avec une voiture en état de marche: au lieu d'actionner le démarreur, on soulève le châssis. Hisse ho! Vu ce qu'il reste de tôle, ce n'est pas bien lourd à porter. Surtout en s'y mettant à deux. Nous vérifions cette évidence: lorsque tout f... le camp, rien ne vaut la deux-chevaux naturelle. Ce mode de transport est certes moins rapide  qu'un véhicule à moteur, mais il est beaucoup plus économique, ne fait pas de bruit, il pollue moins et ne génère pas d'effet de serre.

  Pour ce qui est de la suite de nos vacances, j'ai la mémoire qui flanche, je ne me souviens pas très bien. Nous sommes sans doute  sortis par la porte Brancion, nous avons emprunté la Nationale 7, la route du bonheur, qu'on dit... ou tenté de le faire. Peut-être sommes-nous parvenus jusqu'à Vanves. Ce n'est pas encore franchement le Midi. Puis la pluie s'est mise à tomber, nous sommes revenus, parce qu'un jour où l'autre, il faut bien rentrer. Qu'on le veuille ou non, quelque chose vous ramène aux lieux où l'on a vécu. Le voyage n'aura pas été long, nos vacances non plus, mais il nous reste un espoir: que l'arbre que nous avons planté cet automne se couvre un jour de fleurs!

 

Illustration: Mini-fun, Rex features/Mc Enery 1989 P.O. Box 9054, 3506 GB Utrecht, Pays-Bas.

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