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8 décembre 2009

Mimi, la fourmi, par Rosalie

MIMI, LA FOURMI

 

 Sa vie n’était qu’un collier d’embarras.

 

C’est sûr quand on est une fourmi de 18 mètres, la vie devient très compliquée. Impossible de pénétrer dans la fourmilière sans se désarticuler ; que faire de ces immenses pattes encombrantes ? Comment jouer avec ses camarades du même âge sans les effleurer, avec un corps si lourd, si pesant ? Un coup de patte équivaudrait à un coup de massue pour ses petits compagnons de jeux. Rendue gauche avec ses membres interminables, Mimi la fourmi a bien du mal à ne pas s’emballer.

 

Elle est repartie tout à l’heure, une tornade ! Ses partenaires se sont blottis les uns contre les autres dans un coin de la fourmilière, de peur de prendre un mauvais coup. C’est que la surcharge pondérale est importante ! c’est du massif ! Quelques contestataires mécontents, sans se soucier du malaise qui envahit Mimi la fourmi, cherchaient à associer un maximum d’acolytes pour la chasser hors du nid, le plus loin possible.

 

Elle pleurait des larmes d’acier : sa vie n’était qu’un collier d’embarras.

 

Comment vivre au-dehors, toute seule, dans ce froid glacial ? Une expulsion en hiver, c’est pourtant interdit chez les humains ; Mimi s’interroge : ça n’existe pas la solidarité chez les fourmis ? Quel manque d’accompagnement en ce début de vie !

 

Elle se résigna à chercher un endroit pour s’abriter, un lieu à la mesure de son gabarit, à l’abri des regards indiscrets et méfiants. « Peut-être là, s’interrogea t-elle, entre les arbres, dans ce parc bien tranquille ». Mais il faisait là-dedans aussi noir que chez le loup. Au moindre bruit, elle sursautait. Ses yeux ronds écarquillés inspectaient tous les recoins. Ses antennes en alerte étaient attentives à tous les bruits ; tout semblait suspect. Prise de panique, Mimi se rapprocha de la ville illuminée et je vous prie de croire qu’avec ses pattes de géant, pas de besoin des bottes de sept lieux pour y arriver rapidement. Au pied d’un immeuble, une faible lueur au-dessus de sa tête, bien recroquevillée sur ses fines mais interminables pattes velues, Mimi finit par s’endormir d’épuisement.

 

Surpris au premier abord par cette fourmi de 18 mètres, je me pris de compassion pour la bête et lui proposai, sans cérémonie, de passer la nuit dans l’entrepôt attenant à mon immeuble. Les yeux hagards, lasse de fatigue et sans vraiment comprendre pourquoi, elle accepta et me suivit.

 

Je pris les clefs que je venais de glisser dans ma poche et ouvrant la lourde grille, lui confectionnait un lit de fortune, toutefois bien douillet, avec les accessoires oubliés à même le sol (carton, couverture…). Mimi en profita pour s’étirer et se mettre à son aise. Sereine, elle pouvait s’étaler sans craindre ni représailles, ni de blesser quelqu’un. Son calme intérieur revenu, elle s’endormit.

 

Après un tour de clef protecteur dans la serrure, je rentrai me coucher, éreinté après un périple de plusieurs jours avec mon semi-remorque à travers les routes difficiles des pays de l’Est.

 

Un voisin avait vu toute la scène et m’observa quelques instants. Puis, s’approchant de moi – c’était mon voisin qui est un peu fou - me glissa à l’oreille : « La pêche a été bonne à ce que je vois ? » puis, se ravisant : « Je veux dire, c’est un trésor, c’est pas courant ! ». Mais que croit-il celui-là ? hors de question de faire jouer la bête de cirque à ce pauvre animal, déjà peu gaté par la nature. Qui plus est, délaissé par les siens, comment pourrait-elle survivre toute seule ? les fourmis vivent en colonie.

 

Son existence qui n’était jusqu’à maintenant qu’un collier d’embarras, aussi courte soit-elle, ne vaut pas une vie solitaire…

 

Demain, je repars à travers les routes d’Europe avec mon semi-remorque. Moi aussi, seul dans ma cabine, je m’ennuie terriblement, et encore plus le soir à l’arrêt où seuls quelques échanges radio ponctuent les nuits si longues.

 

Pourquoi ne pas ne pas proposer à cette fourmi de partager mes voyages ; je l’installerai dans la remorque qu’elle agencera comme bon lui semble et se confectionnera une chambre douillette. Avec sa taille de guêpe, sa silhouette svelte, digne d’un mannequin de haute couture, il lui restera bien assez de place pour se mouvoir. Mimi aurait une maison mobile – adaptée à sa taille - qui lui permettra de vivre de nombreuses aventures.

 

Elle pourra ainsi oublier que sa vie n’était qu’un collier d’embarras…

 

 

 

 

 

 

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