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28 avril 2010

« J'ai suivi Alice... »

Suite au jeu Dixit, choix d'un "couple" de cartes dont le titre choisi fut "J'ai suivi Alice..." :

  • une carte sur fond rouge d'un garçon et d'une fille qui tombent
  • une carte représentant une maison de poupée avec une petite fille blonde assise sur le plancher les jambes dans le vide

« J'ai suivi Alice... »

« Alice a le don de la métamorphose
Elle peut se transformer
Rien ne s'y oppose
Alice a le don
»,
Bertrand Cantat - Noir Désir

Dans un sens ou dans un autre, nous tombions; mes yeux plongés dans les siens j'étais en perdition. C'est peu de le dire. Il me manquait littéralement la diction du père, une indication du quoi faire de ce petit rien d'un désir sans droit de cité, juste bon à être tu. Jouir de sa non-réalisation, triste condition. La vie roulait tranquillement, elle aurait pu rouler comme ça jusqu'à la mort. On est pas mal à attendre ainsi, sans douleur, sous analgésiques, antalgiques et autres anti-douleur. Même qu'on fait tout pour l'allonger, la durée de vie. Pas fumer, manger sain même si ce n'est pas bon au goût c'est bon pour la santé, pas prendre de risque, même s'il y a que comme ça parfois, qu'on se sent exister, pas forniquer, au moins pas sans capote et seulement dans le cadre règlementé du couple... un peu d'adultère de temps en temps, seulement pour les hommes c'est bien normal. Les chiens rôdent...

Alice dans sa maison de poupée, s'asseyait parfois au bord du plancher, les jambes dans le vide, au dessus de la salle à manger et contemplait, pensive.
Une poupée toute blonde dans une robe rouge avec des collants rayés multicolores, de jolis souliers noirs et brillants, les yeux grand ouvert, elle n'avait personne, dans sa maison vide, à qui poser quelques questions. Sous le toit du monde, à la tombée de la nuit, elle attendait la prochaine fois où elle salirait ses mains délicates et tous ses vêtements de la terre d'où le glébeux s'est hissé. A l'aube, lorsque les premières lueurs chassent les oiseaux de nuit et réveillent les diurnes, Alice, elle ira par delà les champs et prairies, s'assoir au bord de la rivière, sentir ses pieds nus frémir au contact de l'eau encore fraîche.
Moi je la regarde et j'essaye de penser à une carte postale ou une toile à la gouache. Une maison sur deux étages, de ses maisons de poupée que les petites filles veulent toutes, avec les tapisseries et les carrelages en autocollants habilement posés par papa. Toutes les pièces sont bien propres, les meubles à leur place... comme à la maison. Il manque un pan de mur, évidemment, sinon comment voir à l'intérieur. Alors je me demande « Qu'est-ce qu'elles y voient les petites filles ? ».
Moi je la vois, Alice, assise au bord de sa chambre, à l'étage, tournée vers dehors, dans sa maison sans vie. Alors je tombe. Je veux pas finir dans cette demeure ou tout meurt.
Foutu désir ! Foutu lâcheté ! La faute à personne, juste la mienne de n'oser être au delà des mots des autres, au delà des maux de l'Autre.
J'ai suivi Alice un peu malgré moi, un peu par envie, juste la vie qu'on siffle d'une gorgée. Je retourne la carte et les meubles restent en place, Alice maintenant est au dessus de moi, je ne la quitte pas des yeux. Où va-t-on puisqu'on ne voit que nous ? Ses mots dégringolent et tout chavire. Je tiens bon la barre et le vent l'emportera. Pourtant c'est à l'emporte-pièce que que je rassemble mes esprits; déjà il est trop tard, mon cœur suffoque. Désirer d'accord mais d'une poupée de maison. Cachez-moi ce sein que je ne saurai voir... Alice je tombe, en péril et en amour, d'un désir bienveillant dont mes chiens font l'exploit de juger. Elle me laisse encore approcher, son regard plongé sur mon être comme dans un livre ouvert. Son spleen s'estompe au contact de nos échanges. Mon coeur, instrument de malheur, joue son blues, petite rengaine solitaire d'un pauvre esclave, libre de ne pas l'être.
Alice, sens dessus-dessous, réchauffe ses pieds dans mes larmes, sur fond rouge flamme, à la dérive... enfin, les emprises lâchées pour un temps, celui de l'amour, avant que la bêtise m'assassine.

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Commentaires
D
Alice est comme ça.
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O
Merci Carole. Quel bonheur de l'avoir écrit, j'ai vraiment passé un bon moment.
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M
Inquiétudes, renversements, beautés. Le désir et ses métamorphoses. Un bonheur que de pouvoir relire ce texte après l'avoir écouté en atelier.<br /> Carole
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