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23 mai 2010

Le jardin de Marie, par Nicole Artaud

LE JARDIN DE MARIE

 

Marie habite à Montmartre dans un havre de paix au milieu de la ville. Il faut descendre un escalier ancien en bois qui se termine dans un jardin enchâssé dans les immeubles environnants.

Par la terrasse, on accède à la véranda qui tient lieu d'entrée et de salle à manger, puis par une ouverture dans le mur en pierre on arrive dans le séjour-chambre à coucher avec, au fond, une minuscule cuisine ouverte. Nous sommes dans une ancienne cave voûtée, chaulée de blanc avec un soubassement en pierres apparentes. Les peintures de Marie colorent et réchauffent les murs, deux étagères croulent sous les livres d'art.

Car Marie est artiste, peintre à certaines périodes, comédienne à d'autres. Et ce lieu lui ressemble, un peu étrange mais chaleureux, désordonné mais accueillant.

 

Son jardin est deux fois plus grand que son studio et dès le printemps il devient son lieu de vie préféré. Les hellébores marquent la bordure de la terrasse, les lilas fleurissent, un chèvrefeuille grimpe à l'assaut d'un treillis en bambou et embaume les soirs d'été.

Le bruit de la ville n'est plus qu'un murmure assourdi, tandis que les oiseaux lancent des trilles à tue-tête, guettés par Balthus le chartreux gris qui fait semblant de dormir au soleil.

 

Le bout de terrain près du mur mitoyen est laissé à l'abandon, un peu envahi par les herbes folles, Marie n'aime plus s'y aventurer.

A son arrivée, en remodelant le jardin, elle a trouvé dans ce coin, une pierre gravée fichée dans la terre. Au premier abord, elle n'a pu déchiffrer l'inscription envahie de lichen. Patiemment, elle a gratté et nettoyé la pierre noircie, curieuse de découvrir, peut-être, un vestige romain ou mérovingien. Pourquoi pas ?

Un jour enfin, elle a pu lire : Angèle 1885-1900. Regrets

Lentement, elle s'est relevée, un peu déroutée. Une jeune fille de quinze ans, du XIX ème siècle, reposait sous ses pieds.

Le soleil lui sembla tout à coup moins vif, elle frissonna. Etait-ce Angèle qui lui inspirait ces toiles abstraites aux couleurs plutôt sombres, mais peuplées de petits bonshommes blancs, sans formes, aux grands yeux noirs, qui naissaient sous ses pinceaux depuis quelques temps, sans qu'elle comprenne pourquoi ?

Mais qui était Angèle ? Comment connaître son histoire ? Elle décida à l'instant de faire un petit travail de détective.

 

Soudain, un vent d'orage s'était levé, faisant claquer la porte des escaliers dont une vitre vola en éclats. Les oiseaux se turent d'un coup, et un gros nuage noir, arrivé on ne sait d'où, creva subitement en une averse tropicale sur la butte.

Marie courut rejoindre Balthus sous la véranda et contempla les éléments qui se déchaînaient. Un éclair aveuglant fendit, dans un fracas assourdissant, l'acacia qui dominait la stèle.

 

Comme sonnée, elle se réfugia sous la voûte rassurante du studio, le dos bien calé par le dossier du canapé, les bras enserrant son chat roulé en boule. Ils se rassuraient l'un l'autre.

Avec sa sensibilité d'artiste, Marie ne doutait pas que le fantôme d'Angèle lui envoyait un avertissement: « Surtout ne cherche pas à savoir, laisse-moi à mon éternité et tout ira bien pour toi ».

Sur le champ, Marie prit la décision de ne pas faire d'enquête mais de ne plus approcher cette partie du jardin et l'abandonner aux herbes bonnes ou mauvaises.

 

Comme par miracle, l'orage cessa aussi vite qu'il avait commencé.

 

L'acacia foudroyé présente depuis ce jour une moitié qui dresse ses branches mortes noircies vers le ciel, tandis que l'autre refleurit toujours au printemps.

Nicole Artaud, 19/04/2010

 

Se servir d'un lieu pour amener un personnage ou une histoire.

 

 

 

 

 

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