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5 juillet 2010

En famille, par Christiane Koberich

Consigne: Une scène racontée par un témoin...

En famille.

 

 Chacune était arrivée, la tête déjà pleine d’idées bien arrêtées sur la question. Moi je me trouvais là, un peu en marge de leur histoire, pas décidée à m’y impliquer. Mais je connaissais le sujet et ne pensais pas qu’il y avait matière à dispute. A discussion oui, mais pas à dispute.

Ce fut Véro qui commença.

   -Je ne suis pas d’accord pour que tu loues le local de maman. On est nombreux à l’utiliser, chacun y a stocké des affaires…

Elle n’alla pas plus loin.

   -Ah ! J’en étais sûre. Je l’savais. Vous avez toujours été comme ça. Vous m’avez toujours mis des bâtons dans les roues. Merci la famille. Vraiment, merci.

   Le ton était donné. L’explosion de colère de Michou, son incapacité à entendre un autre point de vue que le sien, entraîna la situation dans un dialogue de sourds dont on arrivait mal à entrevoir une issue sans blessures.

   Elle sortit de la pièce en proie à une rage dont elle n’était pas coutumière, livide, ne voulant plus rien entendre, hurlant dès qu’on s’adressait à elle.

   -C’est bon, j’ai compris. Je n’ai jamais pu compter sur vous. Je me débrouillerai autrement.

   Après un moment de vaines tentatives de la part de Véro et d’Agnès pour lui expliquer qu’il ne fallait pas se braquer, qu’il y avait forcément un moyen de s’entendre, qu’il fallait discuter, que non, absolument pas, ce n’était pas oui ou non, blanc ou noir, tout ou rien, mais qu’au moins une troisième voie était possible, qu’on pouvait envisager un partage, suivant les besoins de chacun, que tout le monde pouvait y trouver son compte… une grande fatigue s’empara des protagonistes et chacune alla pleurer dans son coin.

 

   Démêlons un peu cet imbroglio familial.

   Michou qui déménage dans un appartement plus petit, a besoin d’un local pour y entreposer des meubles impossibles à caser dans sa nouvelle maison. Elle compte louer celui de sa mère qui se trouve être aussi la mère de ses sœurs. Mère qui voudrait faire plaisir à tout son monde mais ne possède qu’un seul local. Local jusque là à la disposition de tous ses enfants, et régulièrement squatté par les uns et les autres. Elle n’ose pas le refuser à Michou, mais ne veut pas non plus en priver les autres. Michou sait, au fond, que la partie n’est pas gagnée, et elle n’a pas envisagé d’en parler à ses sœurs, persuadée sans doute que payer un loyer lui donnerait l’avantage.

   Véro avait écouté auparavant les plaintes de leur mère sur cette affaire, et senti l’inconfort de sa position. Envahie d’émotions empathiques, elle se fit un devoir de la protéger. Devoir rendu d’autant plus impérieux que, n’ayant pas été informée par sa propre sœur de ses intentions, elle se sentait humiliée d’avoir été traitée comme une quantité négligeable. Bien sûr, elle était prête à accepter que Michou puisse utiliser en permanence le local de leur mère, puisque elle-même, habitant Alès, n’en avait que rarement besoin. Mais sur le principe, elle ne pouvait accepter la manière dont Michou avait manœuvré.

   Agnès, quant à elle, qui se démenait pour trouver un bon compromis, devait penser aussi que Michou oubliait un peu trop vite qu’elle venait régulièrement, une fois par semaine, chercher sa maman, l’emmenait faire ses courses, la ramenait, lui montait ses paquets, l’aidait à ranger ses achats…Alors oui, bien sûr, elle estimait qu’en compensation elle pouvait quand même continuer à utiliser le local à rangement qui lui permettait de stocker quelques vieux meubles. Jusque là il n’y avait jamais eu d’histoires entre elles. Alors pourquoi soudain Michou revendiquait-elle la pièce pour elle toute seule ?

 

   A ce stade de mon récit je ne sais pas si vous y voyez plus clair, si vous arrivez à sortir de cette confusion, si vous avez pris parti, et pour qui, si vous vous dîtes que ce n’est pas la peine de se mettre dans des états pareils. Elles, pendant ce temps, elles pleurent, pleurent, pleurent.

   Mais comme elles s’aiment bien, elles finissent par se rapprocher. Pour en parler. Et derrière cette histoire commencent à émerger d’autres histoires plus lointaines. Des cicatrices mal refermées, sur des blessures de l’enfance. De celles où l’on se demande si maman nous aime vraiment, si elle ne préfèrerait pas plutôt les autres…Parce que, tout compte fait, elle est si injuste parfois…

Et puis les larmes se tarissent. Yeux rougis, nez qui coulent. Les cris ont cessé. Elles s’écoutent. On ne peut pas parler de réconciliation. Mais un bout de chemin s’esquisse en ce sens. Elles parlent, parlent, parlent. Et au fond, dans tout ça, à qui la faute ? A maman, bien sûr.

 

Christiane Koberich.

21 juin 2010

 

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