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11 novembre 2011

La boîte à sentiments, par Charlotte Romani

Voici les premières pages du roman de Charlotte Romani, qu'elle publie sur son site : http://laboiteasentiments.blogspot.com/

Charlotte est l'une des participantes de l'atelier du mardi soir. Elle a écrit ce roman l'année dernière, et cherche un éditeur. "La boite à sentiments" nous entraîne dans l'univers estudiantin montpelliérain, en nous faisant partager le quotidien de Chloé et de ses amis. Car Chloé est entourée d'amis, tous plus drôles et surprenants les uns que les autres, comme vous le découvrirez vite. Mais, après avoir fait l'expérience d'une rupture traumatisante, elle hésite à se lancer à nouveau dans l'aventure amoureuse. L'apparition dans sa vie de l'énigmatique "boite à sentiments" va-t-elle modifier les choses?
Les illustrations sont de la soeur de Charlotte, Paulette Romani.

Chapitre 1 Une rencontre importante
* * * * * * * * * * * *
XL.

Semper Eadem*

    ““D’où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
    Montant comme la mer sur le roc noir et nu ?”
Quand notre coeur a fait une fois sa vendange,
    Vivre est un mal. C’est un secret de tous connu, 

    Une douleur très simple et non mystérieuse,
    Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
    Cessez donc de chercher, ô belle curieuse !
    Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous !”
 
    (...)
Extrait de XL. Semper Eadem de Charles Baudelaire - Les Fleurs du Mal
  
* Formule latine signifiant “toujours la même” ou “toujours les mêmes choses”. 
* * * * * * * * * * * *

Une rencontre importante

Chloé


- Mardi 5 Mai -

    Il est exactement 8h du matin. Mon réveil a déjà sonné cinq fois au moins, à neuf minutes d'intervalles et c’est avec peine que je me décide enfin à sortir de mon lit encore tout chaud. Comme d’habitude, j’ouvre mes volets et je regarde un instant le ciel, me disant en moi-même que c’est dommage de rester enfermée par une si belle journée. Puis j’allume la radio, fais mon lit et déjeune tout en surfant sur le net.

    Moi qui cours toujours après le temps, j’ai souvent la sensation qu’une journée de vingt-quatre heures n’est pas suffisamment longue. Mais d’un autre côté, je me dis aussi que je devrais être plus organisée.

    Actuellement, je suis quelqu’un d'honnête et d’assez fier. Généralement, les gens me disent que je parais très froide au premier abord, voire hautaine. Cependant, lorsqu’on me connaît mieux, on finit par me trouver assez sympa. C’est déjà pas mal...
  Ce dont je suis sûre à mon sujet, c’est que je suis quelqu’un de passionné. Passionné par beaucoup de choses mais plus particulièrement par les arts, la musique et le piano, que je pratique depuis plusieurs années maintenant. J’ai su rester fidèle aux autres et à moi-même... à mes convictions. Du haut de mes 24 ans, je n’ai pas la sensation d’être un être exceptionnel, mais j’ai souvent l’impression d’être à part. À coté des autres. Ce qui doit justement renforcer cet aspect de froideur que je dégage sans le vouloir et qui a pour conséquence de me déprimer lorsque j’y songe. On dit que les natifs du Capricorne ont ce trait de caractère... Après tout, on est comme on est... Ma timidité n’est jamais un obstacle lorsque je dois dire ce que je pense, avec ou sans diplomatie, mais ma maladresse me met souvent dans de drôles de situations. Je ne fais pas toujours preuve de patience, néanmoins, le désir d’être accomplie m’incite à la persévérance. Exigeante et perfectionniste, j’ai ce qu’on peut appeler un fort caractère.
    Lorsque je suis aux cotés de mon père, on me dit : “Bon sang, qu’est ce que tu ressembles à ton père !” Et lorsque je suis aux cotés de ma mère, on me dit : “Bon sang, qu’est ce que tu ressembles à ta mère !” Ce qui est assez comique, car en définitive, je ne sais pas à qui je ressemble le plus. Je suis de taille moyenne. À ma grande satisfaction, mes cheveux sont longs et châtains clairs. Et j’ai les yeux bleus. D’ailleurs, ni ma mère, ni mon père n’ont les yeux de cette couleur.

    Après le petit déjeuner, je file dans la salle de bain pour me préparer. Je suis toujours un peu longue. D’ailleurs, ma mère et ma petite soeur ne manquent jamais de me le rappeler lorsque je rentre certains week-ends pour voir ma famille.
   J’ai deux sœurs en fait. Lawrence et Ambre. Lawrence a sept ans de plus que moi et elle va bientôt fêter son 31ème anniversaire. Maman lui avait donné ce prénom en hommage à Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie, mais aussi par amour des prénoms anglophones. Bien que nous ayons des caractères diamétralement opposés, je m’entends bien avec elle. Cependant, il fut un temps où l’on n’arrêtait pas de se disputer pour un oui ou pour non. Heureusement, cette période est révolue. Elle est éducatrice spécialisée, mais sa passion reste avant tout l’écriture. Cela va faire cinq ans qu’elle et Alexandre se sont mariés. Ils ont eu un fils : Baptiste. Le petit bout a eu deux ans cette année, et il aura bientôt une petit soeur.
    Ambre, quant à elle, vient tout juste d’avoir 16 ans. Elle est au lycée, en seconde Arts-Appliqués. Elle prend également des cours de Théâtre. Très tête en l’air, c’est aussi un véritable clown quand elle s’y met. Je suis très proche d’elle. Lorsqu’on est toutes les deux, il n’y en a pas une pour rattraper l’autre ! On se marre comme des folles même si les délires qu’on s’invente ne font rire personne...

    Fatalement, la matinée est passée à toute vitesse. C’est sur les chapeaux de roues que j’ai mangé ce midi. En début d’après midi, les choses sérieuses ont commencé. J’ai joué du piano durant quatre bonnes heures et je me suis sentie accomplie. Finalement, et même si je n’avais pas prévu ça, c’est seulement en fin d’après midi que je suis sortie de chez moi, sans culpabiliser un seul instant d’avoir encore quelques petits trucs à faire. J’aime partir à pied dans le centre-ville de Montpellier et faire les boutiques, surtout les disquaires et les librairies. Même si je n’ai pas beaucoup d’argent, je suis toujours à la recherche de nouveautés. Bien souvent, je n’arrive pas à freiner mes désirs et repars avec un CD, un manga ou autre chose dans mon sac, tout dépend de mes envies du moment. Je reconnais que ce n’est pas très sérieux, mais le fait de donner quelques cours de piano m’aide à atténuer la difficulté des fins de mois.

    C’est le printemps. L’air est comme je l’aime : doux et chaud, avec une petite brise flottante, agréable, enivrante. La luminosité est tout simplement magnifique. Bleu, jaune, rose et mauve se mélangent dans le ciel, formant une parfaite harmonie de couleurs... Je me sens juste bien.

- Je m’en souviens encore comme si c’était hier -
   
    Je me souviens que ce Mardi 5 Mai, je me sentais bien. J’avais dû flâner une petite heure dans le centre et par gourmandise je m’étais achetée une crêpe au nutella, que je mangeai tout en marchant : je me dirigeais vers le parc du Peyrou pour contempler la vue et m'asseoir sur un banc, encore immergé de soleil.
    Je restai là, fumant une cigarette, plongée dans mes pensées. J’écoutais, sur mon lecteur Mp3, So Real* de Jeff Buckley, une chanson que j’adore, me surprenant moi-même d’être si sereine pour une fois. Même si des souvenirs me revenaient, je ne me sentais pas mal pour autant. Je m’en étonnais, car j’ai toujours eu beaucoup de difficultés à gérer le flot de mes souvenirs, et par contraste le retour au présent.

    J’adore venir au Peyrou pour me balader... Situé entre l'Arc de Triomphe et les Arceaux, ce parc coiffe le sommet de la colline autour de laquelle la ville s'est bâtie. Entouré de bassins ornés de sculptures, de jets d'eaux et de banc publics, le parc est aussi ombragé par d'immenses platanes. Il y a de grandes pelouses verdoyantes ainsi qu'un château d'eau et un aqueduc à son extrémité, d’où l’on peut y contempler une partie de la ville.

    Le Peyrou était blindé de monde. Il y avait ici et là une bande de jeunes allongés dans la pelouse, un couple d’amoureux se tenant la main, des solitaires dans mon genre et un homme qui se dirigeait lentement dans ma direction. Il avait le visage marqué par le temps, mais je n’aurais su lui donner d’âge. Bien qu’il s’aidât d’une canne, il y avait de l’élégance dans sa démarche, une certaine classe aussi - ce n’était pas une question de vêtements mais d’allure. Je me souviens d’une chose qui m’a tout de suite semblé curieuse : il tenait une boite sous son bras gauche. Il se rapprochait de plus en plus, pour finalement venir s’asseoir à côté de moi, alors qu’il y avait une multitude d’autres bancs dans le secteur.

- Je ne vous dérange pas j’espère ? me demanda-t-il d’un air bienveillant.
- Oh, non non, pas du tout ! 

    J'éteignis mon lecteur Mp3. Quelques minutes passèrent et je me grillai une autre cigarette. Le soleil commençait à décliner, mais l’air était encore chaud. J’avais envie de rester encore un peu. Je jetai quelques regards discrets à mon voisin qui tenait toujours cette fameuse boite entre ses mains. Il l’avait posée sur ses genoux. À présent, j’en voyais mieux les détails. Elle était d’une taille moyenne, ronde, lisse et d’une drôle de couleur pastel, cependant magnifique. Bien qu’habituellement je sache faire la différence entre les teintes, je n’aurais su dire si elle était rose ou jaune, ou les deux à la fois. On aurait dit quelle était le parfait reflet du ciel, tel un miroir ou une flaque d’eau dans laquelle pouvait se refléter la silhouette de celui ou celle qui s’y mirerait.    

   Voyant que j’étais intriguée par cet objet, Le Vieil Homme me dit alors : “Elle vous plaît n’est-ce pas ?” À cela je ne pus répondre qu’affirmativement. Je n’avais jamais vu quelque chose d’aussi intriguant, presque hypnotique.
- C’est un objet digne des dieux. Un objet très rare, unique, que j’ai en ma possession depuis fort longtemps et qui m’a beaucoup servi.
- Ah bon ? Mais... comment se fait-il que vous l’ayez avec vous en ce moment ? lui demandai-je, ne sachant trop quoi dire.
- Eh bien, il est temps, voilà tout, me dit-il très naturellement.
- Comment ça, il est temps ?
    
    Le Vieil Homme commençait vraiment à éveiller ma curiosité.

- Il est temps pour moi de faire une bonne action. C’est La Boite qui me l’a dit.

    Alors là, j’étais déconcertée. Il balançait ça avec un tel aplomb.

- La boite vous a... vous... vous êtes sérieux là ? 
- Tout à fait ! J’ai encore toute ma tête ! me répondit-il en riant.
- D’accord ! Je vous crois volontiers. Mais pourquoi me dire ça à moi ?
- Parce que c’est à vous qu’Elle appartient désormais.

    En disant cela, Le Vieil Homme sembla un peu triste. Il se leva, s’aidant de sa canne, et me remit cette boite entre les mains. 

- C’est La Boite à Sentiments. Elle renferme beaucoup de secrets et moi-même, après tout ce temps, je n’ai pas réussi à comprendre comment elle fonctionne véritablement. Je sais juste qu’elle m’a beaucoup aidé dans les tourments de ma jeunesse, et bien après. Sans elle, ma vie n’aurait certainement pas été la même et je considère que j’ai eu beaucoup de chance d’en avoir été le propriétaire jusqu’à aujourd’hui. Elle m’a été transmise, à l’époque, par une jeune femme que je ne connaissais pas et qui procéda comme je m’apprête à le faire. Je dois m’en séparer car La Boite vous a choisie. Je n’ai pas de vrais conseils à vous donner, sauf peut être... Écoutez ce qu’elle vous dira. Prenez-en grand soin tant qu’elle vous appartiendra, et n’en parlez jamais à personne.
- Mais monsieur, sauf votre respect, ce n’est qu’une boite et... les boites, ça ne parle pas !
- Non, au contraire. Ce n’est pas une simple Boite et vous vous en rendrez compte bien assez tôt. Il suffit juste de l’ouvrir.
- Euh...
- Bien, je vous souhaite le meilleur à venir.
   
    Sur un dernier sourire chaleureux, Le Vieil Homme fit demi-tour et me laissa sur le banc, la bouche ouverte. J’avais la boite entre les mains et l’air totalement stupide du gobeur de mouches. Je décidai alors de me griller une autre cigarette. Vraiment, je n’en revenais pas. Le temps semblait s’être arrêté, comme suspendu... Durant cette conversation, je n’avais même pas réalisé que le crépuscule laissait place à la nuit et qu’il n’y avait presque plus personne à l’horizon...

    “C’est vraiment curieux... Il suffit juste de l’ouvrir ??? C’est quoi ce délire ?”

    Je pris l’initiative de soulever le couvercle, mais l’intérieur ne contenait absolument rien. La boite était vide, du vide le plus vide qui existe.

    “Pfff... je le savais !” m’exclamai-je, en me ravisant aussitôt.

    À vrai dire, je ne savais pas trop à quoi m’attendre en ouvrant cette boite... Peut-être à ce qu’elle émette un son dans une explosion de confettis et de serpentins colorés  comme dans les boutiques de farces et attrapes. Je me levai, bien décidée à rentrer chez moi. Je la pris quand même avec moi, me disant que je pouvais toujours m’en servir d’une façon ou d’une autre... Elle était jolie après tout.

* Album Grâce.
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 - La Boite à Sentiments - 
- Ses couleurs sont celles du jour où Chloé en fait l’acquisition -  

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Ma playlist : 
- Dario Marianelli, Liz on top of the world - B.O du film Pride and Prejudice 
- David Bowie, Life on Mars ? - Hunky Dory 
- Jeff Buckley, So Real - Grâce
 
- Morcheeba, I am the spring - Big Calm
- Neil Young, Old man - Harvest 
- Noir Désir, À ton étoile - 666.667 Club
- Serge Gainsbourg, La chanson de Prévert - Gainsbourg Forever 
- Shigeru Umebayashi, Yumeji’s theme  - B.O du film In the Mood for Love 


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