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31 janvier 2012

Un cas, l'ami, par Danièle Geroda

Proposition d'écriture : un narrateur impliqué... merci Danièle pour ce récit plein de couleurs.

marchéDouze heures viennent de sonner à l’horloge de l’hôtel de ville. La place grouille de monde. Bien sûr ! Vous allez me dire ! Normal pour un jour de marché. . . Samedi ordinaire. Mais le soleil qui a fait son apparition tardivement réchauffe enfin les mains et les cœurs de tous les camelots présents comme d’habitude, ainsi que de leurs clients.

Et voilà mon ami Mika qui se fraye un passage vers Maria, la fleuriste de notre bourgade, qu’il aime venir saluer, histoire d’écouter ses dernières infos. Maria, très bavarde, passionnée des fleurs est intarissable sur les semailles, les boutures, les bouquets, s’informant toujours du pourquoi du choix de telle ou telle fleur, faisant même varier les sélections de ses clients. « Le langage des fleurs est trop important pour commettre une bévue par ignorance » se plaît-elle à répéter à chacun. Mika, je le sais bien, a seulement envie de fleurir sa salle d’attente. C’est tellement triste de laisser des patients ruminer leur angoisse alors qu’il ne lui coûte que quelques euros, chaque samedi, pour égayer son local. C’est ce que m’a expliqué Mika maintes et maintes fois.

Ah ! L’odeur engageante de sauce vient sûrement de flatter ses narines car je le vois tout juste s’approcher de la rôtisserie du père Goret. Moult poulets ont entamé leur ronde infernale. Les délicieuses pommes de terre qui semblent faire une farandole avec eux ont un succès fou, vu le nombre de pékins en attente devant le tourne broche ruisselant. Mais, n’allez pas croire que sa venue est anodine ! Je sens déjà la douce colère de Mika monter en lui. Il a dû apercevoir, dans la file, Monsieur Yves, un de mes voisins d’ailleurs, malade du cholestérol à qui il prodigue régulièrement ses recommandations d’usage. « Surtout pas de gras, pas de féculents, pas de pommes de terre si vous voulez ajouter encore quelques années à votre capital santé sans trop écorner votre carte vitale. »

Aujourd’hui, toutefois, Mika va jubiler car, là-bas, près de l’écaillère, c’est bien Madame Grany. Elle semble avoir compris le message et fait provision d’omégas 3. J’entends Mika lui souffler dans le dos en passant près de l’étal. « C’est bien ! Mangez du poisson, ne vous privez pas Et attention, je veux vous revoir bientôt . . . Encore une petite analyse à faire. »


Mika adore notre petite ville provinciale qu’il a découverte, il y a seulement 3 ans, à son arrivée de Roumanie. Privés depuis longtemps d’un médecin, nous l’avons accueilli en sauveur et son installation combla tout un chacun. C’est ainsi que Mika et Elisa sa compagne nous sont devenus indispensables, incontournables. Et, pour rien au monde, tous deux, maintenant ne quitteraient cette terre d’accueil, source de bonheur, même si, parfois, Mika sent sa conscience un peu défaillir. Mais ! Que voulez- vous ? A sa décharge, je suis témoin qu’il ne peut refuser autant de gentillesse car il est la Gentillesse même. Ainsi, en plus de sa sacoche sérieuse porteuse de tout son savoir médical, dans une main, Mika s’accompagne toujours d’un sac pliable et dépliable à souhait pour sa tournée du samedi sur le marché. C’est là, je le confirme, que chaque patient reconnaissant se laisse aller à un don gracieux que Mika repousse mollement pour finir par accepter avec une effusion de mercis.

Mais, amusons nous un peu ! Je me dois de vous parler aussi d’une petite mésaventure survenue à mon toubib préféré qui montre bien que son investissement social dépasse ce que l’on peut imaginer. Le bien être recherché pour nous tous, Mika le transpose également chez nos amies les bêtes. Il passe volontiers de docteur généraliste à vétérinaire, si besoin. Sa terrasse, très ensoleillée offre l’hospitalité à toute bête convalescente : lézards à la queue coupée, tourterelles en perte d’ailes, écureuils cafardeux en quête de pommes de pins, chenilles processionnaires qu’il raccorde lui-même en cas de rupture de file, etc etc.

Elisa m’avait confié, il y a quelque temps que vraiment ils ne me remercieraient jamais assez de les avoir si bien conseillé dans le choix d’un chauffage électrique réversible et que leurs deniers s’étaient ainsi surmultipliés depuis un an . . .

Quel lien ? Allez-vous me dire avec les bestioles citées auparavant. Et bien, tout simplement, sans le savoir, cette fois, Mika hébergeait une colonie impressionnante de fourmis qui lui avait, tout bonnement, bloqué son compteur électrique.

Sa notoriété est telle que la facture de redressement a dû s’égarer dans quelque casier postal. Il est tellement gentil !


Danièle Géroda                                                Lundi 23 janvier 2012

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