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29 avril 2012

Musée de l'Apartheid, par Rosalie Jeannette

Rosalie nous a ramené d'Afrique du Sud ce témoignage émouvant.

Musée de l’Apartheid – Johannesburg (Afrique du Sud)

 rosaliemuseeapartheid1Le bus s’arrête enfin devant les grilles du musée de l’Apartheid. Impossible de se tromper. C’est écrit très lisiblement en caractères gigantesques sur le mur et, au cas où l’histoire nous soit inconnue, une pancarte de taille imposante exhibe fièrement des portraits peints de Nelson Mandala.

 Raul, notre guide, nous demande de l’attendre devant les grilles, le temps pour lui de prendre les tickets d’entrée. Quelques minutes après, le voilà de retour et aussitôt, il annonce la couleur.

« Voilà, dit-il, chacun doit piocher un billet au hasard. Retournez-le maintenant et regardez si vous êtes un visiteur Noir  ou Blanc ».

 Nous nous exécutons tandis que Raul continue ses explications : « Afin d’interpeler les visiteurs, le musée a volontairement reproduit les conditions de vie dans ce pays du temps de l’Apartheid. Il y a donc une entrée pour les Blancs et une entrée différente pour les Noirs. Une plongée dans l’univers odieux de la ségrégation institutionnalisée. Ne vous inquiétez pas nous nous retrouverons tous ensemble un peu plus loin ».

 rosalieapartheid3L’accès au musée se fait donc par deux portes différentes selon la couleur de la peau que nous confère le ticket. Une expérience in vivo qui permet de saisir les humiliations quotidiennes engendrées par le régime d’Apartheid, un tri des êtres humains traités comme un cheptel. Et dire que cela fait seulement une vingtaine d’années que la page est tournée.

 Je regarde le billet que j’ai dans ma main. « Dommage ! Je suis Blanc ». J’aurai tant aimé me placer dans l’autre situation. Enfin, j’en prends mon partie et joue le jeu.

 Au-dessus des portes, une pancarte affiche clairement « Entrée pour les Blancs » ou « Entrée pour les Noirs ». A l’entrée pour les Afrikans, un deuxième panneau indique noir sur blanc : « Interdit aux non Européens ».

 Je passe le sas. Des fenêtres, bien que placées très haut, éclairent le long corridor. Des grilles d’exposition sont tapissées de cartes d’identité sur lesquelles figurent la nationalité de l’individu : South Africa, Zambie… Uniquement des visages d’hommes blancs. J’en vois une avec une photo de métis. Des mentions figurent au bas de la carte d’identité. Raul me dira plus tard que certaines personnes pouvaient passer devant une commission -de Blancs évidemment- pour demander l’annulation du classement dans la catégorie des Noirs Africains. Il fallait argumenter longuement et peu obtenaient gain de cause.

 Je passe une deuxième porte comportant toujours les mêmes notifications. Je retrouve la lumière du jour, le temps d’un passage entre deux murs : c’est assez large et cela grimpe tranquillement. Je m’aperçois que d’autres personnes longent le mur du bâtiment en contre-bas, par un passage sombre et étroit. Il fait sombre et le passage est étroit. C’est le passage réservé aux Noirs.

 Peu à peu les deux files se rejoignent et se rétrécissent, avant d’entrer dans la pièce suivante qui nécessite de passer un tourniquet. Ceci symbolise l’oppression de l’Apartheid. Nous entrons tous ensemble dans une pièce assez sombre. Sur le mur face à nous, les textes de loi érigés par l’Apartheid sont placardés. Sur les côtés figurent les personnages qui ont mis en place ce système. « Au début, explique Raul, il ne s’agissait que de se protéger. Les Blancs avaient peur des Noirs et inversement. Aussi, la séparation avait pour but initial d’éviter la propagation de maladies inconnues ou d’épidémies. Ensuite leur application a dérivé, sous l’influence d’un petit nombre de responsables ». C’est à ce moment là, et pas avant, que notre guide commence à nous expliquer quelques articles de la loi de l’Apartheid qui interpellent le plus. Peut-on à ce point rabaisser des hommes ? Peut-on à ce point aller contre les droits de l’homme ?

rosaliemuseeapartheid2 De couloirs en couloirs, nous découvrons le début de la lutte contre ce système de séparation raciale et notamment le dur combat mené par Nelson Mandela. Depuis sa tendre jeunesse, il a poursuivi le même but. Il n’a pas toujours été pacifiste, loin de là, pendant la période où il était activiste à l’ANCL. Peu nombreux étaient ceux qui croyaient en lui et à sa façon de faire. Plus tard il adoptera une position plus humaniste : Réunir plutôt que diviser. Rappelez-vous, c’est ce qu’il a voulu démontrer au monde entier pendant ce fameux match de rugby…

 Ceci dit, la visite du musée est très enrichissante. C’est un voyage en soi, un voyage pour comprendre le sens des mots liberté et égalité. Le parcours retrace les grandes heures de la lutte pour l’émancipation des Noirs d’Afrique du Sud. Au fil de la visite, une vaste collection de documents sonores ou filmés s’offre à nous, et nous regardons, médusés, les objets d’époque qui témoignent de la brutalité d’un régime. Toutefois, il n’y a pas de vécu dans ces lieux, ce n’est pas oppressant ce qui n’empêche pas de s’interroger sur beaucoup de choses y compris sur le quotidien parfois si banal.

 L’Apartheid n’a plus court aujourd’hui, nous dit-on. Mais je remarque toutefois que partout où nous sommes passés, c’était des  Blancs qui occupaient les postes à responsabilité. Les serveurs des restaurants eux sont plutôt des Noirs. En ville, sous prétexte qu’ils n’aiment pas la même musique, Blancs et Noirs ne fréquentent pas les mêmes discothèques. D’ailleurs, pour l’animation dans les rues, c’est dans les quartiers noirs aux maisons très colorées, que ça bouge.

 Notre visite s’achève bientôt. Mais avant de franchir la dernière porte, nous passons un sas où deux tas de pierres sont disposés de chaque côté. Raul invite chaque personne qui le souhaite à prendre un caillou dans le tas de gauche et le lancer sur l’autre tas. Ce geste symbolique signifie que nous adhérons à l’abolition de l’Apartheid.

 A la sortie, rien ne trouble l’étrange paix qui règne ici. Des bancs sont posés là afin d’offrir aux visiteurs ébranlés un espace de méditation.

 Tragédie et héroïsme, tyrannie et liberté, chaos et paix…

Rosalie Jeannette

 

 

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Commentaires
C
bien exprimé, cette visite, sobre témoignage de l'histoire de ce pays
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