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14 avril 2013

Comme Ulysse perdu..., par Michelle Jolly

Piste d'écriture: les toiles qu'Ivan Dmitriev, jeune artiste avignonais, a prêtées à l'atelier d'écriture durant une semaine. Elles étaient 4, toutes dans des tons noir et blanc, et dans une tonalité fantastique. 
ivandmitriev90@gmail.com, ou https://www.facebook.com/#!/pages/MOLOTOFS-ART/437600772983980?bookmark_t=page

 

N'ayant pas mesuré le risque de la tempête, ni la fragilité de son trop vieux bateau, depuis près de six heures sur l’eau noire, déchiré, retourné, bousculé, l’homme s’accrochait au mat et cherchait l’équilibre sans trouver le moyen de reprendre son souffle. Il se sentait piégé, comme un Ulysse perdu, sans boussole, ni courage ; soudain il avait peur.

Juste avant de partir, sur le port de Sorrente, à la nuit tombée, il avait embarqué tout au dernier moment, une vieille calabraise, croulant sous ses paquets. Il avait eu pitié, et l’observait assise, à l’abri sous le pont, son fichu sombre sur la tête, cachant comme un auvent la moitié du visage ; laissant voir impassible, une bouche amère et un mégot poisseux vissé au coin des lèvres.    Elle l’inquiétait, par son silence, et il se demandait qui était-elle ? où allait-elle ?  Depuis près de six heures il n’avait pu dormir, ni manger, tout à l’attention de ne pas chavirer et de maintenir en état son bateau.

Pour tenir dans le brouillard de son esprit, il se rappelait d’autres voyages, d’autres aventures : les lourds naufrages qui avaient endeuillé l’océan, le chant trompeur des sirènes, quel marin, se disait-il, n’a pas rêvé un jour entendre un tel chant ! il avait lu tous les livres, les histoires où l’on se sent porté, où l’on entend le vent qui hypnotise par sa musique. Il avait tellement imaginé dans son cerveau d’enfant, qu’il s’était senti un jour capitaine et le lendemain pirate, puis un jour il avait rencontré le Cyclope, jeune comme lui, et s’en était fait un ami ! Ils avaient, c’était sûr, partagé de longs jours le miel et le vin, et conjuré bien des sortilèges. Pourquoi pas se disait-il ? Dans les rêves tout est permis !

 Ulysse, pensait-il, avait ainsi prolongé son séjour, pas envie de rentrer au bercail ! sur l’ile c’était la fête, on dansait, buvait, chantait sous l’œil hilare du bélier du troupeau, celui qui dans l’histoire, devait l’aider à s’évader…  « Porter Ulysse ! Un poids de 150 livres ! Mon dos n’y survivrait pas ! » disait la bête en montrant ses dents…..

La houle s’apaisa, tout était noir encore, vagues et ciel, œil et peau, et les voiles aussi ; noire, la vieille femme accroupie hochant la tête et mâchonnant son mégot ; la mer, au loin se calmait, l’homme put dormir un peu, de ce sommeil profond qui met les choses en place, et les rêves au placard.  Au jour, il s’éveilla, avec le bon vent dans les voiles, la tête à l’endroit, puis continua sa route.

 Le_moinela_cyclopele_b_lier

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