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23 avril 2013

La Vierge et le Loup, par Maxime Causse

 

LA VIERGE ET LE LOUP

 

 chat_cheschire   Garges-Lès-Gonesse. Un trou perdu. Lavier m’avait dit : « Il se passe des choses étranges dans ce village. Il parait que la Vierge pleure des larmes d’huile dans l’église. A côté de cela, dans les fermes aux alentours, d’étranges phénomènes, plutôt diaboliques, se produisent. Alors, mon petit Lambert, va là-bas et ponds- moi un scoop. »

   Il m’emmerdait Lavier avec son torchon à sensations. Je préférais rester à Paris. Mais il fallait bien vivre, je n’avais pas le choix. Je débutais dans le journalisme et je devais me faire un nom. Moi, Arthur Lambert, j’allais m’enterrer dans ce bled paumé.

   Quand j’arrivai, c’était la nuit, il pleuvait à averse. Je n’eus aucun mal à trouver l’unique hôtel restaurant du village où j’avais réservé. Fatigué, je m’affalai sur le lit et m’endormis tout habillé.

   Le lendemain, je me dirigeai vers cette fameuse église. J’y cherchai la statue de la Vierge. Quand je l’eus trouvée, je la regardai pleurer, fasciné. Pourquoi était-elle si triste ? Etait-ce à cause des péchés du monde ? A cause des phénomènes étranges se déroulant dans les environs ? J’en étais là de mes réflexions quand une vieille femme vêtue d’un fichu noir m’accosta : «  Vous êtes le journaliste de Paris ? Alors, partez ! Partez avant qu’il ne soit trop tard ». Puis elle s’enfuie en trottinant. Le curé vint à ma rencontre, débonnaire : « Ne vous formalisez pas, monsieur, c’est une originale. Elle est un peu folle. Elle vit dans une maison près du bois de Maleterre avec sa fille adoptive, une jeune asiatique qui s’appelle Liu An. Des rumeurs rapportent qu’elles s’adonnent toutes deux à la magie noire, mais je n’en crois rien. Nous sommes au XXI siècle et les événements qui se déroulent ici perturbent quelque peu les esprits. »

    Le curé ne m’avait pas convaincu. Aussi, je décidai que le soir venu, j’irais observer ce qui se tramait dans la maison du bois de Maleterre.

   A la tombée de la nuit, je cheminais vers la demeure des deux femmes, guidé par les renseignements donnés par la patronne de l’hôtel. La lune était pleine et éclairait d’un halo blanchâtre le paysage. J’ironisais sur l’atmosphère que je ressentais comme étrange : « Peut-être qu’un loup-garou va apparaître ? Ce serait amusant. »

   Soudain, j’entendis un hurlement suivi de rires enfantins provenant certainement d’une petite fille. C’était un loup, j’en étais sûr. L’enfant riait toujours et dit : « Fenris, amène-moi au pays des fées comme tu me l’as promis. Je retrouverai ma maman qui est morte en Chine ». Le loup, lui répondit : « Oui, mon enfant, puisque je t’aime, je satisferai ton désir. Pour ce faire, allons voir la vieille femme dans la maison près du bois de Maleterre. Elle connait ta maman. »

  J’étais à la fois stupéfait et terrorisé. Qu’est-ce que c’était que ces diableries ? Je pressentais l’imminence d’un drame. Je courus alors en direction de la maison. Là, la vieille femme m’attendait sur le perron, elle me cria presque : « Vous n’auriez jamais dû venir ici ! Vous êtes en danger ! Allez-vous-en ! » J’entendis ensuite un gémissement en provenance de l’intérieur. Quelqu’un était peut-être en difficulté et avait besoin d’aide. Je poussai la vieille femme et passai la porte. Je découvris alors une jeune femme asiatique, Liu An, étendue sur le sol du salon. Elle gémissait, inconsciente, son corps parcouru de soubresauts. Dans mon empressement, je n’avais pas remarqué la multitude de bougies allumées partout dans la pièce. Liu An chuchotait d’une voix rauque des phrases incompréhensibles. Cela ressemblait à d’étranges litanies.

  «  Maman ! Maman ! Tu es revenue ! » s’écria soudain la petite fille de tout à l’heure accompagnée du loup Fenris. Liu An, dans un effort surhumain, répondit : « Je ne suis pas ta mère, tu n’es qu’un aspect de moi-même dont le loup Fenris a pris possession. J’erre dans les bois en sa compagnie, il essaie de prendre le contrôle de mon âme. Tu es son esclave, il te promet à chaque pleine lune que tu reverras ta mère mais celle-ci est morte il y a très longtemps en Chine. Réveille-toi de ton rêve pour que nous soyons libres ! »

   La vieille femme, silencieuse jusqu’à maintenant, s’adressa à moi : « Je ne peux rien faire. Liu An voulait tant revoir sa mère. Elle a donc décidé de pratiquer un rituel des morts chinois pour y parvenir. Malheureusement, le loup Fenris est apparu, il a profité de la faille résultant de son chagrin pour la posséder. Ma magie des campagnes est impuissante face à ce sortilège. Je prie la Vierge chaque jour et elle a parlé à mon cœur. Elle m’a expliqué qu’elle pleurait pour l’âme perdue de Liu An. Elle m’a affirmé aussi qu’un étranger viendrait un jour et libèrerait Liu An au prix de sa vie. Et l’étranger, je crois que c’est vous ! »

   J’étais interloqué. Je ne connaissais rien en magie. Tout cela n’était que superstitions et stupidité pour moi. Je me demandais ce que je pouvais bien faire pour la jeune femme quand le loup s’adressa à moi : « Je me moque du désir de Liu An. Je veux simplement prendre possession de son corps afin de pouvoir côtoyer les êtres humains et les tourmenter. Mais elle est forte et jusqu’à présent, je ne suis parvenu qu’à la contrôler partiellement. En revanche, toi, tu es faible, alors je vais prendre possession de toi, Arthur Lambert. »

   C’est un cauchemar, pensai-je, je vais me réveiller dans mon lit de l’hôtel. Je clignai des yeux, le loup Fenris était toujours là avec la vieille femme et Liu An. Soudain, le loup bondit sur moi et disparut à l’intérieur de mon corps. J’éprouvai une sensation atroce comme si on me déchiquetait de l’intérieur. Puis je m’évanouis.

   Je me réveillai dans un lit au petit matin, j’avais de la fièvre. Liu An s’approcha de moi avec une tasse de café. Souriante, elle m’adressa la parole : « Bonjour Monsieur Lambert, j’espère que vous allez mieux après les événements de cette nuit. Le loup Fenris m’a définitivement quittée et j’ai retrouvé mes esprits. Malheureusement, vous êtes désormais en sa possession, je suis désolée. » Je lui demandai, angoissé, ce qu’il allait advenir de moi. Elle me répondit qu’à chaque pleine lune, Fenris prendrait possession de mon corps me transformant en loup-garou sanguinaire.

    Je suis retourné à Paris, hagard. J’ai écrit l’article sur la vierge de Garges-Lès-Gonesse. Il a eu un certain retentissement. Finalement, j’ai été repéré par le rédacteur d’un prestigieux journal qui m’a proposé de m’embaucher. Sans hésiter, j’ai quitté Lavier et son torchon.

   Après toutes ces années écoulées, on peut dire que j’ai réussi. Je suis devenu un journaliste reconnu. Mais mon succès me semble dérisoire car à chaque pleine lune, je me transforme en loup-garou. Je trucide en les déchiquetant de malheureux clochards ainsi que des prostituées de Paris. Ironie du sort, j’ai dû enquêter pour le journal sur ces meurtres qui ont défrayé la chronique. Ils n’ont jamais été élucidés mais on subitement arrêtés. En effet, j’étais retourné voir Liu An et la vieille femme. Leurs pratiques de magie combinées ont réussi à contrer les appétits sanguinaires de Fenris. Je n’étais plus contraint que de dévorer des rats, que je trouvais dans les égouts de Paris.

  Ma vie est un enfer, je crois au mal mais je ne crois pas en Dieu. C’est dommage car peut-être que la vierge de Garges-lès-Gonesse pourrait m’aider. Je ne sais pas, je n’ai pas la foi. Pourtant, dans mes rêves, j’aperçois une belle femme d’allure noble qui me sourit. Est-ce la Vierge ? Et m’aidera-t-elle ? Peut-être. Les chemins vers le divin ,s’il existe, sont mystérieux et imprévisibles.

 

 

 

 

 

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