Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ateliers d'écriture et d'accompagnement à Montpellier ou par Zoom
Newsletter
Publicité
Archives
20 mai 2013

Parallèles, par Sonia

Piste d'écriture: Voies parallèles. Créer deux fils narratifs qui vont se croiser (ici, deux personnages).

Parallèles

Il est 22 heures. Daniel est  toujours aux fourneaux. Ils arrivent encore, on ne peut pas les mettre dehors. Il faut remplir, les mois d’hiver ont été difficiles. Il voudrait monter, retrouver sa femme au salon, à défaut des enfants déjà couchés depuis longtemps. Il est vissé dans sa cuisine. Les clients tardifs sont toujours difficiles, exigeants. On ne sait pas pourquoi mais on le remarque chaque soir. Il faut rester zen, malgré la fatigue, malgré l’envie de retrouver les siens. Il faut se concentrer sur les plats, sur les assiettes, ce soir, Daniel est gagné par la lassitude. Il pense à tout ce qu’il rate le soir, le bain des petits, la berceuse chantée par sa femme pour les endormir, il pense au crumble qu’elle a préparé pour eux, il pense à sa beauté, à son humour décapant,  il pense à tout ça devant sa dernière sauce,  devant son caramel en ébullition, il voudrait être là et en haut, il est là, vissé à ses casseroles. Une angoisse le saisit. Que fait-elle à cette heure ? Il voudrait vite monter, il ne peut pas, les clients sont rois.

Angélique a couché les petits. Elle leur a chanté, elle les a bercés, ils dorment. Elle souffle. Il reste la vaisselle à ranger, le crumble à filmer, elle se sent bien, seule, dans le silence du soir. Elle souffle. Elle fume sa cigarette rituelle, elle se pose, elle se relâche, un moment de calme, le meilleur moment de la journée. Elle allume l’ordinateur, lit ses messages. Un mail de Quentin, un autre de Thibaut, un troisième d’Aurélien. Elle n’en demandait pas tant pour ce soir. Elle ne sait pas par lequel commencer. Ces messages masculins lui font du bien. Une échappatoire. Une soupape nécessaire à son équilibre, pense-t-elle. Coincée entre ses trois enfants en bas âge et un mari envahissant qui gère tout, qui maîtrise tout, elle cheche son oxygène vital. Elle pense le rtrouver dans ces échanges virtuels avec des hommes qui la flattent.  Alors elle y va, tous les soirs, elle communique avec ces hommes si différents de son mari, un mari tout droit, tout net. Eux ne sont ni droits ni nets. Ça la change, elle a besoin de rêver.

Daniel va parler avec les derniers clients. On lui a dit qu’il le fallait. Lui, un ours, un renfermé, un renfrogné, il doit sortir de sa tanière, les clients l’attendent, veulent lui parler de ce qu’ils ont goûté. Il se force,  il a du mal à s’extraire de sa cuisine, le côté public relation, ce n’est pas son truc. Il voudrait être là-haut, avec sa femme, mais que fait-elle sans lui, sa femme, à cette heure. La question le brûle, les clients lui parlent de son sabayon, les clients le flattent, finalement, ça lui fait du bien, il s’aperçoit qu’il en a besoin. Mais il a aussi  besoin de la présence de sa femme, omniprésente dans ses pensées, dans ses sentiments, et il est en bas, elle est en haut.

Angélique valse entre ses trois hommes, ça tchatte dans tous les sens. Il s’agit de ne pas se perdre, de ne pas les confondre, appeler Thibault Aurélien, Quentin Thibault,  ça foutrait tout en l’air. Elle prend son pied, si l’on peut dire, elle rit, elle jacasse avec l’un, avec l’autre, avec le troisième. Ça la nourrit. C’est du moins ce qu’elle ressent, le soir, quand son mari est en cuisine, quand les enfants sont couchés.

Les derniers clients quittent le restaurant, les cuisiniers, les serveurs nettoient tout.  Daniel monte les escaliers quatre à quatre.

Angélique s’amuse avec ses hommes ni droits, ni nets.

Daniel déboule, la porte s’ouvre, Angélique éteint tout, attrape une revue. Daniel  la prend dans ses bras, Angélique l’embrasse avec  tendresse, volupté. Comme chaque soir. Sans arrière-pensées. Ainsi va la vie.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité