Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ateliers d'écriture et d'accompagnement à Montpellier ou par Zoom
Newsletter
Publicité
Archives
24 novembre 2013

La voleuse, 2, par Michelle Jolly

 Piste d'écriture: créer un flash-back, qui éclairera sur des faits évoqués mais non expliqués. Michelle a choisi de donner une suite à l'un de ses textes publiés l'an dernier sur ce blog, la voleuse (pour le lire, cliquer ici). 

michellelune

Tout ça, c’était avant Selena, au village ; ma  mère avait raison quand elle disait :" Quentin? l'a toujours été un taiseux!".  C’est vrai, je n’aime pas trop le bruit, les paroles envoyées comme des ballons en pleine figure, la dispute; à l'école je me cachais à la récré près du grand saule, au fond de la cour, je laissais les autres à leurs blagues, leurs cris ou leurs disputes. Dans mon coin, je ramassais des cailloux que je triais par couleurs, ou des feuilles pour fabriquer des guirlandes, comme les filles disaient certains; je ne faisais pas attention.  C'est sûr, les filles étaient gentilles avec moi, je les écoutais, ou faisait semblant, comme une petite musique de fond, pendant ce temps-là on me laissait tranquille.   Plus tard, en grandissant, les filles parlaient plus fort, trop fort, je m'éloignais, je m'ennuyais vite, à part la nuit, où le ton baissait, et je faisais la loi…. C'est après que je suis entré en apprentissage en ville chez Vincent le potier. La terre ? Ça m'a plu tout de suite, je malaxais, tapais, déchirais, lissais, caressais, j'aimais sentir cette pate douce, sa finesse, sa souplesse, sa docilité. Je suis  dans cet atelier, depuis deux ans , en pension ; il aime mon travail, et mes silences. Ma mère, au village, n'a rien dit à personne, elle n’aime pas les ragots.

Tout ça c’était avant Selena, au village ; les lavandières cancanaient: il y avait les sœurs Lacroix, Gisèle et Louise, Gisèle l'ainée, ressemblait à un gendarme, l'oeil sévère, un rien de poils sous le nez, elle commandait toujours, montrait du doigt, grondait Louise qui avait l'air d'une carpe, bouche ouverte et œil mort!  Je les aimais pas les Lacroix, et me vengeais la nuit en leur racontant des histoires à dormir debout assis sur les marches de leur maison. Elles gobaient tout! Et j'en rajoutais ...Le jour je les fuyais, seul le soir était complice de mes élucubrations, et elles me suivaient, aveuglément comme les rats du fameux conte...   Jeanne était d'une autre étoffe, elle semblait prévenir mes fantasmes, jusqu'à parfois rêver à ma place!!  Elle me soutenait, renchérissais si l'intérêt retombait, c'était ma bouée de sauvetage. Pour donner plus de vraisemblance à mes contes j'ai dû prendre des risques, grimper haut dans les arbres,  manqué me rompre le cou, mais le jeu était excitant, accompagné de rites, je sifflais "in the Moon «l’air des américains, en passant sous les fenêtres , c'était le signal, j'en ris encore...

Avant Selena, il y eut Zoé, c'était la plus jeune, la plus incrédule aussi, elle n'arrivait pas à accepter mes histoires, les autres enrageaient, moi aussi.  Zoe était la plus jolie, un museau de petite souris, pointu, nez retroussé, jolis yeux étonnés, mais pas dupes.. Elle me plaisait mais me prenait pour un idiot, ou un menteur, enfin je ne lui plaisais pas, elle va bientôt épouser un type avec de gros bras, moi, j'ai toujours eu l'air d'une sauterelle.

Tout ça c'était avant, car chez Vincent j'ai rencontré Selena. Elle habite la ville, ses parents viennent de Grèce ou d'Italie, je sais plus, elle est là pour  la poterie, comme moi; elle s'intéresse surtout à l'émail, est douée pour les couleurs.... Plus je la regarde plus je trouve qu'elle dégage de la lumière, y a des gens comme ça; ses cheveux sont d'un blond pale, ses yeux plutôt gris avec de l'or dedans, elle a une peau claire et fragile, des gestes enveloppants, lents, tendres, et une grâce dans les mains qui vient je ne sais d'où? Je me pose toujours la question.  Depuis son arrivée chez Vincent je la regarde, la regarde, même chez moi le soir, je la regarde encore tant son image est présente.  Elle me sourit souvent, mais que pense-t-elle?  Demain j'essaierai de lui parler en dehors de l'atelier; si elle me sourit c'est peut être que je lui plais?    Je lui parle rais.... demain.

 C'est joli comme nom: Selena,  il parait que dans son pays, ça veut dire : la lune..........

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité