Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ateliers d'écriture et d'accompagnement à Montpellier ou par Zoom
Newsletter
Publicité
Archives
13 décembre 2015

LA REINE DES MATELLES, par Marcel Camill'

Piste: un personnage, un paysage...

  Une demi-heure déjà que nous déambulions à travers les rues étroites de la petite cité de pierre, et pas une seule de ces peluches moustachues n’avait pointé le bout de son museau pour nous souhaiter la bienvenue.

Plus motivée que moi, Mathilde me précédait de quelques pas. Je commençais à croire qu’elle aussi avait fini par abandonner l’espoir de croiser ces matous princiers qui, disait-on, avaient pour habitude de se jucher tout en haut des balcons – toisant les passants, les touristes, ainsi que toute la clique des curieux qui arrivaient dans la région.

 Le silence alentour rendait le pavé encore plus froid qu’il ne pouvait l’être en septembre. Et la pierre de la vieille bâtisse qui nous dominait exhalait des effluves d’éternité. De celle qui a surmonté la rudesse des époques des bouleversements répétitifs, pour aboutir à ce calme enfin ; ce sentiment d’apaisement comme si l’histoire à travers ces toitures délabrées, ces poutres noircies par le poids des siècles, les murs éventrés que les maigres subventions de la commune peinaient à restaurer, comme si l’histoire à travers ses précieuses ruines, avaient fini par trouver son véritable aboutissement : l’ancienne forteresse médiévale était bien devenue le musée des chats.

  Une légère digression, et je me suis mis à sourire.

Dans ce cadre pour le moins austère mais non dépouillé de charme, ma fiancée semblait soudainement rétrécie, attifée comme elle était d’un minuscule combishort plutôt élégant, qui rallongeait de façon interminable ses jambes élancées. Les mains dans les poches et silencieuse, elle avançait de sa démarche souple, lente mais sûre. Elle savait faire rouler ses hanches avec cette nonchalance un peu altière qui lui concédait une allure quasi féline. Elle s’était littéralement laissé happer par tout le pittoresque de cette enclave de l’Hérault, jetant des regards amusés par-ci, par là. Sur les façades des rares commerces présents dont les enseignes étaient griffonnées dans un style baroque qui giflait par leur contraste flagrant avec le reste des maisons du coin.

Une brise suave ponctuait la journée déclinante, faisant onduler les boucles noires de ses cheveux, danseuses affolées sur son cou gracile.

  La ruelle se prolongeait plus loin, toute en pente sous une rangée d’arcades à la pierre jaunâtre, fleurie dans les fissures. Mathilde s’arrêta à l’angle d’un croisement en « Y ». Comme je l’y rattrapais, elle m’indiqua du doigt un balcon garni d’une marée d’asters et de chrysanthèmes aux couleurs tonitruantes. Parmi les fleurs, un charmant petit prince à la robe d’argent tiquetée se tenait. Il était borgne. De son œil valide vert citron, le petiot nous reluquait, visiblement étonné de découvrir notre présence. Etions-nous les premiers étrangers qu’il voyait de la journée ? De la saison ? Et à le remarquer ?

Paresseusement, la silhouette grêle se détacha de l’ombre des pots de fleurs, s’étira avant de dévaler les hauteurs à petits coups d’acrobaties et quelques sauts mesurés. Son altesse nous avait rejoints – enfin, c’est aux pieds de Mathilde qu’il vint directement quémander un câlin, avec des miaous ténus et mielleux. Il frotta son pelage impeccable tout juste contre les espadrilles de ma fiancée qui se laissa prendre au jeu. Elle s’accroupit et le gratifia en retour de quelques caresses. Le chat continuait de miauler, inlassablement. Ce qui eut l’art d’ameuter de nouveaux congénères jusque là restés discrets. La minute d’après Mathilde se trouva cernée par deux, puis trois et bientôt quatre autres mistigris, malingres ou dodus.

 Mathilde souriait toujours. Elle semblait vraiment dans son élément. Nous étions dans la ville des chats et comme une souveraine qui revenait au bercail, elle venait de reconquérir son monde…   

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité