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8 février 2017

Frontière, traverse... par Florence Chaudoreille

Inspiration libre par le poème « Chimay », de Jacques Darras

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Pourquoi ce tremblement au moment de la traverser ?

La vie, l’averse, l’aversion.

Traverser la vie, de part en part, en se tenant le plus juste possible, sur le fil, et sans se retourner.

Passer à travers l’averse, les gouttes dans les yeux, le cou, les habits qui s’alourdissent, le pas qui se fait lourd, mais pressé tout de même, pour atteindre un abri.

Traverser l’aversion, ou les aversions plutôt : des araignées, des espaces clos, de la foule, de la stagnation intérieure, faite de chicanes et labyrinthes, et pavée d’incertitudes.

 

Comme s’il y avait terreur dans territoire.

La terreur tire son origine du territoire à défendre. Le territoire peut être son pays pour le soldat ; ou un espace à habiter que l’on souhaite rempli d’autres soi-même – donc sans nuisances, sans réfugiés, sans pauvres – ou bien une position sociale ; ou encore le propre  corps de chacun.

Les nomades ne sont pas dévorés par la peur : ils sont prêts à partir lorsque le moment vient. Parcourant la terre ils ne cherchent pas à s’y terrer. Ils font confiance, et si la survie n’est plus possible ici, elle le sera ailleurs. Prêts à lâcher, à abandonner, ils gagnent tout : les paysages variés, l’immensité du ciel, la joie du mouvement, le bonheur des rencontres, la paix intérieure dès un peu de confort gagné : un feu, un repas chaud, un campement où dormir en sécurité.

Les morts eux n’ont plus peur du tout, leur corps ne craint plus rien. Ils sont passés de l’autre côté de la réalité : sur ce versant-là ils désapprennent les limites, les formes, le temps.

 

L’histoire de la terre est histoire d’amour.

Amour capricieux, amour ourlé, amour flottant, amour secret, amour enragé.

Amour qui permet de tenir un jour de plus, pour être présent pour les siens.

Amour qui permet de lutter pied à pied contre la maladie, l’épuisement, les difficultés.

Amour qui se loge où il veut : dans une attention, une pensée, un repas préparé. Voire dans la table essuyée jour après jour par la mère, car pas un des autres membres de la famille n’y pense ou n’y accorde d’importance. Elle si. D’où une dose d’énervement…

 

L’amour contenu, tu, qui ne trouve pas de chemin ni d’expression, se mue en maladie, haine, violence.

Nous n’avons d’autre crainte en vérité que celle de l’amour.

Celle d’en manquer, celle d’en être étouffé, celle de ne pas trouver le bon, au bon moment.

 

Où passent les lignes amoureuses entre femmes hommes.

Entrelacs hardis, signaux en morse très tenus, fils de fer barbelé, rubans de scotch double face.

Entre ces deux adolescents une autoroute, où la conduite est facile, et qu’ils imaginent mener sans encombre à une vie familiale.

Pour ceux-ci à la quarantaine, ce sont des barreaux qui enferment : mal à deux, ils ne voient pas comment vivre sans l’autre, et ne parviennent pas à briser le mauvais sort qui les maintient ensemble.

Pour ceux-ci, c’est la distance physique, en habitant chacun de son côté, qui permet que la relation trace une ligne continue.

Chez ce vieux couple, chez qui la mort creuse plus rapidement en l’un des deux, la ligne s’adoucit, et se prépare à devenir invisible.

 

Des lignes errent, anarchiquement, prêtes à blesser ceux à qui elles n’étaient pas destinées, mais qui se trouvent là où il ne faut pas. D’autres lignes étouffent, d’un coup sec ou imperceptiblement.

A l’inverse des couples irradient des traits de lumière douce. Peut-être qu’un amour heureux nourrit la terre et le ciel, carburant silencieux qui fait que la vie tourne, un jour de plus.

 Florence Chaudoreille

Illustration: Sherlock Pepper, http://galbette-print.com/post/2011/03/18/averse

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