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3 janvier 2018

Le mouchon et la fourchette, par Michelle Jolly

buche

Piste d'écriture: les goûts, les saveurs, la cuisine...

On dirait une fable de La Fontaine ! ça peut être cela si je le raconte à mes arrière-petits-enfants comme Le loup et l’agneau. Non, c’est bien plus simple, c’est l’histoire que Georgette, mon arrière-grand-mère, celle qui est partie la dernière  à quatre-vingt-seize ans, nous racontait, ne se lassant pas de nous faire remarquer à chaque Noël auprès d’elle que le mouchon, c’était la bûche que l’on brûlait à Noël, quand elle était enfant, et qui devait durer toute la nuit, pour garantir une année prospère.

Il fallait donc trouver une bûche de bonne taille, lourde et dense, du prunier ou du cerisier. On conservait aussi depuis la fête des rameaux une branche de buis, et l’on bénissait la bûche, et l’année, ainsi, serait bonne ! On se contentait dans l’allégresse générale de distribuer des friandises aux enfants, c’était tout…. Et quand dans les années quarante-cinq, la bûche chocolat, café, fit son apparition dans les vitrines des pâtissiers, Georgette ne fut pas la seule à crier au scandale !

Le pâtissier, c’est cher, disait maman, et en bonne cuisinière, elle décida de « faire la bûche à la maison ». La tradition dura, des générations, jusqu’à l’apparition de la « bûche glacée », là on faiblit presque tous, mais cette trahison n’a pas détruit le souvenir de « l’instant bûche » le matin du jour de Noël... Au début il fallut trouver du beurre ! Dans ces années-là, c’était tout un monde, alors on gardait la crème du lait, et ma mère battait, battait, jusqu’à durcissement, c’était long ! Et puis la farine ? comme le sucre elle était rationnée, mais durant l’été, tous les enfants des écoles allaient glaner, j’adorais ça, on ramassait les épis que les machines avaient oubliés dans les champs de blé, une récré en plus ! 

O avait alors ce qu’il fallait pour faire le gâteau : farine, sucre, les œufs de nos poules, de la levure. Cette galette allait au four , pas trop longtemps car il fallait qu’elle reste souple, alors maman versait sur le beurre sucre, poudre noire de cacao, quelques œufs battus en neige ferme, et elle étalait sur le biscuit imbibé d’un vieil alcool, cette crème fondante dont elle gardait quelques cuillérées ; puis doucement elle le roulait  en enfermant le tout, puis  faisait un arrêt ;  il faisait frais dehors, on le laissait sur le rebord de la fenêtre le temps qu’il prenne forme en refroidissant. Alors maman reprenait le gâteau, étalait dessus la crème au beurre restante et c’est là qu’entrait en danse, indispensable, la fourchette !

Sur le beurre brun ma mère, délicatement dessinait les nervures du bois, les nœuds, le gâteau devenait bûche, et nous en étions émerveillés chaque fois. Plus tard, quand on put trouver du chocolat en tablette, maman nous fit participer au décor de sa bûche, nous allions ramasser des feuilles de houx, de laurier, avec un pinceau on recouvrait la partie nervurée de chocolat fondu, nous laissions refroidir et détachions ensuite une feuille de chocolat, que l’on posait sur la bûche familiale.

Tous ces souvenirs, en gerbe, sont pleins de parfums, de saveurs, qu’il est difficile d’oublier, et il m’est coutumier de les voir arriver, chaque approche de Noël, et j’essaie, tant que je peux d’y accrocher les êtres chers qui me suivent…

 

 

 

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