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7 avril 2020

Un petit dernier au Le Mas des Vignes, par Bernard Delzons

Mon oncle habite au Mas Des Vignes. C’est une résidence pour séniors qui est située en périphérie de la ville, pas si éloignée de l’avenue Saint-Maur où j’habite. C’est une ancienne maison de maître qui a été divisée en appartements. Pierre, mon oncle a choisi cette maison parce qu’il pouvait y amener son perroquet, Arthur. Il vit dans un grand deux pièces, possède un balcon et peut descendre au jardin pour se promener ou tout simplement lire au soleil.

Avant de tomber malade, je passais le voir tous les dix jours à peu près. Entre temps nous nous téléphonions au moins une fois. La chance a voulu que j’aille le voir juste avant mon rendez-vous avec la famille qui revenait d’Italie. Je ne l’ai, ainsi, pas contaminé, ouf. Je suis proche de lui, parce que c’est mon parrain, le frère de ma mère. Mes parents, eux, passent six mois de l’année au Portugal, aussi je ne les vois pas très souvent. Je n’ai jamais pu amener Prosper, Arthur est très agressif avec lui, comme s’il ne supportait pas de ne pas être le centre du monde.

 

Je projetais qu’il aurait ma première visite à mon rétablissement quand est arrivé l’annonce du confinement. Au téléphone, il m’a confirmé que les visites étaient formellement interdites, mais surtout que le salon où ils se retrouvaient pour passer un moment l’après-midi était fermé : adieu, belote, Scrabble… Enfin, la salle à manger où ils prenaient d’habitude leur repas serait elle aussi fermée. Les repas sont maintenant distribués dans les appartements.

 

Je ne comprends pas pourquoi, ils n’ont pas disposé les tables en “U”, avec un résident par table, ainsi ils auraient pu se voir sans être trop près les uns des autres. J’imagine les conversations impossibles dans ce contexte, mais ils auraient pu instaurer une lecture comme dans les réfectoires des couvents sans aller chercher des œuvres pieuses bien entendu, pourquoi pas “San-Antonio” ?

 

Forts de ces contrariétés, les résidents ont décidé de contourner le règlement à leur manière. Ils se sont retrouvés à 8 dans un appartement. Certains ont amené du champagne, d’autres des biscuits et après plusieurs coupes ils se sont mis à jouer à divers jeux, jusque tard dans la soirée.

 

Je sermonnais mon oncle, conscient des risques. Il m’a promis qu’on ne l’y prendrait plus.

 

Le plus drôle dans l’histoire ce sont les réflexions d’Arthur pendant cette après-midi-là. Mon oncle me les a rapportées.

            Atout Pic !

            Champagne !

            Cacahouète !

            Tricheuse !

            Je contre !

Elles arrivaient toujours de façon pertinente.

Mais àun moment, il a dû l’enfermer dans sa chambre, car il avait réussi à vexer sa voisine Maria en claironnant bien fort : “Elle ronfle” !

Le soir, quand mon oncle a retrouvé sa solitude, alors qu’il passait devant le perroquet, celui-ci s’est mis à siffloter « Y a de la joie, bonjour, bonjour les hirondelles… »

 

C’est réconfortant de voir que ces personnes âgées ne s’en laissent pas compter, mais on espère quand même qu’elles seront un peu plus raisonnables dans les prochains jours pour se protéger les unes, et les autres.

 

De ce pas, je vais écrire au Mas des Vignes pour leur proposer des distractions sans risques.

 

 

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