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15 novembre 2020

Dialogue en vol, par Lysiane

Piste d'écriture: une rencontre improbable.
Dans "Ma vie de pingouin" (Gaïa éditions, 2015), Katarina Mazetti met en scène une cinquantaine de croisiéristes embarquant pour un voyage de plusieurs semaines en Antarctique. Pour commencer, Wilma a eu du mal à rejoindre l'avion qui, de Roissy Charles-de-Gaulle, doit les emporter jusqu'au lieu de l'embarquement. En montant, à la dernière minute, dans la navette, elle s'étale aux pieds de Tomas, qui la relève un peu comme on aide un enfant., et la prend en charge Dans l'avion, leurs places sont situées dans la même rangée. Comme en-dehors des leurs, les sièges ne sont pas attribués, Tomas finit par y allonger ses longues jambes pour mieux dormir. Wilma est tentée, mais :

"Mais... à ton avis, ils ne sont attribués à personne, ces sièges?" ai-je dit, bêtement.
J'ai plus l'habitude du train.
Il a ouvert un oeil et m'a souri pour la première fois:« Tu penses à quelqu’un qui embarquerait en plein milieu de l'Atlantique ?» 

Lysiane a inventé la suite.

WILMA

Et voilà qu'il se moque de moi.

Il faut dire que je l'avais bien cherché avec mes questions idiotes.

« -Evidemment c'est peut être difficile. »

Ne pas lui laisser croire que je n'ai pas d'humour.

Sur ce, nous avons ri tous les deux, il s'est retourné sur son fauteuil et a fermé les yeux.

Je me suis enveloppée dans mon plaid, toujours droite comme un I.

Les petites phrases qu'il avait prononcées continuaient à trotter dans mon esprit : ex-journaliste, ex-père, ex-mari… cela faisait beaucoup de ruptures, de deuil peut-être, de souffrance.

Qu'allait-il faire à Santiago du Chili ? Se réfugier auprès d'une autre famille ? Retrouver des racines pour mieux repartir ? Son visage brun et marqué pouvait tout à fait appartenir à un sud-américain…

Même dans son sommeil il restait triste. Il remuait sans cesse : la faute aux fauteuils inconfortables ou plutôt, la manifestation de son malaise ?

Sans le vouloir, je projetais sur cet inconnu mes propres inquiétudes.

Comme lui m'avait tendu les bras pour me relever de ma chute, je me surprenais à vouloir l'aider, à le sortir de sa morosité ; comme si toute ma personne se tournait vers lui, dans l'attente.

–        « Tu es folle ma fille, tu divagues, arrête de rêver » ;

La petite voix m'a fait revenir sur terre, ou plutôt dans la réalité ; je souffre d'un trop plein d'empathie, je suis comme ça.

J'ai pris mon livre et me suis lancée sur les pas des aventuriers de l'Antarctique, mais mon regard glissait toujours vers lui.

 

THOMAS

 

La pauvre, elle a l'air d'un oiseau tombé du nid, et elle n'arrête pas de me regarder,

Je fais comme si je ne la voyais pas, je fais semblant de dormir, Je n'ai pas envie de poursuivre une conversation qui m'amènerai à me raconter, J'ai fermé la porte au passé, à grand mal.

Mon esprit revient sans arrêt dans cet appartement parisien où sont restés ceux qui sont les miens, qui seront toujours les miens, J'ai l'impression qu'une partie de mon corps me manque,

Répondre à l'invitation de mon meilleur ami, à Santiago, me procure l'occasion d'aller de l'avant, de laisser le temps adoucir les peines,

 

Tiens, elle s'est endormie et l'Antarctique a glissé à ses pieds,

Elle est attendrissante dans son sommeil, elle n'a plus son petit air bravache qui n'abuse qu'elle…

Ses silences et sa pudeur dans la conversation laissait entrevoir une personne secrète qui s'est bâtie une carapace pour ne pas être blessée,

Elle me dit vouloir rejoindre un groupe pour un voyage en Antarctique… J'ai du mal à l'imaginer, avec ce ridicule sac à dos qui couine à chaque mouvement, crapahuter dans les glaces avec un groupe de sportifs aguerris et rigolards, Je la vois plutôt pelotonnée dans un canapé devant un bon feu, Elle a l'air toute douce et désarmée.

Je remonte le plaid sur ses épaules, sa tête glisse sur le fauteuil et vient se poser contre mon épaule, Elle a un long soupir.

Et moi je n'ose plus bouger, je retiens mon souffle.

 

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