Bashô, quelques haïkus, présentés par Evelyne Grenet
Matsuo Bashō (松尾 芭蕉), plus connu sous son seul prénom de plume Bashō (芭蕉) est un poète japonais du XVIIe siècle (1644-1694). Il est considéré comme l'un des quatre maîtres du haïku japonais avec Buson, Issa, et Shiki.
« Bashô, 111 poèmes », publié aux éditions Verdier en 1998, propose les haïkus en japonais, présentés en colonne et sur la même page, en français sur trois lignes. Voici un extrait de l’introduction.
Bashô est l’une des figures majeures de la poésie classique japonaise. Par la force de son œuvre, il a imposé dans sa forme l’art du haiku, mais il en a surtout défini la manière, l’esprit : légèreté, recherche de la simplicité et du détachement vont de pair avec une extrême attention à la nature. Le haiku naît donc au bord du vide, de cette intuition soudaine, qui illumine le poème, c’est l’instant révélé dans sa pureté.
kono aki wa
nande toshiyoru
kumo ni tori
Cet automne-ci
pourquoi donc dois-je vieillir ?
oiseau dans les nuages
Evelyne Grenet, qui étudie le japonais, nous a fait la gentillesse de venir en atelier nous lire, en japonais puis en français, certains des poèmes de son choix. Pour ce faire, elle s’est appuyée sur cet ouvrage, même si elle nous a parfois proposé une autre traduction. J’ai pris en note une partie de son passionnant exposé, que je restitue ici (Carole) :
Haïku, ce mot vient de la contraction haïkaï, amusement, et shiku, vers (de poème).
Le haïku classique est traduit en français par 3 vers, de 5,7,5 pieds. En japonais, il est écrit sur une seule colonne. Le japonais est une langue qui se prête à cette brièveté : les mots sont courts, articulés avec des particules. Un haïku japonais ne comporte pas de pronoms personnels, pas d’articles. Le verbe peut être employé à l’infinitif.
(Une particularité du japonais : le verbe est placé à la fin de la phrase, ce qui incite à être attentif, la fin de la phrase seule donne l’action. Les particules donnent une idée tout de même, car une particule se rattache au mot sujet.) Pas de pluriel, c’est le contexte qui renseigne. Les verbes se conjuguent, présent, passé, futur.
Bashô veut dire bananier, car ses disciples lui ont offert un bananier. Heureux, il l’a planté devant sa porte. Il a fondé une école, y a enseigné de nombreuses années ; il connut un vif succès. Puis il se retira de la vie mondaine, et s’installa en ermite, toujours dans la contemplation de la nature. Il a eu une vie de contemplation dans la nature, ermite. Enseignant cependant, enseigna le haïku. A sa mort, ses disciples ont planté un autre bananier sur sa tombe.
Dire beaucoup en peu de mots. Beauté de l’éphémère, de l’évanescence. Les Japonais sont sensibles aux 4 saisons, et les haïkus traitement souvent de ce thème, ou comportent souvent un mot qui rappelle la saison.
Voici les haïkus choisis par Evelyne. Sous chacun, j’ai noté un mot japonais, et sa traduction. Merci à Evelyne, qui a relu et corrigé mes notes.
Le printemps est là
Sur la montagne sans nom
Brume matinale
haru, printemps
La nuit de printemps s’achève
Le jour se lève sur les cerisiers
sakura, fleur de cerisier
Le coucou
Là où il a disparu
Une île
ototogisu : le coucou
Le printemps s’en va
Pleurs des oiseaux et poissons
Larmes aux yeux
tori, oiseau
Pluie de mai
Les pattes de la grue
Se sont raccourcies
tsuru : la grue
Paravent doré
Son pin vieillissant
Retraite d’hiver
Le pin est l’arbre dessiné sur le paravent. Il se dit matsu
Tombée d’un brin d’herbe
S’envole à nouveau
La luciole
hotaru : la luciole
Tranquillité
Au cœur des rochers
Chant des cigales
sémi : la cigale
Tout fut pour elle
Chant et stridulation
Mue d’une cigale