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10 novembre 2008

Léa : Léa

Le rendez vous était dans la forêt, au croisement du ruisseau et du long chemin qui grimpe vers la maison du garde.

Je crois qu'ils étaient cinq, un était assis, l'autre dansait sous les yeux d'un troisième battant des mains; au loin, deux autres arrivaient avec des sortes d'ailes.

C’était la fin du jour, tout était rouge. En m'approchant, j'ai reconnu, devant les inconnus, Vincent, Cordoue, et Mike, ils m'attendaient : je sus alors que la soirée serait belle!

Vincent se leva en me voyant, tendit la main, je m'accrochai, la montée était rude: « ça va Léa? »murmura t-il dans mon cou. Je fis oui de la tête. Les deux autres suivaient, Cordoue, la guitare sur son dos, continuant de danser, Mike déployant son grand corps d'adolescent trop vite poussé, haletant comme un jeune chiot, nous dépassant en courant «Le garde prête sa maison, dit-il, elle a été repeinte! »

Je me souvenais, avant mes longs séjours à Villejuif, de ces volets bancals d'un gris pisseux, triste, d'une barrière arrachée soutenant une piteuse vigne vierge; la maison était remise à neuf! Un bleu égayait les fenêtres, la barrière résistait, et des fleurs étaient plantées.

Ce fut ma première surprise.

Sa main sur mes yeux, Vincent dit: »ne regarde pas ». Cordoue entra un instant, puis cria « ça y est », Mike et Vincent me soulevèrent pour franchir le seuil: seules, les bougies dans leur lumière tremblotante, me révélaient un décor que je ne suis pas prête d'oublier, Mike avait dû transporter là toutes les serres de son père!

Le fond de la pièce était tapissé de fougères, lauriers, lierres panachés, le mur palpitait de toute cette végétation. Au milieu, trainait le vieux fauteuil du garde, recouvert d'une couverture safran, prise dans je ne sais quelle armoire, et sur le sol un peu partout, des petits rosiers nains à fleurs  roses, des anthémis, prés du poêle éteint, un jasmin qui grimpait vers le tuyau et embaumait tout l'espace.

Je m'effondrai dans le fauteuil, les regardais tous les trois assis là sur une espèce de tapis effrangé Devant eux: des bouteilles de vin de Murcie, un touron, des fruits confits de Valence, tout ce que j'aimais, je ne savais plus où donner de la tête, mes merveilleux amis, je les retrouvais…

Je cherchais des yeux les nouveaux invités qu'il m'avait semblé voir au croisement du ruisseau, qui étaient-ils? Une autre surprise?

Vincent m'installa, cala dans mon dos un coussin, attrapa derrière lui une fleur de jasmin, la glissa dans les plis de mon turban, « ça serait mieux dans des cheveux »lui dis-je. «Non, avec ton turban, tu as l'air d'une sultane! »répliqua-t-il en me serrant fort.

Vincent! Depuis huit années ma bouée de sauvetage, toujours là, un rocher. C'est en Espagne que je l'ai vu la première fois, il menait un  groupe de touristes vers l'Alhambra à Grenade, il avait l'air de s'ennuyer et je lui ai souri, complice. Plusieurs de nos chemins s'étaient croisés dans cette ville, et un soir on ne s'est pas quittés... L'Espagne pour moi avait pris un autre gout. Vincent et ses yeux, son sourire, quand il me remonte à la surface, surtout depuis quelques temps. C'est avec lui que j'ai rencontré Cordoue, un soir où la fête était dans la rue devant un petit café du Paseo. Cordoue jouait, sa guitare et lui: un seul personnage. Parfois, il dansait tapant le sol de ses talons, c'était un volcan, on ne pouvait l'arrêter.

Il nous avait dit: « je m'appelle Cordoue », pourquoi Cordoue? Il était petit, maigrelet, blond, on avait du mal à le croire né là-bas!

Quant à Mike, que l'on surnommait tendrement « l'ahuri », il habitait mon immeuble, m'aidait souvent à monter chez moi, m'installait dans mon fauteuil à bascule. Il semblait heureux avec nous, oisif, distrait, rêveur, il aimait nos souvenirs, la musique de Cordoue le fascinait. On le maternait un peu, mais il aimait ça.

Ils me regardaient tous les trois, Mike le premier s'écria: »bon anniversaire ». Je fus enveloppée dans un grand châle blanc à longues franges,  « C'est Cordoue et moi, précisa t-il, qui te l'offrons »

Vincent accrocha quelque chose à mon cou, ça devait briller, car ils  s'exclamèrent: « T'as vraiment l'air d'une sultane!» Je détournais le regard, muette, la gorge nouée. La fenêtre sur le coté me renvoyait le ciel pourpre du couchant, et, dans l'ombre des arbres, deux formes qui restaient immobiles...

Nous étions dans le sucre, le doux, le velours; Vincent, la tête sur mes genoux. Cordoue jouait, Mike se balançant, un peu parti, on était bien.

..un autre verre de Murcie, mes pieds décollaient du sol, on refaisait à l'envers, ensemble, le voyage d'Espagne. Mike nous questionnait, riait, avec sa guitare Cordoue nous emmenait, les heures passaient.

Ils m'ont ramenée chez moi, comment? Je ne sais pas… en faisant attention, comme d'habitude.

Mal dormi, j’ai écris un peu, le châle est étendu sur mon fauteuil, envie de m'y enrouler.

Balancement... j'ai mal dormi, trop bu sans doute.

Vincent a déposé ce petit mot tendre à coté de moi.

Mal partout.

Je me souviens, Vincent, Cordoue et l'Ahuri, c'était bien.

Et les autres qui arrivent, ces invités énigmatiques de la forêt, avec des sortes d'ailes. « Tu te souviens des « Ailes du désir » Vincent, ces deux anges noirs? »

..resté seul le fauteuil à bascule, bouge, lentement, encore un petit instant… comme si un être invisible se balançait, ou, encore plus magique, comme si c'était lui qui continuait, avec plaisir, ce mouvement caressant...

michelle jolly juillet 2008

Episodes précédents :
Mike
Cordoue
Vincent

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