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29 août 2009

Bienvenue au pays basque! par Béatrice M.

"Bonjour Mesdames et Messieurs, et bienvenue en terre basque, terre d’authenticité et de tradition !

Certes, le beau temps n’est pas de la partie, mais c’est bien grâce à cette humidité que vous pouvez admirer nos belles montagnes ; mais rassurez-vous, la météo prévoit le retour du beau temps à partir de demain."

C’est sympa : c’est justement demain le jour de notre retour en Méditerranée !

C’est peut-être moins authentique et tradi chez nous, mais au moins on y voit le soleil plus de 5 mn par jour…

L’homme qui se tient devant nous, une quarantaine d’années, grand et mince, visage mat  buriné, gros souliers noirs plantés sur le sol n’a pas ouvert la bouche depuis plus de 5 mn que nous comprenons instantanément que nous avons devant nous un basque « pur jus » et pas peu fier de l’être (ce qui pourrait être d’ailleurs un pléonasme). N’était-ce son physique si typique, son accent râpeux l’aurait de toutes façons trahi devant n’importe quel auditoire, y compris un troupeau d’aveugles.

Nous apprendrons son nom plus tard : Vincente Larrocochea (plus basque que ça, tu meurs !).

Vincente, donc, nous accueille sur le parvis d’une « etxe » du XVIIème siècle : propriété rurale du pays basque dont nous n’allons pas tarder à découvrir l’intérieur, après en avoir fait le tour sous nos parkas en cette bruine de 1er mai.

Il utilisera le « nous » tout au long de la visite, s’appropriant les lieux antiques avec l’usage récurrent de la formule « car chez nous, les vieilles familles basques authentiques… on n’hérite pas d’une « etxe », on en devient le dépositaire avec obligation morale de le transmettre à l’aîné de la famille dans le même état de prospérité que celui dans lequel il nous a été légué ». « Chez nous, les vieilles familles de vrais basques d’origine, on ne placera jamais une personne âgée dans une maison de retraite : on hérite de la maison, avec ceux qui l’habitent… » « Chez nous, les purs basques, ce sont les femmes qui accompagnent et entourent les morts, c’est pourquoi vous ne verrez jamais – et même encore – une femme s’autoriser à monter sur les tribunes d’une église ; sa place est en bas, auprès des morts enterrés sous nos églises » Etc, etc…

Nous découvrons au fur et à mesure de la visite intérieure toute l’ingéniosité des architectes de l’époque, souvent architectes de marine, appliquant leurs principes de construction de bateaux à ceux des maisons ou des églises avec ce bois noir torsadé, y compris pour les meubles fort pratiques et, chose rare à l’époque, pour la création de couloirs. Ceux-ci, insiste notre guide, n’existaient pas dans les maisons des autres régions de France : les architectes basques s’étaient tout simplement inspiré des coursives d’un bateau. Là encore, ce peuple nous était supérieur, souligne notre ami Vincente, un tantinet provocateur.

Les commentaires de la visite guidée vantent ce peuple de grands aventuriers et navigateurs intrépides qui ramenèrent du Nouveau Monde quantité d’épices, dont le si fameux piment d’Espélette, récemment classé à juste titre en AOC et surtout le chocolat. Nous apprendrons même qu’une étude anglaise des plus sérieuses conclut que 80 % de la population européenne aurait des gènes basques.

Une heure plus tard, faisant provision à l’accueil de cidre et piments du pays avant le départ du site, son collègue – moins typé, mais tout aussi basque rural dans l’âme – renchérira : « savez-vous que 90 % des européens ont du sang basque, c’est une enquête très rigoureuse qui vient de nous l’apprendre ? » C’est là que je ne le loupe pas en lui disant que dans moins de 5 mn, on apprendra que 100 % des européens ont des gènes basques. « Ah, je vois que Madame veut reprendre le dessus ?! »

Tout au long de notre séjour, nous sentirons cette fierté régionaliste chez un peuple qui se veut à part depuis toujours et libre avant tout. Ce n’est pas pour rien qu’ils habitent, non pas dans le pays France, mais au « PAYS » basque, et pratiquent une langue incompréhensible pour le « pékin moyen ». Je vous apprendrai d’ailleurs que le basque est proche du japonais, d’après des études linguistiques poussées.

Heureusement, nos deux accolytes ont de l’humour, mais ils aiment bien avoir le dernier mot : leur machisme de bon aloi avait été perceptible très vite, particulièrement chez Vincente. Cet homme jeune, au demeurant fort sympathique, me paraît bien attaché au passé et je ne peux m’empêcher de me demander si un « authentique basque » comme il dit, qu’il soit français ou espagnol, pourrait envisager une seconde d’épouser une non basque d’au moins la troisième génération.

Avant de nous séparer, derniers visiteurs d’une journée pluvieuse, il nous donne des conseils avisés pour la conservation et l’utilisation de la grappe de piments secs. Puis il me lance : « Et l’homme, ce matin, il vous a offert le muguet ? » Avant même que j’ai fini de secouer la tête pour signifier non – ayant mis quelque temps à comprendre qu’il était question de mon mari – il m’en tend un brin soigneusement emballé pour la circonstance… et, décidément très gentleman (terrien !), en offre un autre à notre grande fille.

Le basque pur et dur, macho, fier et authentique, d’une approche délicate et difficile, est aussi un être très attachant que nous quittons à regret, en balbutiant quelques remerciements embarrassés avant de nous engouffrer au chaud dans la voiture.

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