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12 décembre 2009

Jour de liberté, par Nicole

 JOUR DE LIBERTE

 

Je suis seul aujourd'hui. J'ai devant moi la perspective d'un jour sans obligations, une respiration dans ma vie trépidante.

Suite à un malentendu au sujet de mon « compte temps », me voici obligé de prendre un jour de RTT dans la semaine.

Ma compagne est partie au travail en ronchonnant – Il n'y a pas de justice, est-ce que j'ai des RTT dans la semaine moi ? - Les enfants sont à l'école, un espace de liberté sans fin s'ouvre à moi.

 

Je ne vais sûrement pas en profiter pour faire les corvées et paperasses en retard. Je veux savourer chaque heure, chaque minute de ce jour. Je veux flâner le nez au vent, redécouvrir l'architecture de la ville, savourer un café à une terrasse ensoleillée, pousser jusqu'à la Pointe Rouge pour déjeuner de poissons grillés. Ensuite, je contemplerai la mer et ses couleurs changeantes. Puis en rentrant, je m'arrêterai chez le traiteur italien pour le repas de ce soir, et aussi chez le fleuriste pour un bouquet odorant. Il y a trop longtemps que je n' ai pas acheté de fleurs à ma chérie !

Il n'y a rien à faire, je ne peux m'empêcher d'organiser cette journée. L'habitude, sans doute, d'avoir un emploi du temps minuté.

 

Comment faire pour oublier le temps et se laisser aller ?

 

Après un moment de réflexion, la réponse m'apparaît, évidente, je dois enlever ma montre et vivre cette journée à l'instinct: me faire un café quand j'en ai envie, ne pas me raser, manger quand j'ai faim. Bref faire ce que j'ai prévu, mais sans regarder l'heure. C'est pour moi un véritable défi. Ah, aussi, éteindre le portable pour ne pas me laisser envahir par les appels indésirables. Je décide d'être « injoignable »: pas d'appels, pas de courriels !

Je ne me souviens pas d'un seul jour, même en vacances, où je n'aie pas répondu à une sollicitation du bureau. Mais aujourd'hui, je serai inflexible envers tout le monde, amis, ennemis, du travail ou de la vie. Je vais leur montrer que je suis capable de faire la soude oreille, et le monde ne s'écroulera pas autour de moi !

 

Alors que pieds nus sur la terrasse je savoure au soleil ma deuxième tasse de café, un bruit incongru me fait sursauter. Le téléphone fixe ! Tiens, je l'avais oublié celui-là ! Instinctivement je fais un pas vers la porte-fenêtre pour aller décrocher. Mais non, je m'arrête, le répondeur est branché. Je continue de boire mon café à petites gorgées gourmandes, ce qui ne m'empêche pas de tendre l'oreille pour identifier le correspondant. Ah! Brouhaha de fond, voix féminine avec un léger accent, phrases récitées sans conviction, c'est du télémarketing. J'ai bien fait de ne pas répondre.

Il faudrait penser à nous mettre sur liste rouge pour éviter ces appels, qui quasiment tous les soirs, quand nous rentrons encombrent le répondeur.

Je le note donc sur la liste des choses à faire qui s'allonge indéfiniment. Vraiment n'y-a-t'il rien que je puisse biffer ? Est-il possible que nous ayons accumulé autant de retard ?

Il faudra s'y mettre sérieusement ce week-end. La conscience tranquille, je sirote mon café jusqu'à la dernière goutte, en observant une mésange qui picore les graines de la mangeoire suspendue aux branches du noisetier.

 

« Ce week-end ce n'est pas possible ». Une petite voix obsédante s'insinue dans mon cerveau. Ce week-end il y a quelque chose de prévu, c'est sûr. Mais quoi ?

Mon cerveau, engourdi par la douceur de cette belle journée, met plusieurs minutes à retrouver le « quoi ». Jusqu'à ce que la pensée jaillisse telle la lave d'un volcan: ce week-end nous fêtons les soixante ans de mon père ! Ma soeur arrive de Paris avec sa petite famille. Deux jours de retrouvailles et de bonheur pour tout le monde, donc, pas question de s'attaquer à la pile de factures et de papiers divers.

J'y jette un coup d'oeil pour expédier le plus urgent: pas question de payer 10% en plus sur les impôts pour quelques jours de retard, mais je ne vais pas y passer la journée. Je plonge donc dans cette pile, convaincu que dans quelques minutes j'irai flâner au bord de l'eau.

 

Je sursaute en entendant une clé tourner dans la serrure. Dans la matinée ? Est-ce le jour de la femme de ménage ?

« Papa, c'est cool que tu sois là  !» Les enfants surgissent dans le salon, cartables sur le dos, accompagnés de la bay-sitter. 16h30 ? Non ! Ce n'est pas possible ! Où est passée ma journée ?

Je suis toujours pieds nus et pas rasé, mais là s'est arrêtée ma liberté !


Nicole Artaud, novembre 2009

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