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4 janvier 2010

Je me suis réveillée avec un inconnu... par Yvonne

 

Je me suis réveillée ce matin avec un inconnu à mes côtés.

Un bras reposait en travers de ma poitrine, un pied, chaussé de chaussettes, croisait mon mollet gauche.

Comment ai-je deviné qu’il s’agissait d’un inconnu et non d’une ? La taille du pied et celle de la main, sans doute !

Bon, quand je dis « ce matin », c’était généreux car étoiles et demi-lune régnaient encore en souveraines dans le firmament. Je les ai aperçues par la petite fenêtre sans volets censée aérer les lieux.

A ma montre, je distinguai 4 heures 35 minutes. Le petit déjeuner était fixé à cinq heures, j’avais donc le temps de reprendre mes esprits et de recouvrer l’intégrité de mon corps.

J’ai cherché et trouvé sans mal ma lampe de poche que, percevant quelques remous autour de moi, j’ai allumée sans scrupules et braquée fissa sur le corps jouxtant le mien. Corps qui n’a pas bronché. J’ai parcouru celui-ci de haut en bas ; discrète barbe blonde, poils des bras de même couleur ; j’ai pris ce bras et l’ai déposé sur la poitrine voisine, libérant ainsi la mienne qui, du coup, respirait plus aisément.

Respirer. La grande question que posent ces lieux. Ici, se mêlent diverses odeurs (je ne parle pas des parfums). Celles de nos cheveux pas ou mal lavés, des sweat-shirts collants, des duvets maltraités mais, surtout, surtout des relents de nos pieds qui, libérés des godasses et cramons, torturés par la caillasse, se laissent aller à dégager leurs excédents de sueur.

Les pieds voisins, ai-je noté rapidement, étaient enrobés de chaussettes à grosses bouclettes, grises, bien absorbantes, censées protéger d froid et amortir les chocs, véritables réceptacles de nos humeurs.

Perchée là-haut, je bénéficie de tous ces effluves. Impossible évidemment d’identifier la nationalité de ces odeurs. Toutes égales, italiennes et suisses, Ile-de-françaises en majorité, bretonnes en minorité…

Mais je m’égare…

Récapitulons. Un inconnu s’est blotti contre mon flanc gauche et comment a-t-il échoué là à mon insu ? J’ai dû sombrer dans un profond sommeil dès ma tête posée sur l’oreiller.

Sauf que nous ne disposons d’aucun oreiller moelleux. Leurs substituts sont si crasseux qu’en général nous y renonçons, à moins de trimballer une petite serviette éponge mauve et parfumée, comme le fait ma sœur, qu’elle dépose sur l’objet censé soutenir sa nuque, se sentant ainsi protégée de ses miasmes…

Bref. Revenons à mon voisin. Dois-je le réveiller pour qu’il s’écarte ?

Dois-je me redresser d’un mouvement brusque, ou avec délicatesse ?

Dois-je lui braquer ma lampe sur la figure en adoptant une expression indignée ?

Aucun de ces comportements ne me satisfait, vu l’heure et le lieu. J’opte donc pour la diplomatie, et me glisse hors de ma couche, abandonnant le rêveur à ses rêves.

D’ailleurs l’odeur du café chaud me conforte dans mon choix.

Robert est déjà attablé et m’accueille avec ce bon sourire qui lui est propre. « Grand beau », se contente-t-il de noter, mais tout est dit. Puis : « Un peu frisquet. Tu as tes moufles et ton bonnet, tes lunettes ? » Un vrai papa.

Oui. J’ai tout ça. Je savoure le café, pas mauvais, dans lequel j’ai mis, vu les circonstances, un morceau de sucre.

Et puis levant les yeux de mon mug, qui vois-je s’approcher, qui ? Mon voisin de nuit.

Mon guide le présente : « Voici Hans qui va se joindre à nous, si tu es d’accord bien sûr. »

Oui, je le suis bien sûr. (De si beaux yeux verts encore ensommeillés – que je n’avais pas encore découverts…)

 

L’ascension de l’Albarou est une course particulièrement esthétique ; nous l’avons partagée avec sympathie, confiance, joie de grimper. La cordée idéale me direz-vous ? Peut-être bien.

 

Nous avons souhaité prolonger cette chaleur humaine la nuitée suivante. Juste Hans et moi. Complice bienveillant et discret, Robert n’a fait aucun commentaire, juste son sourire.

Je ne parle pas le Viennois ; le Français de Hans est basique.

Sans frontale ni lampe de poche, nous avons donc parlé avec les mains.

 

Yvonne Libmann, le 4/10/09

 

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