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8 janvier 2010

Vertiges, par Dominique Leblon

Vertiges

 

 

En finir avec la ligne de mire permanente, avec la barre obscure ou lumineuse taillant la route, l'espace, de son magistral coup de sécateur.

 

Casser cette ligne qui nous conduit toujours droit devant, la regard captif, obstinément rivé à hauteur d'yeux - sauf à devoir contourner un obstacle ou franchir une montagne -

Briser l'horizon qui nous enferme dans l'horizontal, rendant impossible toute ascension.

Implacablement, nous cherchons la frontière irréelle repoussée à l'infini et pourtant toujours présente, l'intangible séparation entre le solide et l'aérien, debout, tels des traits d'union joignant le tellurique au cosmique.

 

Il est grand temps de se pencher sur la question, de refuser la facilité:

Non, l'horizon n'est pas une fatalité.

 

Comment, me direz vous?

Eh bien...Prenez une éponge – ou un nuage, si vous préférez - celui-là même sur lequel vous êtes en train de marcher, ou de dormir et…

d'un geste souple et lent, tendez le bras, les doigts, hissez-vous sur les pieds, sentez vos cheveux décoller et ...

frottez de l'avant.

Vous verrez, doucement, l'horrible trait paysager se déliter.

 

Bien sur, il convient à cet exercice de prendre son temps.

 

Si vous tentez d'effacer l'horizon précipitamment, comme sans raison, vous ne pourrez que le faire reculer.

Par contre, si vous agissez en pensant à autre chose, vous le ferez basculer.

Notez que l'exercice sera des plus profitables car votre regard-fourmi aura alors de quoi grimper, saura quel chemin emprunter pour élever vos idées loin des contingences quotidiennes: faim, froid, fatigue..

Mais la difficulté posée sera de savoir Où barrer le paysage?

 

Trop à gauche, le trait ascensionnel vous fera glisser vers le bas, et vous vous retrouverez bientôt couchées contre le sol.

Pourquoi? Parce qu'à gauche, c'est le passé, la préhistoire et qu'il est fastidieux de remonter le temps, votre corps sera ainsi enclin à s'incliner vers mère la Terre, couchette de choix.

 

A l'inverse, tirer un trait à droite entraînera votre lévitation.

L'avenir n'appartient ni aux anges ni aux éthers, mais par esprit de contradiction, votre enveloppe charnelle sera invariablement attirée par la voie ascensionnelle.

 

Ultime possibilité, centrer votre trait.

Gardez-vous en bien!

Une verticale au milieu du décor vous effacera instantanément : votre corps cherchant d'instinct à s'y poster à l'ombre s’y dissoudra.

 

Quel choix reste-t-il donc pour se libérer de l'obligation d'aller de l'avant, de la tentation de se coucher ou du rêve de léviter?

 

Vous avez toujours votre éponge en main?

Ce cumulus joufflu à la texture soyeuse, vos doigts le caressant bercés par les inclinaisons dansantes du poignet ; et le corps étiré dans la langueur, scandé par votre souffle expiré dans la lenteur, vous dodelinez.

 

Petit coup de nimbus après petit coup de stratus, vous venez à bout de l’hideuse horizontale jetée là devant vous comme un but à atteindre, une injonction, une idée fixe.

 

Bientôt, vous voilà nimbées de brouillard...les couleurs d'en bas lentement fondues à celles du dessus, un charivari de saisons vous englobe.

Les neiges d'été mordorent les jupons de l’hiver, les couronnes d’automne échauffent les bourgeons étonnés ; un méli mélo de tons vous donne le tournis et l’envie de danser.

 

Enfin, plus rien n'a de contours ni de teintes. Le monde confondu, vous voilà au cœur du prisme.

 

Vous avez atteints ce à quoi, depuis des millénaires, aspirent les orientaux : vous êtes devenues des êtres de lumière.

Dominique

 

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