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20 janvier 2011

Vengeances et espoirs, par Sephora

Vengeances et espoirs 

 

 La pluie, l’humidité hantaient son esprit. Le bruit sourd du chauffage de la voiture, la surprise et la panique du moment …Le visage, le dernier visage de sa victime inconnue…Et ce fut le bruit strident des pneus sur le verglas qui le réveillèrent en sursaut.

Ian ouvrit les yeux et tourna la tête du coté du réveil. Les chiffres fluorescents lui indiquaient qu’il était une heure et quart du matin. Il se leva et se regarda dans le grand miroir du placard à la lumière de la lune. Il  était las de sa journée d’hier et s’était couché sans ôter ses habits de Santa Claus. Le petit boulot qu’il faisait pendant les vacances, lui imposait de se déguiser en Père Noël et de grelotter de froid toute la journée dehors à crier aux enfants : HoHoHo, je suis le Père Noël !

Cela le fatiguait plus que ne méritait le peu d’argent qu’il gagnait en trois jours. Il soupira, ôta sa barbe, la jeta sur son lit.

 

 Du haut de son toit, Amélia regardait la scène avec ses jumelles. Elle vit le jeune homme se réveiller avec des gestes hésitants. Elle pensa soudain à ce qu’elle pourrait faire avec l’argent, acheter, dépenser, mais surtout pas offrir. Elle pourrait rembourser ses dettes, et enfin vivre sereine, sans l’inquiétude de croiser ceux qui réclamaient ce qu’elle leur devait.

 

 Ian avait soif, un verre d’eau ne lui ferait pas de mal. Au moment où il posa sa main sur la poignée rouillée, une sonnerie hurla. Il sursauta et comme il venait de se réveiller, il ne capta pas tout de suite de qu’elle sonnerie il s’agissait. Peut être de la porte, ou de l’interphone ? Non, c’était autre chose.

  A travers ses jumelles, Amélia vit le jeune homme se frotter les yeux et tousser. La fumée commençait à faire effet. Son plan avait l’air de marcher.

 

  Ian paniquait, toussait, il cherchait une issue à ce terrible cauchemar. Il se pinça l’épaule pour se forcer à se réveiller, et pensa que ça avait marché. Il ouvrit les yeux et vit la fumée qui se glissait sous la porte. La signification de l’alarme qu’il avait entendue lui parvint dans toute son horreur. C’était une alarme incendie ! Peut-être avait-il oublié d’éteindre le grille-pain ? Il tenta d’ouvrir la porte de sa chambre et n’y parvint pas.

 

 Ça y est, il paniquait ! Amélia songea à la galère si la police retrouvait le coupable du sinistre, elle en l’occurrence ; peut être irait-elle prison, dans ce cas elle n’hésiterait pas une seconde pour dénoncer son patron. Malgré toutes ses précautions, avait-elle laissé des indices ? Elle se revoyait, jetant des regards furtifs derrière elle, ses talons aiguilles claquant sur les pavés, cherchant le numéro de l’appartement de ce Ian Sauve. Au septième étage du vieil immeuble, elle avait pris l’ascenseur et avait pénétré dans le deux-pièces minable, elle savait que son occupant dormait, aucun risque, elle avait trouvé sa chambre et avait verrouillé la porte. Elle avait versé de l’essence dans le couloir de l’étage et avait jeté une allumette avant de s’enfuir à toutes jambes, pour prendre place sur ce toit d’un immeuble de l’autre côté de la rue, qui donnait pile sur la chambre du jeune homme.

Ce qui la ramena à la réalité, ce fut le claquement de la porte du toit derrière elle : un coup de vent. Elle se leva et, persuadée que Ian ne s’en sortirait pas, prit son matériel, ouvrit d’un coup de pied la porte de secours et descendit les dix étages pour se retrouver dans la rue.

 

 Ce n’était pas un petit incendie, réalisa Ian, il avait pris dans l’immeuble et atteint son étage. Chercher à défoncer la porte ne servirait à rien de toute façon. Comment en sortir ? Comme ses yeux lui piquaient maintenant, il les referma et tâta autour de lui, cherchant la fenêtre. Il tomba d’abord sur quelque chose de froid et droit, il pensa que c’était le miroir. Si ça l’était, la fenêtre devait être à sa gauche, après son armoire en bois. En bois !!? Et le bois le plus enflammable qu’il soit. Malgré la terrible angoisse qui commençait à s’amplifier dans son ventre, il continua. Il trébucha sur le coin de son lit et attrapa au passage ses draps en coton.

Il se couvrit avec et put ouvrir enfin les yeux. Sous les draps, on n’y voyait pas beaucoup, mais assez pour se diriger vers la forte lumière de la lune. Quand il toucha la vitre froide, son premier réflexe fut d’enlever le tissu protecteur. Mauvaise idée. Il recommença à tousser et à se frotter les yeux dix petites secondes après. Mais la bonne chose, c’est qu’il avait ouvert la fenêtre.

Il pensa tout d’abord à se jeter de la fenêtre. De toute façon, il mourrait. Qu’il périsse asphyxié ou suite à une chute de vingt mètres ne changerait pas grand-chose. Il passa sa tête dehors et regarda aux alentours de sa fenêtre. Rien, à part la gouttière. Là, il se mit à genoux sur le bord de la fenêtre et se posa la question essentielle.

 

 Amélia entra dans le taxi et annonça au chauffeur l’adresse. Il refusa tout net, et sentit un petit rond froid se poser sur son coup. Il démarra alors et braqua vers la droite.

De temps en temps, la jeune femme se lassait de menacer les gens de la sorte, elle n’était pas devenue une criminelle pour mettre le couteau sous la gorge d’innocents qui ne lui avaient rien fait en particulier, pour les mener où il lui semblait bon ou leur faire faire ce qu’elle leur demandait. Elle était devenue une criminelle pour se venger.

La neige blanche commença à tomber, ce qui la fit repenser à son passé, à son enfance en Russie. Une rude enfance, mais elle était courageuse. Le soir où ses parents avaient étaient tués, elle avait quatorze ans. Elle s’était enfuie, en courant dans la neige, promettant de se venger de cette souffrance. Et elle s’était vengée. Elle était allée à l’immeuble que tous craignaient le plus, mais plus elle (que pourrait-il lui arriver de pire ?), elle y était entrée en cachette, et avait parlé, et expliqué. Elle avait appris, et elle s’était vengée. Oui, pour elle, tout était histoire de vengeance.

Aujourd’hui elle était en France et elle bossait pour ce patron, qui l’avait tout de suite engagée quand il avait su qu’elle avait travaillé en quelque sorte pour la MAFIA russe. Mais elle ne voulait pas retomber dans ce genre de trafics. Ce qu’elle voulait maintenant, c’était l’argent, pour s’en aller, pour oublier cette part de sa vie. Elle n’avait tué que deux fois, Ian serait sa troisième victime, et sûrement sa dernière.

Ce que voulait ce patron ? C‘était aussi se venger.

 

 Bas ou haut ? Voila la question essentielle, se dit Ian. Fallait il monter, ou descendre, sachant que monter était plus facile, car le toit n’était qu’un étage au dessus, mais après ? Si jamais la sortie de secours et était ouverte, il ne pourrait descendre, car l’incendie pouvait avoir envahi le couloir et même les escaliers. Pendant sa méditation, il eut un vertige, la façade de l’immeuble d’en face commença à onduler sous ses yeux et il eut une soudaine envie de vomir.

Mais il devait prendre une décision, et il se décida pour le bas. Il inspira un grand coup et amorça sa descente, accroché à la gouttière en zinc. Pas très sûr de lui, il regarda vers le trottoir. Encore une mauvaise idée. Tout d’abord, car cela accentua son vertige, qui lui fit fermer les yeux, et deuxièmement car avant de les fermer, il avait constaté que le sol était blanc, et que les lampadaires étaient éteints : personne ne risquait de le voir. Ou alors, on le prendrait pour une décoration de Noël, car il avait encore ses habits de travail.

 

   « - Tiens, le voisin d’en face a installé une décoration, disait justement un vieil homme à sa femme. Tu sais, ce genre de décors qui montrent un faux père Noël en train de grimper sur les façades. » Ce vieil homme regardait la télévision, et le faux père Noël avait attiré son attention car il avait cru le voir bouger. Il pensa qu’il avait rêvé et l’avait annoncé à sa femme qui s’était moqué de lui avant d’aller se coucher. C’était un vieux bonhomme très apprécié de tout le monde, sympathique, et en très bonne santé, malgré ses joues tombantes et ses rides très prononcées pour ses soixante six ans.

Oui, il avait dû rêver, ou alors c’était le vent qui avait bouger le bonhomme en baudruche… D’ailleurs il n’avait pas le temps de s’en préoccuper, il fallait qu’il téléphone à son fils. Il ne l’avait pas vu depuis bien longtemps et voulait rencontrer sa petite-fille de deux mois. Il se leva de son fauteuil flambant neuf et quitta la pièce en annonçant à son chien, très fort car il le croyait sourd :

«  Il est tard mais je téléphone à Paul et Alice !! » Ce qui de l’extérieur donnait : « « Je téléphone à la police !! »

 

 Amélia était dans le taxi et elle avait un plan, elle avait réfléchi. Après tout, la mort de cet inconnu ne lui était pas nécessaire à elle et puis, il avait un nom qui donnait envie de le sauver. Dès qu’elle aurait récupéré l’argent, elle retournerait à l’immeuble, et elle le tirerait de là, du moins, si elle arrivait à temps.

Ensuite, elle pourrait enfin reprendre son vrai nom.

 

 Depuis sa façade, Ian avait cru entendre une voix forte crier : « Je téléphone à la police ». Il ouvrit les yeux et reprit espoir, il pensa que quelqu’un l’avait vu. Mais pourquoi appeler la police ? Ce dont il avait besoin maintenant, c’était de pompiers !

Il était paralysé par la peur, mais rester accroché à la gouttière n’était après tout pas beaucoup plus embarrassant que d’être paralysé de froid, dans ses fichus habits de Père Noël, juste devant le Polygone, dont les gens qui sortaient recevaient un choc thermique.

Cette pensée lui redonna du courage, mais quand il essaya de descendre, de se laisser glisser, la gouttière grinça. Il s’était passé sûrement une éternité depuis qu’il avait posé sa main sur cette satanée poignée rouillée. Et depuis il était paralysé au dessus du vide, accroché à une gouttière (qui commençait à se tordre), les mains congelées et espérant dans le noir, pendant qu’à l’intérieur l’incendie gagnait du terrain, voilà dans quelle situation il était.

 

 Pendant ce temps, Amélia qui courrait dans les escaliers d’un sinistre immeuble, espérait qu’il tiendrait, qu’il était intelligent, qu’il avait trouvé une issue…

 

Le patron, lui espérait qu’il ne s’en sortirait pas. Son fils était mort à cause de ce Ian Sauve, dans ce terrible accident de voiture.

De toute façon, si quelqu’un se doutait de quelque chose, il n’hésiterait pas une seconde pour dénoncer son associée. Elle irait en prison comme lui, mais il aurait vengé la mort de son fils. Cette pensée le satisfit et il sourit. La porte s’ouvrit à la volée.

 

 Amélia eut l’impression qu’elle avait interrompu les pensées de son patron qui imaginait certainement un autre plan diabolique, pour venger sa fille peu être. Elle tendit la main et le vieil homme lui désigna une mallette grise sur une table. Elle avait beau le détester, il avait tenu parole.

Elle lui tourna le dos et ouvrit la mallette. Elle compta à une vitesse incroyable et sentit une présence derrière elle. Ah, elle s’était trompée sur son honnêteté apparemment. Le vieux, maladroitement, voulut l’assommer. Elle esquiva d’un geste, attrapa son flingue dans sa poche et le mit k.o. rien qu’avec un coup dans la tempe. Elle éteignit la lumière, jeta son revolver à travers la pièce (après en avoir effacé ses empreintes) et verrouilla la porte. Elle partit à toutes jambes. Maintenant, tout était presque fini. Elle attrapa son portable et composa le numéro des secours en espérant très fort.

 

 Ian ne tiendrait plus longtemps, ses mains glissaient et son envie de vomir ne le quittait pas. Cinq minutes, pas plus. Ça commençait à puer la fumée. Il pria les secours de se dépêcher.

 

 Amélia avait peur, les voitures de police et les camions de pompiers s’arrêtèrent dans la rue. Les pompiers s’activèrent pour éteindre l’incendie qui faisait rage. C’est elle qui avait indiqué aux sauveteurs la silhouette de Ian qui tremblotait là-haut, entre deux langues enflammées. « Si, je vous assure, je le reconnais, c’est un ami, je devais lui rendre visite ! C’est Ian Sauve ! » On l’avait crue.

A présent elle voyait la scène du haut de l’hélicoptère où elle avait pris place pour participer au sauvetage, la traditionnelle échelle de pompiers ne suffisant plus. Le pilote l’avertit de s’accrocher et de lancer l’échelle de corde. Ce qu’elle fit.

 

 En apercevant l’échelle, Ian n’hésita pas. Il monta. Quand il arriva en haut, une femme lui tendit la main, et il la saisit.

 

Fin

 

 

 

 

 

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Commentaires
N
L´histoire me plaît beaucoup! Le fond est captivant et les personnages sont complexes. Bravo!
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