Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ateliers d'écriture et d'accompagnement à Montpellier ou par Zoom
Newsletter
Publicité
Archives
4 mai 2011

Sphères (épiisode 8 partie 1), par Paul Lilin

 

Chapitre 8

 

Tout était noir, d’un noir d’encre qui semblait ne jamais devoir finir. Nath se rendit compte qu’il écarquillait les yeux avec tant de force que des larmes en sortaient. Il abaissa ses paupières, ce qui lui procura un peu de réconfort, et il tendit la main. Il n’éprouva rien – absolument rien. Il doutait même d’avoir effectivement bougé son bras. Mais il se sentait si détaché de la réalité que nulle peur ne l’atteignit. Gardant les yeux fermés comme pour se réfugier dans sa propre obscurité, il effectua machinalement les gestes nécessaires pour passer d’une position allongée à une position debout.

Mais, alors qu’il lui semblait effectivement retrouver de la hauteur et qu’il prenait conscience du sol sous ses pieds, ses cheveux s’écrasèrent sur un plafond invisible. Il n’y avait pas la moindre brise, pas la moindre odeur, et seul son souffle troublait le silence mortuaire. Il ouvrit  à nouveaux les yeux, espérant voir quelque chose, une lumière peut-être. Il n’osait faire de bruit.

 

Et puis il se souvint d’un rêve qu’il avait fait, où il évoluait aisément dans une noirceur semblable à celle-ci. Aussitôt, il se sentit libre d’agir comme bon lui semblait. Il commença à courir, sentant le sol uniformément plat – comme poli - et entendant le bruit assourdi de ses pas. Ses cheveux frôlaient toujours le plafond de ce qui semblait être une grotte plus étroite. Enfin, il aperçut une lumière, qui alla en grandissant à mesure qu’il se rapprochait. Il sentit un vent tiède, ce devait être la sortie. Il n’aurait su dire combien de temps il avait couru mais ça n’avait sûrement pas été bien long, étant donné qu’il n’était presque pas essoufflé.

 

Dehors, la lumière était très forte, et il dut se protéger les yeux quelques secondes, jusqu’à ce que la curiosité soit plus forte que la douleur. Il était assailli d’odeurs d’humus, de mousse, d’écorce.

Il se trouvait dans une grande forêt, entouré d’arbres immenses. Ils avaient déjà perdu toutes leurs feuilles mais, plus loin, en contrebas d’une piste, Nath apercevait une forêt d’érables chatoyants. Et, plus intéressant encore, il lui semblait apercevoir Andrik, Nalia et Barjo assis sur le sentier. Il courut les rejoindre.

 

 

Ses compagnons, pris dans leur dialogue, ne l’avaient pas vu arriver, et, quand il s’accroupit pour descendre le talus qui séparait la forêt de la piste, seul Andrik le remarqua. Nalia, elle, était en train d’invectiver Barjo, qui arborait son sourire dément :

« Mais t’es vraiment débile ! T’as foutu plein d’explosif à un endroit et t’as prévu d’tout faire péter, ok, tu fais c’que tu veux. Mais mince ! C’est quoi cette idée de nous amener pile là où ça va exploser ?

-          T’exagère ! fit Barjo. J’avais pas prévu qu’toute la réserve de prêt-à-péter était stockée à c’t’endroit. J’pensais qu’elle était plus loin, pasque là j’aurais très bien pu m’la faire partir à la gueule plus d’une fois, hein, ho !

-          Quelle chance tu as eue ! railla Nalia.

-          Sans ça, on aurait été bien loin d’l’explosion, rin à craindr’ !

-          Et sinon, quelqu’un sait où on est ? demanda Nath.

-          Perdus, et ça risque de durer un moment, rétorqua Andrik.

-          Et on l’serait pas sans son… son incompétence ! ajouta Nalia.

 

Barjo s’éloigna en disant « Bin c’était quand même un beau boum, et y s’peut bien qu’mes fachos d’patrons y soient restés ! » et cela marqua la fin de la dispute.

 

Nalia, Nath et Andrik s’assirent et tinrent conseil – une pratique en perdition, tout comme ils l’étaient. Il en résulta que la route s’étendait des deux côtés, que la seule stratégie à adopter était d’aller dans un sens le plus longtemps possible, et que Barjo s’était éloigné vers la droite.

On se rendit aussi compte que le crépuscule s’installait et que la température commençait à baisser.

Et on se demande encore pourquoi cette pratique du conseil se perd.

 

Finalement, Barjo ne s’était pas beaucoup éloigné et ils le retrouvèrent assis, en train d’essayer de dompter des fourmis. Mais la nuit tomba sans qu’ils aient trouvé un abri, et il fut résolu – sans tenir conseil, cette fois – de dormir à la belle étoile. Tiens, encore une pratique qui se perd.

 

 

Je vous épargnerai les raisons pour lesquelles cette pratique est en déshérence, mais Nath et ses amis ne furent, eux, pas épargnés. Ils repartirent à l’aube, des fourmis dans les jambes, d’autres dans leurs habits, et la faim au ventre. Heureusement, la route ne fut pas longue avant d’arriver en vue d’un village.

 

Celui-ci, dépourvu de tout système défensif, semblait constitué d’un amas de maisons vaguement organisées autour de la « grande » place, sur laquelle débordaient les habitations. S’y dressait également une tour - l’emplacement n’était pourtant pas excellent pour la visibilité.

 

Tout autour, les arbres avaient été coupés et la pente, amont comme aval, était organisée en terrasses cultivées. Des signes de dégradation étaient toutefois visibles, sûrement causés par le temps, et les pierres paraissaient extrêmement vieilles, usées par le vent et la pluie. Entre les murs d’un blanc sale des maisons du village, les quatre compagnons apercevaient parfois des lueurs ténues et étranges, qui disparaissaient à mesure qu’ils avançaient. C’aurait pu être de simples reflets du soleil sur les vitres si celui-ci n’était pas caché derrière les nuages – et s’il y avait eu des vitres au lieu de simples volets ouverts.

 

La température avait un peu baissé depuis la veille, et il faisait frisquet. Par contre, la pluie qui avait rendu leur ascension si fatigante avant qu’ils n’arrivent à la mine avait cessé.

Enfin, alors qu’ils allaient entrer dans la rue, quelqu’un les aperçut et alerta le village. Des  badauds accoururent, habillés à la paysanne pour la plupart. Nalia et Andrik cherchèrent du regard la source des étonnantes lumières qu’ils avaient aperçues, sans succès. Et les fenêtres n’étaient que des trous aveugles par lesquels les habitants, méfiants, observaient les nouveaux venus.

Même ceux qui étaient venus au contact gardaient le silence et, bientôt, Nath ne put s’empêcher de rougir. Barjo ouvrait la bouche pour dire une insanité  quand un homme grisonnant, vêtu d’une chemise d’un blanc douteux et d’un pantalon court, prit enfin la parole :

-          Vous faites quoi ici ?

-          Euh… commença Nath.

-          On venait… faire un p’tit tour… continua Barjo.

-          On s’est un peu paumés, en fait, conclut Nalia – et tous trois d’acquiescer.

 

La situation communicationnelle n’était pas brillante – elle manquait certainement de fonction phatique – quand une femme d’un certain âge fut jetée à la porte par son mari grincheux. Elle lança un coup d’œil vers Nath, commença à s’éloigner en maugréant, se retourna, le fixa de nouveau et éructa :

-          Mais c’est l’gosse d’la légende, eh !

Andrik allait répondre quand Nath vit les Sphères qu’elle portait, attachées un peu partout sur sa robe. Elles émettaient une sorte de légère brume bleutée, peu visible, qui entourait la femme comme un manteau. L’adolescent eut alors une de ces rares initiatives non réfléchies qui, plus tard, ne semblent pas si bêtes.

-          Euh, oui, bien sûr madame ! lança-t-il en devançant Andrik.

La femme eut un sourire extatique. Mais l’idée d’avoir un héros à sa porte n’était apparemment pas jugée intéressante par les badauds, qui se moquèrent plus ou moins gentiment de cette vieille folle. Offusquée, elle s’en alla chercher quelqu’un pour soutenir sa thèse.

Entre les paysans qui semblaient muets et les arrivants qui n’avaient pas envie de partir,  la rivière du temps forma une frontière indifférente. Enfin, la femme revint en traînant derrière elle un jeune homme fatigué dont le regard s’alluma à la vue de la petite troupe. Il eut un grand sourire et se mit à parler, en mâchant beaucoup les mots. Celui-là, la majorité semblait l’écouter, et même si Andrik ne comprenait pas tout – il était beaucoup question d’une Légende, des Anciens et des Textes, avec d’imposantes majuscules – il crut comprendre que le jeune homme était plutôt d’accord pour les laisser entrer.

 

L’orateur avait vraiment un accent très prononcé, et il utilisait des expressions archaïques en plus d’avaler la moitié de chaque mot, toutefois Nath devina, aux regards qui fixaient Barjo, que son nouvel ami n’avait pas le beau rôle. Le cicéron proposait comme raison à la présence de celui-ci qu’il soit l’« Esprit du mââl » ou une « réincarnation du Chien » du héros, que Nath était censé être. Les noms des autres compagnons de Nath étaient tout aussi théâtraux, tel l’« Erudit Incrédule » ou la « Charmante Chasseresse » - chaque appellation n’était utilisée qu’une fois et le jeune érudit devait ensuite en trouver une nouvelle.

 

Bref, après quelques minutes de harangue exaltée, il fut accordé à Nath et à ses compagnons un « Droit d’entrée provisoire ». Il leur était bien sûr recommandé de faire attention au comportement de Barjo.

 

Le problème, qui se posa d’emblée quand Nath voulut s’asseoir, était l’égale absence de bancs et d’auberge. La vieille femme qui les avaient sauvés de la reconduite à la frontière se proposa de les héberger dans sa seconde maison, celle où elle allait vivre quand son mari la jetait dehors. Elle leur expliqua sur le chemin qui menait jusqu’à leur nouveau chez-eux que, si les Lois Antiques avaient bien prévu l’arrivée d’étrangers (elles avaient même prévu un flot d’immigrants), elles n’avaient pas pensé – ou pas voulu penser – aux couples en rupture.

 

Une fois arrivés, la vieille femme se présenta enfin :

-          Au fait, je m’appelle Jeannette. A peu près tout le monde me prend pour une folle, ce qui a pour avantage de m’offrir une totale liberté d’action… (Elle eut un sourire). Je vais un peu vous expliquer en quoi consiste cette fameuse Légende qui vous à permis d’entrer. Il est dit qu’en des temps immémoriaux existait une troupe, composée d’artistes sans le sou, qui présentait des spectacles un peu partout dans le pays. C’était une époque troublée, pleine de guerres et de famines. La Légende raconte comment cette équipe de ménestrels et d’acrobates s’embarqua un jour pour l’île aujourd’hui disparue d’Amendys, habitée par un peuple détenant des savoirs « magiques », une civilisation supérieure.

-          Un peu comme l’Atlantide, quoi… intervint Nath.

-          Je ne connais pas votre Atlantide. Toutefois je doute qu’elle ait flotté dans les nuages comme le faisait Amendys… Mais sachez que la troupe du Renard – c’est ainsi que les Textes la nomment – réussit un véritable exploit en pénétrant sur l’île volante, car ses habitants s’étaient totalement coupés du monde. (Jeannette marqua une pause). C’est ainsi qu’une troupe de théâtre fut à l’origine de la chute, ou plutôt de la dislocation d’Amendys… Il faut vous dire que toute l’île était remplie de Sphères. Or vous vous doutez qu’en ces temps troublés, personne n’était totalement honnête, et nos renardeaux dérobèrent le Joyau sacré qui maintenait la cohésion des Sphères et l’unité d’Amendys. Les morceaux de l’île vinrent alors heurter le continent en divers endroits, modifiant son relief. Encore aujourd’hui, on mine pour retrouver les morceaux truffés de Sphères d’Amendys. La plupart des habitants de l’île ainsi que la troupe du Renard furent tués, mais un certain nombre d’habitants d’Amendys réussirent à fuir. Ils arrivèrent jusqu’ici, au nord du continent, et fondèrent notre village. Ainsi établirent-ils un certain nombre de Lois, destinées à garantir la stabilité de ce qui devait être la première ville de leur Empire. Ces Lois sont encore en vigueur aujourd’hui.

-          Et leur Empire, releva Andrik, où est-il passé ?

-          Eh bien… (Jeannette, jusque-là enthousiaste, sembla gênée). Sur Amendys, mes ancêtres s’étaient habitués à une vie saine. Autant ils pouvaient se mettre au travail et possédaient l’organisation nécessaire à la croissance d’un royaume, même entouré d’ennemis barbares, autant leurs corps ne purent s’adapter assez vite à un environnement différent…

-          C'est-à-dire ? coupa Nalia.

-          Plus de la moitié des réfugiés sont morts d’épidémies, lâcha-t-elle.

 

Tout en discutant, la vieille femme leur avait fait visiter la maison. Andrik et Nath dormiraient ensemble à l’étage, Barjo dans la cuisine.

Pendant qu’ils prenaient leur repas, Jeannette poursuivit son récit : un Dieu avait ensuite fait son apparition  pour expliquer aux survivants que trois Messies viendraient, et donc eux, les descendants des survivants, les avaient attendus durant toutes ces générations.

Les Sages, qui habitaient la tour au centre du village, avaient de tout temps été les gardiens du savoir ancestral ; cependant celui-ci avait tendance à se perdre. Le jeune homme qui était intervenu en leur faveur, en les considérants comme ces fameux Messies, était le plus jeune des Sages. La Légende expliquait que les Messies seraient un jeune homme, sa compagne (Nalia ainsi que Nath eurent l’air interloqués) et leur précepteur. Elle disait aussi qu’ils auraient tout oublié, mais que tout réussirait au Héros, et que le rôle des réfugiés était de l’instruire pour qu’il les aide à reconquérir une place dans l’équilibre universel.

Elle ajouta : « Vous pourrez aussi bénéficier de ces enseignements, Andrik et Nalia. Barjo… pourrait aller se balader ? Les environs du village sont magnifiques. Vraiment. »

 

Ainsi fut fait. Barjo alla retrouver ses amies fourmis. Andrik et Nalia partagèrent leur temps entre les balades et les cours, tandis que Nath se retrouvait aux commandes d’un emploi du temps chargé. (Il tenta bien de l’alléger en écopant le navire de ses obligations, mais il ne disposait d’aucun récipient adapté). La première fois qu’il arriva chez son nouveau maître, un vieil homme jovial, plusieurs assistants le pressèrent pour prendre les mesures de ses mains sans qu’il arrive à savoir pourquoi. Enfin, Paolo (son nouveau professeur) vint à sa rencontre. Il était habillé à la mode du village : en gris, avec un pantalon large et une simple chemise malgré la température frisquette. Il portait des gants, remarqua l’adolescent. Etrange pour quelqu’un qui se promène presque ventre à l’air ! Il était de petite taille, trapu, avec un crâne dégarni et des yeux rêveurs. Il semblait voir les choses sans s’y attarder. Il salua Nath de sa voix grave mais douce.

« C’est donc toi le Messie que je dois former ? J’espère que tu comprendras plus vite que mes autres élèves.

-          Euh… oui, m’sieur, répondit Nath qui, comme pris en faute, détourna son regard des gants et s’efforça de regarder son interlocuteur.

-          Eh bien, commençons tout de suite. Suis-moi. »

 

Accompagné de son nouvel élève, Paolo monta,  avec une vivacité étonnante pour son âge, à l’étage. Il conduisit Nath dans une pièce qui dégageait la même atmosphère que celle où Nath avait eu l’habitude de recevoir ses leçons, à LinateVille. (L’adolescent n’éprouva pas de nostalgie, ce qui ne l’étonna pas plus que ça étant donné la monotonie de sa ville natale.)

La pièce, contrairement à celle à laquelle pensait Nath, ne comportait nulle carte, nul instrument géométrique ; mais,  à même les dalles, était gravé un cercle du centre duquel une ligne blanche partait jusqu’à un mur.

Lorsque Paolo avança, il indiqua à Nath une étagère basse : « C’est ici que se trouve tout ce dont on a besoin en cas de blessure ou autre accident. Ca va de l’attelle à l’alcool fort – inutile de te dire que je dois souvent renflouer les stocks. »

 

Nath, pas rassuré, osa demander : «  Et le cercle, là, il sert à quoi ?

-          Oh, c’est censé être un diagramme rituel de protection. Je l’ai recyclé en règle, puisqu’il se trouve à exactement 7 mètres du mur. (Il eut un petit sourire) Tant qu’on y est, ne fais pas attention aux symboles sur la caisse noire, là-bas. C’est une ancienne boîte à maléfices. Comme elle est scellée, il n’y a à priori rien à craindre, je m’en sers pour placer les cibles.

-          Euh… Les cibles de quoi ?

-          Chaque chose en son temps, jeune Messie. D’abord, tu va me dire ce que tu vois à gauche. Interdiction de regarder de l’autre côté !

 

Nath tourna la tête en faisant bien attention à ne rien voir du côté droit : entre les maléfices et l’armoire à soin pleine, mieux valait respecter les ordres. Ce qu’il vit lui fit le plus grand plaisir :

« Waw ! Plein de coussins brodés et…

-          Non ! l’interrompit Paolo. L’autre gauche !

-          Euh… fit Nath en portant son regard plus loin. Des étagères pleines de Sphères ? Jolie collection !

-          Oui, c’est plutôt pratique pour ce qu’on va faire. Allez, viens, je vais t’inculquer les bases. »

 

Ils s’assirent sur l’un des poufs qui entouraient une table basse. Paolo y posa un de ses gants et il commença :

« Voici la base de notre art. A première vue, de banals gants, n’est-ce pas ? (Nath acquiesça) Le truc, ce sont ces petits emplacements (le tissu comportait effectivement des creux) qui sont là pour contenir les Sphères que tu vois de l’autre côté. Je te montre. »

 

Il sortit un bocal opaque d’une des amples poches de son pantalon gris et le posa sur la table. Il en extraya quelques Sphères, en choisit une et l’inséra dans l’un des creux du gant : elle s’y adapta parfaitement et s’immobilisa. Il en plaça ainsi une demi-douzaine avant de s’arrêter et de dire : « Je pense que cela suffira. Passons maintenant à la seconde étape : la mise en place des fils conducteurs. »

 

Il sortit un petit fil, si transparent qu’il en était presque invisible. Sous le regard de Nath, il l’accrocha à une échancrure du tissu au bout d’un des doigts et le fit passer sur trois des six Sphères. Il y eut une petite pause au moment où le fil arrivait au pouce, et Paolo dit : « Mince ! J’ai oublié le plus important ! »

Tout en gardant une main sur le fil pour qu’il ne bouge pas, il fouilla dans ses poches et en extirpa une Sphère assez grosse et, surtout, totalement incolore. Il la plaça dans un trou adapté à sa taille, au milieu de la paume, et il y relia le fil.

Comme il semblait avoir fini, Nath osa demander : « C’est quoi, cette grosse sphère ?

-          C’est le Réceptacle, petit. En fait, les effets – certains disent les pouvoirs – de chacune des Sphères sont transmis via ces fils jusqu’au Réceptacle, qui canalise le tout. On prétend que les fils ne font que retransmettre les vibrations qu’émet chaque Sphère, ce qui signifierait que leurs pouvoirs – pardon, leurs effets – ne seraient que des vibrations. Mais on n’a jamais pu vérifier.

-          Donc ce… gant permet de rassembler les effets de plusieurs Sphères.

-          Exactement. Tu vois les possibilités que ça ouvre ?

-          J’aimerais que vous me les montriez, dit Nath avec un grand sourire. »

 

Ainsi fut fait. Pour activer les combinaisons il suffisait de replier le pouce et un ou plusieurs doigts. Le terme pour désigner une combinaison était « Sort », mais Nath avait du mal à l’utiliser. Il craignait, en employant ce mot qu’il avait si souvent lu dans des livres fantastiques, de briser le rêve dans lequel il lui semblait être.

Les actions des Sorts étaient des plus divers. Régulièrement durant les séances, le professeur demandait à son élève de confectionner une combinaison qui fournirait tel ou tel effet, et à chaque fois il lui en apprenait plus sur les règles de cet art. Chaque Sphère appartenait à un certain nombre de catégories, et le système était si complexe que même Paolo avoua qu’il n’obtenait pas toujours la conséquence désirée.

 

Après deux semaines d’entraînement intensif, Nath était rompu à la confection de Sorts et il sentit que son apprentissage touchait à sa fin.

Le jour suivant, Paolo lui avoua qu’il n’avait plus rien à lui enseigner : Nath devrait apprendre ce qui lui manquait encore seul, à force d’expériences.

-          C’a été un plaisir, Paolo, fit Nath.

Après avoir retiré leurs gants, ils se serrèrent la main.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité