Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ateliers d'écriture et d'accompagnement à Montpellier ou par Zoom
Newsletter
Publicité
Archives
2 décembre 2019

Partir était une déchirure, par Michelle Jolly

Piste d'écriture : une rencontre, ici avec un lieu.

lilas d'espagne

Partir était une déchirure, Jane n’osait y songer, après tant d’années dans la capitale, la famille, les amis, le travail, quitter toutes ces habitudes là ?  Cela semblait trop tôt, trop brutal, pas dans l’ordre des choses… Et pourtant, il le fallait. 

Ils avaient décidé de prendre un mois, descendre dans le Sud, une attirance, pour chercher un lieu. Jane décida de partir quelques jours avant, se disant que plus vite elle rompait avec sa vie d’alors, plus vite elle s’habituerait. On était mi-juillet, été gris et humide ; elle s’approchait des lieux où ils pourraient continuer leurs passe-temps favoris, un endroit calme, une maison, un peu de jardin pour le matin poser le regard sur des buissons, ou des rochers. L’agence lui avait dit : « Il y a une maison, en altitude, quatre ou cinq cents mètres, près d’Anduze, mais elle est sur quatre niveaux, pas facile.. »

Elle y arriva un matin, tôt, le soleil sortait de son sommeil, douceur de l’air ; une allée étroite, bordée de lilas d’Espagne, une grille ouverte, une petite cour avec un escalier de pierres qui la mena au second niveau, puis un autre escalier grimpant contre la maison. Au troisième niveau, elle s’appuya contre le mur, puis se retourna….     

Le temps s’était éclairci, à perte de vue un décor à couper le souffle qui lui restait, elle s’assit sur la marche ; à gauche un minuscule château au sommet d’une colline proche ; au loin, les premiers contreforts des Cévennes se prélassaient sur toute la largeur du paysage. En bas, tout près, les toits rouges ou roses des tuiles romaines, et partout le vieil -argent des oliviers. Jardin à chaque terrasse, plantes sauvages, autour de quelques arbousiers.                            

L’intérieur avait servi d’abri pendant des générations aux vers à soie, les poutres étaient noires, enfumées ? Petits coins secrets, lieux de cachettes ? La maison, construite sur le rocher, avait permis à celui-ci, dans une chambre, d’être encore là, rugueux et froid.

  Jane allait de découvertes en découvertes, elle s’arrêta, prit son téléphone, et dit « je l’ai trouvée, viens vite ! »   .

….Elle y resta près de trente années, s’endormant chaque jour après un instant à regarder le soleil disparaitre derrière le château, en face, le ciel devenant rouge , les roses somnolant, et allant creuser prés du puits la tombe du dernier petit chat.   

Autant d’amour, pour ce lieu a été dans sa vie une lumière, une grande lumière, partagée avec ses enfants, petits enfants, et les amis anciens et nouveaux. Lieu de fête, lieu de création, d’invention, de découvertes. Dans cette maison de plusieurs siècles, elle a plongé souvent au cœur de mondes divers, anciens soixante-huitards, premiers écolos, musiciens doués, artistes oubliés, ce mélange, riche et curieux, l’a souvent confirmée dans la chance qu’elle avait eue de monter, un jour, ce petit sentier, d’aller hors de la route, et de tomber dans les bras de cette vielle dame debout tout près du ciel.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité