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25 janvier 2020

La saveur des petits riens, par Roselyne Crohin

Piste d'écriture: saveurs et voyages, l'intensité d'un moment. 

 

cognassier

    Guetter en janvier la première fleur du cognassier du Japon qui s'apprête à s'ouvrir quand tout est dépouillé au jardin. Observer le va et vient des mésanges entre le laurier et la mangeoire qu'on a suspendu à l'Arbre de Judée. Planer avec le goéland qui décrit de grands cercles dans le ciel sans nuage. Déguster une datte, sentir ses fibres et laisser couler son miel sur ma langue. Pédaler très vite, mais sans effort, poussée par le vent du nord. Surprendre, depuis la passerelle sur le Lez, le héron cendré très digne posté sur la rive. Sourire à la maman qui promène son bout d'chou tout emmitouflé de laine. Laisser couler dans ma gorge une eau bien fraîche. Ne rien faire et regarder l'horizon. Arriver au sommet après une montée un peu rude et découvrir un paysage à perte de vue. Reconnaître les montagnes et les nommer. Voir des visages ou des animaux fantastiques dans les rochers du Caroux. Explorer un château en ruines, recouvert de lierre et de salsepareille. Être surprise par un renard roux dans une clairière alors que je me suis assise pour croquer trois amandes.

 

         Être légèrement effrayée par les multiples cris stridents dans la jungle de Palenque. Me tordre le cou pour suivre les cabrioles des bébés singes au sommet des arbres géants. Avoir eu le sang glacé en m'arrêtant net devant un serpent à sonnettes qui traversait mon chemin. M'emplir les narines d'odeurs macérées dans la forêt tropicale. Être essoufflée après avoir gravi les hautes marches des temples mayas et penser avec effroi aux sacrifices humains. Avoir le fou-rire avec ma fille, à l'arrière d'une camionnette, au fin fond du Chiapas, sur une route en lacets. Me poster sur un petit muret pour observer un marché indien aux étoffes et aux fruits multicolores. Essayer de voler, avec mon zoom, les photos les plus emblématiques de ce marché. M'être régalée d'une sauce au chocolat très relevée qui m'a rendu sévèrement malade. Aller tous les matins prendre un café à Terra dentro, y écouter de la très bonne musique, sourire aux jeunes serveurs et leur dire trois mots en espagnol.

 

         Se lever à l'aube et prendre un tük-tük pour aller sur la plage voir arriver les pêcheurs de Marari, au Kerala. Capter le grouillement et l'agitation tout autour de soi et voir des ombres se faufiler dans la semi-obscurité. Sentir l'odeur de beignets de banane mélangée à celle du café. Voir le soleil monter derrière les palmiers et ses rayons percer la brume. Guetter sur la mer les barques colorées qui commencent à se dessiner à l'horizon. Peiner avec les hommes qui, de l'eau jusqu'à la taille, luttent pour dompter l'Océan indien et arraisonner les barques jusqu'au rivage. Être soulagée quand les premiers paniers de poisson sont débarqués. Essayer de comprendre la criée qui s'est improvisée à grands gestes et à grands cris. Ouvrir tous mes sens pour capter simultanément tout ce qui se joue dans ce grand tableau humain, sur la mer et sur la plage, à la fois si exotique et si intemporel. Essayer de voir tout, dans les plus infimes détails et recenser les multiples actions : vendre, acheter, compter, transporter, décharger, tirer sur une corde, sauter dans l'eau, faire cuire dans la friture, préparer du thé ou du café, rester assis en tailleur sur le sable ou dans son tük-tük. Puis prendre du recul et admirer la scène comme un tableau oriental des siècles passés.

 

         Revenir chez moi, retrouver ma maison, mon jardin. Retrouver mes amis et prendre de leurs nouvelles. Aller au cinéma, aux concerts, aux expos. Marcher dans la garrigue ou sur la plage. Guetter l'arrivée du printemps, voir les premières pâquerettes, les narcisses, les asphodèles. Goûter les asperges sauvages du bout des dents...  Et m'émerveiller devant la dernière fleur rose du cognassier du Japon encore fraîche et bien accrochée, au milieu de l'explosion de verdure du jardin.

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Commentaires
C
j'aime beaucoup, c'est sensible et rafraichissant, un beau voyage dans les sensations, simplicité des descriptions àquelques éléments qui nous exportent dans ces différents univers....
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