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25 novembre 2020

Duende, par Myriam

Piste d'écriture: le lien entre un personnage et une pratique, ou une passion. 

IMAGE FLAMENCOAu-delà de la brèche tu veilles sur les morts que tu interroges. Tu tentes de mettre tes pieds sur un sol vierge, tu cherches un lieu où nul oiseau n’a encore fait son nid. 

Tu n’as pas toujours fait les bons choix, le doute s’est glissé entre toi et l’homme que tu aurais voulu être. Sans parole la transmission opère, tu traduis l’héritage avec fierté : tu ne te souviens pas précisément du visage de notre père mais de ses mains qui défient l’air oui. Tu sais que même si tout s’effondre autour de toi, aussi longtemps que tes jambes te porteront : ta danse témoignera. 

Les fers de tes chaussures martèlent encore et encore la question des origines, ton corps fier sculpte l'espace et prend possession de la scène, tes pieds percutent le plancher, tes poignets semblent indiquer une direction, tu remues les bras, tu tires des fils invisibles qui te guident. Les « olé » des spectateurs te hissent vers un centre invincible où tu t’apprêtes à perdre tout contrôle. L’absence irréparable de notre père a fait de toi un merveilleux danseur. Lui a dansé toute sa vie, il est resté pauvre alors que d’autres sont devenus riches. Ta célébrité tord le cou à la malédiction.

En équilibre entre ciel et terre tu convoques l’indicible qui se donne à voir dans le feu qui te traverse, menaçant ton édifice tu te mets en danger : moi qui vis dans ton ombre depuis toujours, j’ai peur pour toi chaque fois que tu apparais. 

Sublime, entre chair et désir ta douleur se transforme, elle chemine depuis la plante de tes pieds, traverse tout ton corps pour venir percuter ton palais : tu gémis, ta plainte je l’accueille, elle devient mienne. Ton corps vivant fait naître des formes qui se dressent et meurent en permanence : le feu qui habite tes entrailles surgit et sous nos yeux tu livres un combat : tu deviens torero. Au cœur de l’arène, tu affrontes la bête, tu agrippes ton boléro rouge et fonces tête baissée vers le danger. Une sorte de transe semble te posséder, elle disloque toutes tes protections, tu prends tous les risques, tu trouves la force d’aller encore plus loin, de parvenir là où personne ne semble jamais être allé :  tu transcendes les limites de ton art.

Trame émotionnelle tendue à l'extrême ton âme gitane est mise à nu, au centre du flamenco tout se déchire, le chaos s'ouvre donnant à voir « l’esprit caché » : El Duendé. Cette énergie mystérieuse s'enracine, tu es poussé dans tes derniers retranchements, soutenu par les palmas du public déchaîné :  tu exprimes bien plus grand que toi-même : l’universel se déploie, il devient accessible.  Ce que tu cherchais partout se trouve là dans ce secret, au centre de ton être : ce cri primal du retour aux origines. Force créatrice, ton amour pour la vie éclate, ta danse nous envoûte. Nous chutons avec toi face à cette énigme dévoilée. Transportés hors de nous-mêmes, nous partageons ce moment de grâce, L'émotion est palpable ; dans le creux de notre histoire tes pas résonnent :  ils vont bien plus loin que ceux de notre père…

 

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