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16 décembre 2022

Dimitri dans le train (2), par Bernard Delzons

*****

 

Lorsqu’il est enfin arrivé à Laroquebrou, Dimitri ne vit personne de sa famille sur le quai. Il est vrai qu’il était près de deux heures du matin. Il n’avait ni l’envie, ni le courage, de faire à pied les cinq kilomètres pour arriver à la maison de ses parents. Il pensa aller à l’hôtel, mais vu l’heure, il imagina qu’on ne lui ouvrirait pas.

Devant la porte de la gare, il vit un homme avec un panneau sur lequel il reconnut son nom. Il s’approcha et se présenta. L’homme lui expliqua que sa famille lui avait demandé de le véhiculer jusqu’à chez eux.

Dans la maison, le silence régnait, seule une veilleuse éclairait la salle. Sur la table il y avait le couvert pour une personne et un petit mot, précisant qu’un morceau de poulet et du taboulé l’attendaient dans le frigo. Dimitri fut très surpris de cet accueil totalement inhabituel, mais il se servit son repas, puis regagna sa chambre discrètement. Épuisé, il s’endormit aussitôt. 

Le lendemain quand il se réveilla, il n’avait toujours pas décidé ce qu’il allait faire. Il se leva. Dès qu’il entra dans la pièce de vie, il comprit qu’il se passait quelque chose d’anormal. Il pensa que sa famille avait découvert ses cachoteries et il essaya d’affuter des arguments de défense. Après avoir salué et embrassé les hommes et sa mère, il s’assit, prêt à se défendre.

Sa mère prit alors la parole.

« Mon chéri, nous avons plusieurs choses à te dire. »

 

Elle s’arrêta puis après un long silence, elle reprit.

« Ton père a décidé de partir en Inde pour enseigner le français. »

Dimitri, aussitôt, demanda s’il partait avec sa compagne, Émilie. Son père rougit, puis expliqua que cela n’allait plus depuis longtemps avec la jeune femme. Ils étaient maintenant séparés. Il ajouta qu’il partirait avec un collègue d’origine indienne dont la famille avait immigré en France à la rétrocession de Pondichéry.

 

La mère de Dimitri reprit la parole :

« Éric, ton beau-père, vient d’être licencié brutalement et sans préavis. Tu peux imaginer combien il en est affecté, même s’il part avec des indemnités conséquentes. »

Effectivement, Dimitri mesurait le coup que représentait ce licenciement pour un homme qui se vantait d’être le meilleur, celui dont on ne pourrait pas se passer.

Sa mère continua:

« Pour ma part, on vient de me proposer un poste important à Montréal, et j’ai décidé d’accepter. Éric m’y rejoindra. Tu es maintenant assez grand pour te débrouiller, non ? »   

Dimitri tenta de profiter de la situation pour exprimer son désarroi, ses problèmes avec les études, son goût pour le théâtre et son amour pour Edouard. Mais il avait à peine commencé à parler qu’il se rendit compte que personne ne l’écoutait : tous étaient complètement occupés avec leur projet à venir. Alors il se tut.

*****

 

Six mois, plus tard, la famille se retrouva avant le départ des parents. Dimitri avait décidé de venir avec Edouard. Il avait simplement annoncé qu’il amènerait un ami. S’il avait quitté la faculté de sciences, il s’était inscrit à la faculté de lettres et y poursuivait des études brillantes, en harmonie avec son goût pour le théâtre. Il pourrait ainsi annoncer ce changement de cap sans aucune honte. 

Son père était venu avec Paul, le jeune Indien qui l’accompagnerait dans ce pays. Dimitri imagina que ce garçon n’était pas un simple collègue, vu la façon dont il regardait son père. Aussi, quand lui-même présenta Edouard, il annonça sans détour que c’était son petit ami.

Finalement, soulagée de voir qu’il avait pris sa vie en main, et qu’il n’était pas seul, la famille ne manifesta aucune hostilité, mais au contraire une grande ouverture d’esprit.

 

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