Un conflit larvé, piste d'écriture

Mon père ne voulait pas que je l’aie, mais il finit par céder. Ma mère réussit à le persuader que sa réaction était exagérée. Un soir, longtemps après que je fus censé être au lit, je m’assis dans le noir en haut de l’escalier et les écoutai se disputer à son sujet.

« Je ne veux pas avoir ça à la maison, dit mon père. Tu ne veux pas l’encourager, quand même ? C’est exactement comme ça que ce genre de choses commencent.

– Ne sois pas ridicule, répliqua ma mère. Il n’a que sept ans. Il l’aura complètement oublié(e) dans une semaine. »

Je compris que mon père était en colère, seulement je ne savais pas pourquoi. Je n’avais encore jamais entendu ma mère accuser mon père d’être ridicule, et l’idée que je puisse être la source de ce conflit entre mes parents était à la fois déconcertante et étrangement excitante. Non que je me sois attardé trop longtemps sur ce sujet. Ce qui comptait pour moi n’était pas la querelle, mais qui aurait le dernier mot.

Le Créateur de poupées, de Nina Allan, éd Tristram, 2021.

On comprend, en lisant ce texte, que ce qui est cause, au-delà de la discussion apparente, est un conflit larvé. Derrière le don, ou le refus de cet objet à un enfant, transparaissent différentes conceptions du monde. De l’éducation, aussi. De ce que doit être et devenir un petit garçon de 7 ans.

De quoi a peur le père ? l’utilisation du « ça » pour désigner l’objet le diabolise, traduit un dégoût et une crainte.

Pour la mère, attacher tant de prix au « caprice » de son garçonnet, est ridicule. Autant céder, pour éviter que l’obsession enfantine ne s’éternise. Céder, pour éviter le point de fixation. Ou refuser, pour éliminer toute future demande de ce type ? Se mettre en colère, ou hausser les épaules ? Ce genre d’opposition est courant, il peut être de circonstances, ou traduire une caractéristique bien ancrée de la personnalité, ou un conflit latent ancien.

Une première piste d’écriture peut être de mettre en scène ce type de conflit, pas forcément autour d’une problématique d’éducation. Il peut intervenir à l’âge adulte, ou dans l’enfance.

Par ailleurs, l’attitude de l’enfant est intéressante : la discussion entre ses parents ne l’effraie pas, ce qui compte pour lui est de savoir s’il va ou non obtenir l’objet de sa convoitise. J’ai gardé volontairement cet objet neutre. Dans le texte, on apprend de quoi il s’agit au paragraphe suivant, après un saut de ligne.

D’autres enfants pourraient se sentir coupables d’être cause d’un désaccord, et même d’avoir surpris un secret. Ce n’est pas le cas d’Edwin. Il est déconcerté, excité aussi, mais ce qu’il souhaite avant tout, c’est que sa mère ait le dernier mot, pour obtenir ce que son père souhaite lui refuser. Il semble avoir lié avec l’objet l’objet une relation déjà puissante, et aussi, il porte sur ses parents un regard étrangement détaché, plus un regard d’ado que d’enfant. D’un autre côté, il ne comprend pas du tout la réaction de son père, il y a chez lui de la naïveté par rapport au regard social. Peut-être parce que devenir possesseur de cet objet touche chez lui à quelque chose de fondamental, de l’ordre de l’identité, ou de la survie ?

Est-ce que cela le contentera vraiment ? ou va-t-il, comme sa mère l’espère, s’en détacher presque aussitôt ?

Imaginez la suite, ou racontez une situation proche. Une chose, une activité, que des adultes ou des supérieurs refusent à subordonné ou un enfant. Celui-ci va-t-il ruser pour parvenir à ses fins ? ou l’obtiendra-t-il rapidement ? Quelles seront les suites ?