D'après Vuillard, "Intérieur avec deux chaises", par C. Menahem Lilin
Edouard Vuillard, Intérieur avec deux chaises
La vieille dame,
Vêtue de souvenirs aux volumes et tons passés
Figure à peine, sur son mur,
Une parenthèse animée.
Dans le brouillard beige et doux,
Doux et beige,
Deux chaises rosées conversent
Tandis que passe et repasse,
Sans rien déranger de leur plaisir,
La vieille dame
Son ombre et sa frange pâlie,
Son châle duveteux comme un buvard
Où se sont encrées les pensées,
Son chignon où s’enfouissent
Les nids des amours aboutis,
Son cou à collier de perles d’aube,
Ses épaules où s’agrippent
Les menottes veloutées
Des petits-enfants,
Ses bras où ils frottent leurs nez froids minuscules
Appuient leurs fronts brûlants
D’où se lèvent leurs yeux à étoiles
Tandis que frileuse et chavirée
Figurant à peine, sur le mur, une parenthèse animée,
Elle respire cette odeur de pain
Attachée à leur peau…
Oh, le levain des années !
Carole, le 30/10/2006