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12 mai 2007

REALITE PAS NET, par J. Chauvet-Poggi

REALITE_PAS_NET

 

REALITE PAS NET

 

 

 

 

 

 

 

 

de   alexandre@free.fr             à      sharon@wanadoo.fr

 

Chère correspondante fidèle

Depuis six mois que nous échangeons sur le net je te connais de mieux en mieux.

Et plus je te connais plus je constate que nous avons des points communs.

Il me semble que nous sommes prêts à nous retrouver face à face.

Je t’imagine venant vers moi, souriante comme tu me dis que tu l’es toujours.

Je sais que tu as des cheveux bruns et je les vois déjà flotter sur tes épaules.

Tu arriveras avec tes longues jambes bottées de cuir, le blouson de laine bouillie que tu as acheté récemment, je sens comme si tu étais à mes côtés ce parfum, Y, que tu aimes tant

Alors, ne me fais pas languir plus longtemps, accepte un rendez vous, que je voie si la réalité est aussi merveilleuse que l’image que j’ai construite peu à peu et que je vois même les yeux fermés

 

de sharon@wanadoo.fr                     à   alexandre@free.fr

 

Cher fou d’Alexandre

C’est tellement bon cette complicité que nous avons créée sans nous être jamais vus.

Je te parle en toute confiance, sans peur d’être jugée, sans voir sur ton  visage un éventuel signe de désapprobation ou un  sourire narquois.

Ne crains tu pas que tout s’effondre quand nous nous matérialiserons chacun devant l’autre ?

de   alexandre@free.fr             à      sharon@wanadoo.fr

 

Ma sotte petite amie

Mais non rien ne s’effondrera !

Nous ajouterons au contraire le plaisir d’entendre nos voix et nos regards donneront plus de sens à nos mots.

Ne sens tu pas toi aussi la frustration de s’adresser à de l’irréel ?

N’as-tu pas envie de me voir, de sentir ma présence à tes côtés ?

 

de sharon@wanadoo.fr                     à   alexandre@free.fr

 

C’est vrai que l’expérience me tente

Mais alors il faut que ce soit dans un lieu neutre, avec des gens autour de nous,

parce que j’ai peur d’aller trop vite, peur que ce que j’éprouve pour ton personnage virtuel ne se voit trop et  peur d’être sans défense face à ta réalité

 

de   alexandre@free.fr             à      sharon@wanadoo.fr

 

Eh bien voilà !

N’aies pas de crainte. Moi aussi j’ai besoin de garde – fou, je suis si impulsif que je serais capable de sauter au cou de ta beauté au mépris de toutes les convenances.

Alors je te propose de choisir un café, à l’heure que tu voudras

A toi

 

 

 

de sharon@wanadoo.fr                     à   alexandre@free.fr

 

Quelle émotion !

Je suis toute remuée à l’idée que je vais enfin te serrer la main, m’asseoir près de toi !

Maintenant que je suis décidée, il me tarde de voir ta grande silhouette dans ta tenue de sport (dis, tu me permettras d’assister à un de tes tournois de tennis ? je ne joue pas mais je serai un bon supporter !).

Samedi je dois aller à une soirée chez une copine et je pourrai m’échapper vers 22h. Je propose

la Grande

Brasserie

, c’est tout près de là et ensuite j’aurai le tram tout à côté.

 

de   alexandre@free.fr             à      sharon@wanadoo.fr

 

Merci, Sharon, de cette grande joie que tu me fais.

J’espère être à la hauteur de ce que tu attends de cette rencontre.

Je serai à

la Grande

Brasserie

Samedi à 22h, promis.

Mais comme nous avons convenu de ne pas échanger de photo, comment nous reconnaître ? Pour moi j’ai l’idée de tenir une mallette à la main, comme si j’attendais d’aller à la gare.

 

de sharon@wanadoo.fr                     à   alexandre@free.fr

 

Bonne idée, je n’y avais pas pensé.

Moi je serai en robe blanche avec un foulard rouge sur les épaules.

A samedi

 

Samedi – 22h –

la Grande

Brasserie

 

Quelle plaie ! Me voilà avec cette énorme chose, une vraie malle cabine ! Cet idiot  de Pierre n’en avait pas d’autre à me prêter et c’était trop tard pour en trouver une autre.

 

Je dois avoir l’air d’un voyageur de commerce qui trimballe des appareils à raclette ! Je pourrai toujours dire que c’est ma collection de raquettes de tennis, mais il faudrait qu’elle soit drôlement idiote pour le croire !

 

Déjà qu’elle va être surprise de ma ‘’grande ‘’silhouette ! Enfin je suis pas si petit, mais 1m65, même avec des boots à talons, ça fait pas haut.

 

Sur le net, elle paraît assez intelligente et elle a dit que les apparences ça n’est pas important, que ce qui compte c’est l’âme. Et je suis sûr d’avoir une belle âme, même si mon âme ne joue pas au tennis !

 

Je vais m’asseoir là, je vois la porte, je ne la manquerai pas. Posons cette fichue valise sur la chaise en face, elle me cachera un peu, que je puisse voir à qui j’ai affaire.

 

 

-Bonjour, qu’est ce que je vous sers ?

-J’attends quelqu’un, mais donnez moi une bière blanche

-Une bière blanche, d’accord. Il faut pas laisser votre valise là, elle gêne le passage. Posez la par terre, là, ça va.

 

Regardons si par hasard elle ne serait pas déjà là. il y a bien sur la banquette ce boudin en robe blanche, on dirait un gros tas de crème chantilly. Elle a même un foulard rouge autour du cou,  enfin, une bandana, mais ses cheveux sont aussi rouges que le foulard. Ce doit être une shampouineuse qui a eu des réductions sur la teinture invendue !

 

Alors que moi j’attends une étudiante des beaux arts aux longs cheveux bruns, on peut dire que j’ai de la chance. Quand les potes viendront me rejoindre à la demie ils seront épatés.

 

 

-Et pour mademoiselle ce sera ?

-J’attends quelqu’un, mais donnez moi un coca light

-Un coca light ? C’est comme si c’était fait.

 

Mon Dieu, faites qu’il n’arrive pas trop vite, que j’aie le temps de reprendre mon souffle et mes esprits. Là, je retrousse un peu mes cheveux, je lui dirai que je les ai fait couper pour servir de modèle à l’atelier de peinture. Quelle idée d’avoir parlé des beaux arts, comment je vais m’en tirer ?

 

J’ai dit aux copines de venir me rejoindre à la demie, comme ça elles me sauveront la mise si je suis trop embarrassée et puis elles seront mortes de jalousie en voyant mon grand sportif !

 

Est-ce que j’ai bien regardé ? Il serait pas déjà là ?

 

Apparemment pas. Le seul client tout seul c’est cette espèce de nabot aux cheveux gras qui furète du regard dans toute la salle et ne pense même pas à boire sa bière au citron. Et sa valise, grands dieux, c’est loin d’être une mallette ! Ce n’est pas mon Alexandre qui ferait un telle faute de goût.

 

 

Samedi – 22h30 –

la Grande

Brasserie

 

Trois jeunes, jeans sur les talons, casquettes de base ball à l’envers sur leurs crânes rasés, entrent bruyamment.

 

-Salut, Gaston ! Alors tout seul ? Elle t’a posé un lapin ? Qu’est ce que tu fous avec cette malle ? Elle est à toi ? Qu’est ce que tu as mis dedans, ton trousseau de mariage ? C’est pour quand la noce avec la belle Sharon ?

Eh, attends, pourquoi tu te tires ? On est tes copains, t’en va pas comme ça ! Et ta valoche ? Et ta consommation, qui va la payer ?

 

Trois filles, grosses fesses moulées dans des petits jeans, les yeux fardés de paillettes, du chewing gum plein les dents, se précipitent vers la robe blanche qui sanglote.

 

-Et alors Josette, ça va pas ? Il est pas venu ? Salaud d’Alexandre, te faire ça !

Ton rimmel va fondre, ne pleure plus ! Viens plutôt avec nous on a rencontré quatre gars super sympas. Ils ont  décidé de faire le fête pour consoler leur copain Gaston qui vient d’avoir un chagrin d’amour.

 

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