Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ateliers d'écriture et d'accompagnement à Montpellier ou par Zoom
Newsletter
Publicité
Archives
12 avril 2008

L'homme aux lunettes noires, Marcelle Laurent


Les vacances d’été commençaient et, Eric, un copain de fac m’avait trouvé un job pour juillet : femme de chambre à l’hôtel « Beau rivage » à Palavas.

 

 

C’était un travail contraignant, mais bien payé. Les horaires me convenaient : 8h/13h, tous les jours, dimanche compris. Pas de problème de transport, avec ma petite R5 qui m’emmenait partout !

 

 

Nous avions quarante chambres à faire. Dès qu’un client quittait sa chambre, la voie étant libre, nous nous précipitions armées d’aspirateurs, de produits de nettoyage divers et de chiffons. Passer l’aspirateur demandait, parfois, une grande maîtrise de soi, surtout quand votre appareil avait englouti quantité de mégots ! C’était une horreur que cette odeur de tabac froid ! Vite, nous remettions de l’ordre, refaisions les lits, nettoyions wc, lavabos et baignoires, passions un chiffon humide sur les meubles. On vérifiait que les clients n’avait rien oublié.

 

Les clients ? On les voyait peu et, valait mieux les éviter, ceux qui pensaient vous avoir retenu avec la chambre... ! Les levés de la dernière minute nous auraient obligées à bâcler notre travail ! Alors, nous faisions la chambre, certes à toute pompe, mais en équipe. Quelles parties de rigolade ! 

 

Ce matin-là, j’étais en retard et j’empruntai la grande porte au lieu de l’entrée de service tout là-bas, derrière le bâtiment. Mes 18 ans et ma fraîche robe en coton blanc à fines bretelles ne permettaient à quiconque de me distinguer de la clientèle, snobinarde, de l’hôtel. Sûre de moi et d’un pas alerte j’allai à l’ascensseur et y entrai. IL y entra à ma suite. J’eus comme un éblouissement. N’osant pas me retourner pour le regarder ouvertement, je me contentai de le regarder par le biais du miroir.

 

Il portait des lunettes noires, un costume croisé blanc sur un pull noir à col roulé. C’était d’un chic ! Une allure à damner une sainte ! Je décidai, illico, de tenter ma chance.

 

- Je lui fis mon sourire le plus aguichant, sans le faire sourciller.

 

- Je laissai tomber innocemment mon mouchoir... qu’il ne ramassa pas.

 

- Mon pendentif se détacha, je ne sais pas comment, et glissa dans mon décolleté.

 

 

 

Il ne broncha même pas !

 

J’essayai encore deux ou trois petites choses. Mais rien n’y fit.

 

Je n’ai rien obtenu. Pas même un regard.

 

Eh bien, vous pouvez me croire, Ray Charles est VRAIMENT aveugle.

 

 

 

Marcelle Laurent,

novembre 2007

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(début et fin imposés : début 'la première fois, j'ai cru à une apparition'. Fin : 'Je n'ai rien obtenu. Pas même un regard.')

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité