Je n’aurais sans doute pas dû…, par Laurence

Je n’aurais sans doute pas dû jeter le bébé avec l’eau du bain. Tout d’abord, ce bébé n’était pas le mien et je sens que les ennuis vont commencer à poindre avec des « Oh ! Quoi ! Prendre mon bébé et le jeter avec l’eau du bain qui plus est ! » D’abord, un bébé appartient-il à quelqu’un ? Non, bien évidemment, il en est certes l’émanation mais pas la propriété. On peut dire : « c’est ma voiture » -je l’ai achetée- mais « mon bébé », ça n’a pas de sens. Les bébés n’appartiennent qu’à eux seuls, quand bien même il leur faut un sérieux coup de main pour se prendre en charge, n’importe qui, de bonne volonté peut s’y mettre.

Bref, voilà pourquoi je récuse d’emblée l’accusation d’avoir pris un bébé qui n’était pas le mien.

Il est plus délicat de répondre à la question relative au jet du bébé. J’ai pourtant tout fait dans les règles de l’art ! Notez tout de même que je ne l’ai pas jeté du haut du 20ème étage : c’est dans l’eau du bain, voyez-y là une certaine délicatesse. Bain moussant, bonne température (j’avais vérifié avec le coude), il était là, tranquille, voire serein, j’irais même jusqu’à dire le qualifier de joyeux, mais, tel un savon mouillé, il s’est mis à rapetisser, se ratatiner, bref, fondre sous mes yeux. Ce n’était plus un bébé mais un micro-bébé.

J’ai voulu le récupérer, mais il me glissait entre les doigts, j’ai alors ouvert la bonde de la baignoire, mais il s’est engouffré tout de go dans cette dernière.

C’est ainsi Mesdames et Messieurs les jurés que le bébé a fini dans l’eau du bain dans laquelle je l’avais jeté avec tant de précaution. Peut-on m’accuser de n’avoir pas su qu’il s’agissait du bébé Cadum en personne ? Je ne le crois pas. Il reste aujourd’hui dans un coin de ma tête, ne reviendra pas et restera sous le portillon de ma mémoire qui ne saura se défaire de ce malencontreux incident qui n’est dû qu’au hasard.

Si j’avais seulement su, j’aurais pris d’autres décisions, mais vous me connaissez, je sui un impulsif qui ne réfléchit souvent pas assez et j’ai parfois tendance à jeter le bébé avec l’eau du bain.

Laurence

Bourdon