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19 janvier 2009

Un certain Jean-pierre, Marcelle Laurent

  

 Jean-pierre avait vite compris. Pour s’éviter les moqueries il devait se taire. Alors il évitait toutes les situations qui l’obligeraient à parler.

 

 

 Il avait été « comme n’importe quel gosse » jusqu’à cette grosse frayeur, l’été de ses dix ans où il avait, avec Jérôme (le fils du gendarme) déclenché un incendie avec une fusée ! Même que ça avait été un bel incendie où les deux lascars avaient failli griller vifs ! Après ça, parler fut difficile, surtout en public. Il pleura longtemps. Ayant honte de ce handicap qui déclenchait les rires, les moqueries ou la pitié, il tourna le dos aux groupes, s’isola progressivement, n’osant se confier à personne. Il suivait bien une psychothérapie mais les progrès étaient lents à venir.

 

 

 Enfin, Jean-pierre trouva une parade après avoir vu un film de Charlie Chaplin. C’était tout bête et du fait des mutations, tous les deux ans, de son père, militaire, c’était moins compliqué qu’il n’y paraissait. Le déménagement, en juin le plus souvent, lui permettait d’escamoter le problème, au moins tout l’été. A la rentrée, il y aurait les inévitables camarades de classe, mais en attendant, personne ne devinerait son secret !

 

 

 Sa technique était assez incroyable : Au lieu de répondre, il toussotait, se raclait la gorge, opinait pour montrer que vos propos l’intéressaient. En jouant de son sourire (il était beau gosse), en levant les yeux au ciel, il faisait l’acteur, et ça marchait ! Jouant un rôle, il ne fuyait plus. Les mains dans les poches, tête droite, il vous toisait avec assurance! Si on lui adressait expressément la parole, il hochait la tête, laissait échapper un petit rire, se balançait d’un pied sur l’autre, faisait mine de parler et se ravisait, ou s’exprimait par monosyllabes : Tiens, oui, non, ben, bof et mm. Jamais plus d’un seul mot à la suite ! Coincé, il jetait un coup d’œil à sa montre, écartait les mains d’un air contrit qui signifiait : « désolé, mais je dois partir ». Et il disparaissait aussitôt.

 A la rentrée 2008, sa prof de français l’avait regardé plusieurs fois, et avait souhaité le voir, à la fin de sa première heure de cours :

- Cet été, lui dit-elle, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de vous observer du haut de mon balcon… Vous êtes remarquablement doué, vous devriez faire du théâtre.

. Jean-pierre, écarlate, avait murmuré :

- Im…im…impo…impossible…ma…madame… j… je… je bégaie…!

 

  D’après un modèle extrait d’ « Ensemble, c’est tout » d’Anna Gavalda.

 

 

 Marcelle. Décembre 08/ janvier 09.

 

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