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16 octobre 2009

En voyage, par Th. Françoise Crassous

 En voyage


 En route vers l’hôtel, première étape du voyage en Espagne, la 2cv brinqueballe allègrement. Les étoiles clignotent un parfum de bonheur et les jeunes mariés d’une heure rêvent à leur première nuit de noces. Celte journée épuisante s’est terminée pour eux à onze heures car ils doivent gagner Béziers. La mère de Gisèle aux effusions du départ, a glissé à son oreille :

«  J’ai fait mettre des petits fours et une bouteille de champagne dans le coffre de la voiture. Vous la boirez en arrivant. » Aussi est-elle toute heureuse de faire la surprise à son époux. La nuit est belle et la route déserte. Par la fenêtres ouvertes, car il n’y a pas la clim, elle aperçoit des silhouettes dans la campagne assoupie de touffeur. Les phares jaunes n’éclairent que parcimonieusement le bas-côté. Les arbustes surgissent et heurtent l’alignement net des vignes. Le balancement de leur auto, confortable et ronronnante, les met dans une torpeur cotonneuse d’après fête. La nervosité s’est estompée après ces huit jours de préparatifs. Ces minutes de calme leur est salutaire après l’agitation de la cérémonie à la mairie, la veille, et cette journée si éprouvante. Ces instants ne doivent-ils pas être inoubliables ? Puis la réception au domaine Rimbaud et la valse des invités venant les congratuler. Le défilé des serveurs en livret au passage incessant et le champagne les avait étourdis un peu. Aussi étaient-ils bien contents de s’éclipser loin du brouhaha des conversations et des rires. Ils avaient choisi de s’arrêter à Béziers pour échapper à la tradition qu’il jugeait consternante : aller réveiller les mariés et exposer le drap tâché aux regards et aux plaisanteries douteuses des hôtes espiègles. Déjà ils avaient fait la concession de recevoir des grains riz, jetés à la volée, qu’ils jugeaient plus profitables aux petits Biafrais que dans le caniveau. Mais l’absence de ce rite, symbole de prospérité, n’est pas concevable. 

 

Donc ils roulent sagement sur la départementale. Morphée jette son voile sur leurs paupières et ils sourient à l’avenir et aux huit jours sur la Costa Brava en Espagne. Qui plus est dans un hôtel quatre étoiles ! Mazette ! Hôtel recommandé par le beau-frère, assureur des bâtiments et connaissance du propriétaire qui les avait un jour invités. Séjour enchanteur d’après lui. Le prospectus, montré après la cérémonie aux épousés, les a enthousiasmés. En bord de mer, sur des rochers plombant la méditerranée, les chambres donnent sur le large. Les deux piscines et les magasins forment un ensemble parfait pour les personnes ne voulant que se reposer. Tout doit se passer sous les meilleurs auspices. Le soleil est de la partie, c’est de bonne augure. Ils avancent lentement, mais ils ne sont pas pressés, savourant la chance qu’ils ont de pouvoir s’offrir un tel voyage. 

 Ils ont traversé déjà sans encombre le sud de Montpellier en direction de Sète et ils sont en vue des premières maisons de Mireval, quand, soudain, un vrombissement les fait sursauter.

Ils cherchent d’où provient le bruit, incongru à cette heure du milieu de la nuit. Ils aperçoivent les phares d’une Porsche bleu foncé. Mais restent inquiets.

Gisèle pense que cela provient de leur voiture car leur monture n’est plus toute neuve – Ils viennent de l’acheter d’occasion

– Est-ce le moteur  ou un pneu éclaté ? Quelle tuile !. Les garages sont fermés. Il faudra dormir dans la voiture !

 

A ce moment, un son strident déchire leurs tympans. Derechef, les freins plaquent leurs visages sur le pare-brise. Ils se jettent un regard désespéré. 

Ils scrutent le noir de la nuit et voient un homme en habit sombre coupé par des bandes blanches, coude replié, un objet brillant à la bouche sous un réverbère. L’homme s’approche et crie : « Vos papiers ? » C’est un gendarme avec son baudrierblanc.

Pourquoi nous arrête-t-il ? S’interroge Gisèle. Elle sourit pourtant bravement ayant la conscience tranquille et esquisse une question.

L’homme de loi aboie :

- «  Garez-vous là, descendez  et suivez-moi ! Allez au bloc, vous rouliez trop vite dans un village ! »

 

Devant le ton sec, ils s’exécutent et entrent dans une pièce, faiblement éclairée. Un halo jaunâtre fait briller le centre d’une table. Ils passent confus, devant leur bourreau. Ils sentent son haleine fortement avinée. L’officier, derrière la table leur fait un clin d’œil et pose subrepticement un doigt sur sa bouche. Il dit au gendarme :

- « Allez mon brave en faction ».

Puis le commandant leur demande leurs noms, prénoms. Ils lui donnent, soulagés, leurs papiers d’identité. Il les lit et

- «  Mais vous êtes de par ici vous » Devant leurs affirmations, ils les interrogent sur ce qu’ils allaient faire à cette heure de la nuit. Et d’expliquer leur mariage. Et là, il rit, rit à en perdre la raison… Eux rient aussi mais jaune…

- « Le gendarme qui vous a arrêtés est un gars du Nord qui aime notre piquette, notre petit vin du midi» Dans quelques instants, vous pourrez repartir. »

 

Gisèle s’enquiert enfin

- « pourquoi nous a-t-il arrêté, nous avec notre guimbarde ?

- « Parce qu’il n’a pu stopper la Porsche, il a voulu faire du zèle et c’est vous qui avez trinqué. Demain il ne s’en rappellera plus »

 

Et puis –«  Allez maintenant. »

 

Les voilà repartis cahin-caha, riant de leur mésaventure. Ils se racontent des histoires drôles et rient aux éclats. Ils arrivent enfin à l’hôtel. Ils ouvrent le coffre et prennent leurs bagages. Gisèle inspecte sous les sièges, rouvre le coffre et ne trouve rien. Dépitée, elle se résigne et s’apprête à suivre son époux.

- . Enfin que cherches-tu ? Lance énervé son mari.

- Je cherche l’encas que maman a fait mettre pour nous restaurer en arrivant ; Murmure Gisèle mi figue mi raisin. Quelle déception ! Rien il n’y a rien. Tant pis se dit-elle. Mais j’ai soif.

 

Dans le hall, le réceptionniste donne la clé, et leur jette un regard égrillard puis dit : « Dans la chambre il y a de quoi comme prévu !

Enlacés, ils montent à leur chambre moderne. Et leur soirée commence….

Une coupe, un gâteau et ils s’embrassent, s’enlacent. La lampe s’éteint sur leurs ébats d’amoureux .

  Thérèse-Françoise Crassous-14 octobre 2009 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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