Crescendo, par Michelle

Crescendo

Le ciel menace, craque, gronde, s’enflamme, vite, un abri, hall d’entrée des grands magasins ; heure calme, je m’appuie contre la rambarde de l’escalier central et j’attends…

le bruit vient de loin, s’amplifie, moteurs, roulements, glissades mouillées, c’est l’ondée au dehors, des gens entrent précipitamment, un parapluie se referme presque sur moi, giclée d’eau sur mes jambes ; cela va et vient, des cris, des voix discordantes, des disputes me frôlent, un chien aboie avant d’être soulevé dans des bras caressants.

Des pas accélérés, nous sommes trente, quarante peut-être à attendre que le ciel s’éclaire.. 

Une musique s’installe et tourne en boucle, une femme tousse en regardant autour d’elle, inquiète, brume au dehors, un homme encagoulé, pousse une voiture d’enfant d’où émerge un petit poing fermé ; des gamins courent entre nos jambes, nous sommes une multitude de gens bousculant d’autres  gens, je suis dans un sas, coincée, et le ciel, têtu, déverse ses torrents d’eau.

Visages d’inconnus hagards, cheveux collés, désordre des discours, appel d’un haut parleur, une jeune fille me fait sursauter en appelant une amie, quelqu’un me pousse pour s’installer à côté, marée bruyante qui monte et descend l’escalier, la porte d’entrée vomit des flots qui s’agglutinent, j’étouffe , besoin d’une page blanche…

….Construire un mur, épais, puis un autre, s’asseoir derrière

Attendre que le blanc envahisse, effacer le décor, éloigner l’importun, être dans l’inaudible !

Alors, se souvenir d’un moment, d’une plénitude : le Faucheur bleu de Van Gogh ou la Bethsabée de Rembrandt, ce corps las, abandonné, vaincu, imposant le silence…… et attendre que l’émotion passe…