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21 janvier 2010

Une cabine téléphonique renversante, par Roselyne Crohin

 

UNE CABINE TELEPHONIQUE RENVERSANTE

rozCabine_renversante

 

 


 

 

 Imagine-toi, lecteur, qu’en promenant ton chien un matin dans un quartier résidentiel, en périphérie de la ville, tu sois confronté à un spectacle singulier : une cabine téléphonique couchée à terre, juste à tes pieds. Et dedans, un quidam accroché au téléphone. Alors, il est certain que tu chercheras des indices autour de toi pour comprendre ce que tu vois.

 La cabine a-t-elle été renversée par un camion ou une ambulance trop pressée ? Arrêtons-nous un instant sur cette hypothèse. Dans ton champ de vision, il n’y a aucun camion, ni aucune ambulance, mais supposons, supposons seulement…

 Simon est un livreur de lait, discrètement élégant – pantalon de velours côtelé, gants de cuir, écharpe douillettement enroulée autour du cou. Il s’est le plus naturellement du monde allongé en chien de fusil dans l’habitacle pour pouvoir composer le numéro de sa Compagnie d’assurances.

- Allo ! La Compagnie générale ? Je vous appelle pour vous signaler un petit accrochage de la circulation, déclare Simon d’un ton presque enjoué.

- Je vous écoute, répond une voix neutre et professionnelle.

- Eh bien voila, alors que je faisais une marche arrière avec mon camion de livraison, j’ai embouti une cabine téléphonique qui n’avait pas l’habitude de stationner à cet endroit.

- Avez-vous fait un constat ? coupe la voix.

- Euh non. Ou plutôt je constate qu’elle a subi fort peu de dommages puisqu’elle m’a permis d’établir la communication avec vous, répond Simon.

- Alors, je vous prie de noter votre numéro de dossier : XP 25 227.

- Super ! réplique Simon, plus jovial que jamais, tout en raccrochant.

 Il vient d’avoir l’idée de jouer ce numéro à la loterie. C’est en effet un jour de chance ! Il vient de renverser une cabine téléphonique avec son camion de lait et non seulement, la cabine marche encore, mais il ne déplore aucune casse parmi son millier de bouteilles. Il s’extirpe de la cabine en sifflotant, rajuste ses vêtements et se dirige d’un pas léger vers la guérite du Loto.

 

 Mais figure-toi, lecteur, que cette version n’a aucune chance d’être retenue par ton quotidien préféré. En effet, il n’y a plus de livreur de lait en bouteille depuis la fin des années 60, voire même avant. Si tu veux que ton témoignage ait quelques chances d’être retenu par les gazetiers, il te faut imaginer un autre scénario.

- Ah ! Eh bien voila, c’était un tournage qui avait lieu dans mon quartier, ce matin-là, rétorqueras-tu, avec ton sens inné de la répartie.

- Du cinéma, du cinéma… Vous lecteurs, vous voulez toujours passer par le truchement de la fiction. Mais sais-tu, comme dit l’adage, que la réalité dépasse souvent la fiction ?

 Alors là, lecteur, tu te creuses un peu la cervelle et je décide de t’aider, de te mettre un peu sur une nouvelle piste. Je te pose donc une nouvelle question.

- Sais-tu à qui appartiennent les cabines téléphoniques ?

- Ben oui, réponds-tu. A la Compagnie du téléphone.

- Bon, je vois que tu es un citoyen bien informé. Continuons. Crois-tu que la Compagnie du téléphone fait encore beaucoup d’efforts pour entretenir ses cabines ?

- Ah ben non alors. Une fois sur deux elles sont en dérangement. La plupart du temps les vitres sont cassées et on dirait qu’elles ne sont jamais nettoyées, dis-tu très remonté. Je suis même obligé de te couper pour arrêter ton flot de récriminations.

- A la bonne heure ! Et pourquoi donc, à ton avis, la Compagnie n’entretient-elle pas ses cabines aujourd’hui alors qu’elle le faisait avant ? Tu n’aurais pas une petite idée ?

- J’imagine que ça doit lui coûter cher… mais quand même, c’est un service public. Tout le monde n’a pas de téléphone portable. C’est utile d’avoir une cabine dans son quartier… et puis quand on n’a plus de forfait…

- Ta ta ta, tu as tout compris. La Compagnie veut se débarrasser de ses cabines.

- Alors, c’est la Compagnie qui a démonté celle-ci ? me demandes-tu avec des yeux ronds comme des billes.

- Ben, je crois que tu as trouvé, lecteur…

- Et alors, lui, dedans, qu’est-ce qu’il fait ?

- Eh bien, lecteur, je te laisse le soin de le lui demander toi-même.

 Tu poses un genou à terre et tu penches ton visage à proximité du combiné qui est en grande conversation avec un homme discrètement élégant – pantalon de velours côtelé, gants de cuir, écharpe douillettement enroulée autour du cou. – et tu adresses ta question, incrédule :

- Qu’est-ce que vous faites là ?

- RESISTONS, BATTONS-NOUS POUR LA DEFENSE DU SERVICE PUBLIC, clame-t-il comme s’il scandait un slogan dans une manif.

 


Roselyne

 

 

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