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21 janvier 2010

Un jour, je serai... par Danièle Géroda

Piste d'écriture: imaginer un personnage d'après son nom.

 

Qui suis-je ? T’es toi mais tais toi.

 

Comment ne pas rechigner à répondre à l’appel du maître ! Voilà qu’il fallait  une nouvelle fois se traîner jusqu’au tableau, après avoir reçu l’injonction de montrer ce qu’il savait faire.

« Théophile Dout , viens réciter ta poésie . . .on va se rendre compte si aujourd’hui tu es capable d’aligner deux vers »

Assis à côté de son frère jumeau, Théophile lui aurait  laissé volontiers la place  . . Mais probablement que Timothée avait été épargné par la fée Carabosse lors de la distribution de leurs prénoms. Le sien semblait plaire au maître car ce dernier avait tout de suite opté pour le diminutif gentillet de Tim. Théophile n’avait pas eu cette chance mais était devenu le bouc émissaire devant effectivement filer doux au risque d’avoir maintes et maintes lignes à copier genre : je me tiens tranquille en toute occasion, ou bien je dois apprendre mes leçons, ou bien, je dois travailler seul etc etc..

Combien de fois, justement, il aurait souhaité filer à l’anglaise et échappé aux railleries de Monsieur l’instituteur. Sa seule échappatoire, si l’on peut dire, était de bailler aux corneilles ou de suivre le spectacle offert derrière les fenêtres de la classe ….là deux pies qui se hasardaient jusqu’à la baie vitrée comme pour lui donner un signe d’encouragement à s’envoler avec elles, là le petit écureuil qui venait se trémousser sous le pin dans la cour . . .Là, la voiture du laitier qui s’arrêtait dans un vacarme infernal et venait livrer son breuvage à la femme du directeur. Celle-ci descendait en pantoufles, habillée vraiment de guingois, sans aucune pudeur devant les yeux baladeurs de tous les marmots. C’est vrai que dans ce village, tout le monde se connaissant, il eut été indécent de se voiler la face. On ne devait avoir aucun secret les uns pour les autres.

Théophile ne comprenait toujours pas que ses parents,  de souche modeste,  aient affublés leurs garçons de prénoms aussi insupportables à porter. Il rêvait d’un prénom simple . . . Pierre, Jean ou encore Louis. Même le diminutif de Théo entraînait les rires des copains, vu sa petite taille . . . « t’es haut, ou t’es bas ? Tim , son alter ego volait alors à son secours. De deux têtes plus haut que Théophile, il réussissait à imposer le respect. C’était bon de pouvoir compter sur ce frangin et Théophile s’attachait à ses basques au moindre incident. De plus ce diminutif de Tim lui conférait une origine made USA enviée de tous les garçonnets en culotte courte fréquentant l’école de Tarascon.

Les parents des deux garçons simples contadins travaillaient pour une riche famille de ce petit coin de Provence. Tim et Théophile arrivèrent dans ce bas monde en 1945, une année coincidant avec la lettre T pour les chiens ..Le chiot des propriétaires, longtemps leur compagnon de jeux se nommait d’ailleurs Tiburce. Aucun doute, là dessus voilà bien la raison pour laquelle les prénoms choisis commencèrent par cette fameuse lettre T. En fouillant davantage on apprendrait aussi que la maman d’origine italienne s’appelait Tina et arrivait de Toscane. Leurs parents pendant la guerre étaient venus s’installer à Tarascon. Donc pas de dérogation à la règle et on comprend les raisons influençant ces choix. Heureusement qu’aucun bébé supplémentaire ne fit son apparition .. . . Il  put échapper aux Théodule ou Théodore ou encore Thérèse  . ..De quoi mettre la clef sous la porte..

Mais toute cette période de son enfance il fallut donc à Théophile accepter les brimades, se soumettre sans sourciller. De toute façon il n’était pas question de se rebeller pour attirer l’attention de ses parents qui vouaient une confiance aveugle à l’enseignant. Ils n’auraient pas compris le pourquoi des contestations de Théophile.

Non, il devait se débrouiller seul et ne compter que sur ses propres mérites. Dout était son nom et ne dit-on pas doux comme un agneau ! Alors bouc ou agneau ! Il était toujours mené à la baguette. Comment gagner les faveurs du maître et s’octroyer une trêve dans les réprimandes infligées à tout propos. Il fallait épater le maître. Théophile s’appliquait du mieux possible pour rendre des lignes dignes d’une calligraphie hors du commun. Mais les copies révélatrices des punitions entachaient quand même sa notoriété. Le déclic se fit inopinément grâce au maître lui-même qui choisit une poésie d’un dénommé Théophile Gautier.

Un oiseau siffle dans les branches

Et sautille gai, plein d’espoir

Sur les herbes, de givre blanche

En bottes jaunes, et frac noir.

Notre Théo se sentit tout à coup galvanisé par cette découverte qu’un poète, choisi de surcroît par le maître portait le même prénom que lui.  Ce fut la première poésie à laquelle il fit les honneurs d’un apprentissage parfait. Au tableau les mots s’enchaînaient sans retenue, grisants et Théophile captivait enfin l’attention de tous avec son merle qui lui redonnait la joie de vivre 

Une fierté subite auréola notre héros. Son prénom fut dès lors digne d’être porté.

Tiens que de points communs avec ce poète qui lui aussi était né dans une ville commençant par T  Tarbes. L’avenir ne nous a pas dit ce qu’est devenu Théophile Dout de Tarascon.

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