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24 janvier 2010

Jean de la lune, 3 figures, par Michelle Jolly

Jean de la Lune      première figure

Pauvre Marion ! son café est toujours imbuvable! comment, après un an de mariage,  se débrouille t- elle aussi mal, cette gamine !

C’est vrai elle est bien jeune, et elle a d’autres qualités, mais, partir travailler avec cette mixture dans l’estomac, je ne m’y fais pas ! Je m’arrêterai chez Yvonne pour un express bien serré …

Je prends le parapluie ; je ferais mieux de prendre

l’imperméable, mais en voiture je ne sais jamais où le mettre ; l’essentiel : ne pas paraitre négligé, avec ma situation, mes relations, les affaires ! la réussite ça tient à un fil…

La petite  ne comprend rien à tout ça !   Elle rit de me voir avec le chapeau, la cravate, mais je représente la boite, moi !

Oh ! elle est bien gentille, avec son air enfantin : ça m’a plu.

Je ne suis pas tout jeune, et une belle fille comme elle à mon bras, les gens m’envient souvent !

N’empêche, que je prolonge quand même les journées au boulot ou au club avec les copains ; on discute, joue aux cartes ; à la maison, c’est la télé non stop, les magazines ciné, les jeux vidéo ; pas de mon âge. Une bonne soirée avec les gars du foot, quelques bières et de bonnes rigolades, ça entretient l’amitié.

Dimanche, je l’emmènerai peut être au stade, la petite, et ensuite à la brasserie chez Yvonne, et puis, je lui achèterai quelque chose, pour me faire pardonner, peut être un pot avec une fleur, elle aime ça, j’ai pas à me plaindre, elle est gentille..

   

Jean de la Lune    deuxième figure

Il faut que j’attende encore, patience !

Laver les tasses, essuyer la table. Je rajuste sa cravate, lui donne son chapeau, surtout qu’il n’oublie pas son parapluie,

qu’il n’oublie rien. Il n’aime pas mon café, j’ai jamais su doser, et puis j’aime pas le café.. Lui ouvrir la porte, un dernier coup de brosse sur le col, l’embrasser, il sourit ; il a l’air d’un vrai patron avec le costume ! il ressemble à mon père, le dimanche… A ce soir, oui, à ce soir, je dormirai sans doute car il rentre de plus en plus tard, je lui laisse le diner au chaud, je regarde mon feuilleton, un ou deux jeux télé, puis le film, parfois, je m’endors avant la fin.

Il est gentil, quand il rentre, je l’aime bien dans le fond, j’ai la belle maison, plein de jolies robes, et on va en Italie cet été !

C’est pas ce que je voulais, avant, mais c’est comme ça….

Il est monté dans sa voiture, et je ne le vois plus, je range un peu, j’ouvre vite la fenêtre, sors le géranium rose, bien en évidence, j’arrange mes cheveux, retire mon tablier ; de la cuisine, derrière, je vois loin, jusqu’à la place, je guette, le vélo apparait, il descend, j’attends…..

Jean de la Lune      troisième figure

Depuis quelques temps je ne tiens plus en place : levé avec le soleil, je déjeune à peine, je passe et repasse devant la glace, ce jean là ? Non, l’autre, je n’en ai que deux, facile de choisir ! Le petit pull marin ? ou la chemise qui colle ? ça me grandit un peu, faut dire j’ai pas la taille des grandes pointures, mais je compense ! Je souris, des gestes tendres ; « Jean ? dit-on, petit et gentil. » « Et bavard », ajoute ma mère, c’est vrai, je raconte beaucoup d’histoires, même tout seul, sur mon vélo.

C’est trop tôt , chaque matin c’est la même chose, j’ai tant envie de la voir, Marion, je pédale à fond, il est à peine huit heures, si je ne me méfie pas, je vais arriver au moment où l’homme au parapluie sort pour aller travailler.

L’homme au parapluie c’est son mari, à Marion, il est vieux, bien plus vieux que moi, il l’a mise dans la jolie maison près du périphérique, une maison bien à elle.

Il est grand, porte le chapeau, la cravate, elle, c’est une dame maintenant, et je crois qu’elle aime ça. Elle sort en ville, va à des réunions avec lui, même à la mairie, car il est important le Monsieur ! Il a le bras long comme on dit, Marion en profite.. Des robes avec de la soie, des bijoux qui brillent, et la voiture pour les voyages.

Moi je la connaissais, Marion, avant le périphérique, à l’époque de la zone, quand il n’y avait que de grands champs déserts où l’on jouait au ballon avec les potes.

Elle habitait près du cimetière, et venait souvent nous rejoindre avec son petit frère ; je lui racontais des histoires. Parfois je lui prenais la main, quand le gamin courait après son ballon. Elle avait l’air de croire tout ce que je disais, j’inventais des parents un peu mieux, des études réussies, j’osais l’embrasser, en douce !

Après mon CAP de menuisier on était presque fiancés, c’était bien nous deux ; puis, je suis parti un an en apprentissage dans l’ouest, j’écrivais, peu de réponses. Au retour, elle était dans la maison avec le vieux. Il avait dû lui en promettre et moi je faisais pas le poids !..

J’ai eu le cœur gros, pas moyen d’oublier, je lui en voulais, jusqu’au jour où, au bal du quartier, elle m’a dit : « J’aimerais bien te revoir ! », ça m’a fait chaud , je décollais, et c’est là qu’elle a eu l’idée du pot de fleur sur la fenêtre :  « Il y est, tu peux venir, il n’y est pas, tu passes ton chemin »

Depuis deux mois on se voit, c’est comme avant, en mieux

On rit, on s’aime, on se regarde assis tout contre, c’est fragile

ces moments là ; aussi il faut faire attention… ce matin, c’était

trop tôt, j’aurai pu croiser l’homme au parapluie, vaut mieux

faire cinq fois le tour de la place à vélo…

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