Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ateliers d'écriture et d'accompagnement à Montpellier ou par Zoom
Newsletter
Publicité
Archives
5 mai 2010

Le jardin de la rue des Capucins, par Roselyne Crohin

Le jardin de la rue des Capucins

 

 A la fin des années cinquante, ma grand-mère habitait une modeste maison, rue des Capucins, à cinquante mètres de la Loire. C’était une maison du bourg, donnant directement sur la rue, mais à l’arrière, se cachait un petit bout de jardin. On y descendait par quelques marches de pierre.

 Dans mon souvenir, ce jardin est toujours sombre. Pas étonnant ! En son centre trônait un immense marronnier. Mon père l’avait vu grandir puisque, soi-disant, c’était un marron qui avait germé et grandi. Trente-cinq ans après il dépassait la maison et son feuillage occupait presque tout l’espace. Le jardin était entouré de murs, sauf d’un côté. Là, un grillage affaissé, en partie recouvert de chèvrefeuille séparait le jardin de celui des demoiselles Lejeune, deux vieilles filles bigotes qui jouaient de l’orgue à l’église.

 Sous le marronnier, bien entendu, rien ne poussait. Ma grand-mère nous parlait de son jardin d’autrefois. Autrefois, avant que le marronnier ne s’accapare le soleil pour lui tout seul. Mais nous, les petites filles, on aimait bien mieux la balançoire accrochée sur une des branches maîtresses. Les carottes ou les pommes de terre d’autrefois, on s’en moquait bien. On aurait encore mieux aimé grimper dans le marronnier, mais c’était bien trop haut !

 Après les parties de balançoire, on jouait à cache-cache. Il y avait quelques buissons et quelques broussailles dans les coins, mais surtout… surtout, il y avait les caves. Deux caves voûtées, symétriques, dans lesquelles on descendait par deux escaliers de sept ou huit marches. . Ces caves étaient très sombres, surtout la cave à charbon. Dans celle-là, on évitait d’aller, car on avait bien trop peur. Dans l’autre, il y avait des confitures, des conserves, des jarres, des paniers, tout un capharnaüm. Mais ce qui nous intriguait le plus, c’était l’histoire de ces deux caves.

 Très tôt, notre grand-mère nous avait raconté comment toute la famille, et parfois aussi les voisins,se réfugiaient dans ces caves quand il y avait des bombardements pendant la guerre. Quelques minutes avant, les sirènes hurlaient pour prévenir la population du danger imminent. Parfois en pleine nuit. Pétrifiés de peur, ils allaient se mettre à l’abri et y passaient souvent le reste de la nuit.

- Est-ce que des bombes sont tombées sur ta maison, Mamie ?

- Non, jamais, heureusement ! Mais le pont sur la Loire a été bombardé. On a dû le reconstruire après la guerre.

- Mais qu’est-ce que vous faisiez dans la cave en attendant la fin du bombardement ?

- On se racontait des histoires. Y avait le père Louis qui savait bien nous faire rire. On récitait aussi des prières ou on chantait des cantiques.

 Ces bombardements nous terrifiaient et nous fascinaient tout à la fois. Et ma grand-mère ne se lassait pas de nous raconter encore et encore les drames et les peurs de la guerre, si lointaine pour nous, mais vieille d’à peine quinze ans à l’époque de mon enfance.

 Ce qui nous fascinait encore plus, c’est qu’au bout de ces caves, par un mystérieux orifice, il était possible d’atteindre, par un cheminement plus ou moins hasardeux, le fameux tunnel sous la Loire, creusé au 17ème ou 18ème siècle par les moines capucins. Pendant la guerre on racontait, nous disait ma grand-mère, que des résistants s’y cachaient pour échapper aux Allemands.

 Et dans notre imagination de petite-fille, c’est bien souvent que la partie de cache-cache se poursuivait derrière une procession de capucins, tout encapuchonnés de blanc, se rendant en grand secret, par le tunnel, aux célébrations de Carême ou de la Semaine Sainte ou à quelque cérémonie bien plus mystérieuse encore !

Par Roselyne Crohin,

19 avril 2010

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
J
Jamais la grand-mère ne vous aurait laissées monter dans le marronnier. Descend, tu vas tomber, me disait-elle quelques années plus tard, quand elle me voyait juché sur le petit tabouret bas, pour regarder par la fenêtre. Tu vas tomber et tu vas rester tout petit. J'essayais alors de faire chavirer le tabouret, pour tomber et rester petit, pour ne plus aller dans cette école dont la cour donnait un peu plus loin, dans la rue des capucins...
Répondre
Publicité