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23 mai 2010

Antigone romain, par Yves Martin Guillou

Antigone

 

 Où sont partis les chars? Le forum est large et dégagé. La chaleur est douce et le soleil chauffe les murs blancs et rythmés qui bordent les places successives. Pas de chevaux qui hennissent ni de baudets qui braient.

Patricien solitaire, je descends vers le fleuve, le Tibre peut-être, laissant derrière moi le fracas des tramways et les bousculades mercantiles du Polygone.

Rêve de triomphe romain, mais pas de foule. Juste quelques buveurs attablés aux terrasses. Certains lisent le journal. Mon pas rendu paisible par l'absence de circulation deviendrait presque martial, et je lève la tête vers ces balcons aux décoratons florales et stores multicolores qui sont autant de tribunes impériales.

Au coin des rues je survole du regard les dallages géométriques, déçu de ne voir ni toges ni pourpre. Les passants n'ont que des baskets, pas de sandales. Rue de Thèbes vais-je voir surgir la Pythie? Non, elle se doit de rester dans l'obscure crypte d'un temple reculé. La vieille femme en noir, voutée et chancelante qui s'approche tire simplement derrière elle un cabas à roulettes.

Les frondaisons des arbres bruissent dans le vent et les arbustes taillés sont alignés comme pour canaliser le défilé des légionnaires. Je m'approche d'un oriflamme; est-ce un aigle surmontant fièrement la devise «S.P.Q.R» ? Pas du tout, c'est une simple publicité pour une marque de bière...

La pierre des façades a laissé la place à de grands panneaux de verre et deux statues gardent l'entrée d'un temple de la culture. Ces barbus vénérables regardent d'un oeil sévère les adolescents en roller qui se contorsionnent et rivalisent d'adresse. Des bébés braillent dans des poussettes conduites par des jeunes femmes en jean. Un livreur pousse devant lui un diable surchargé de caisses de Coca.

Les rails du tramway barrent de nouveau la route, les autos circulent et vrombissent. Le fleuve est encore loin et je ne verrai pas les galères ni les trirèmes amarrées au quai. Mais quel plaisir délicieux que de s'être promené à deux millénaires de distance !!

 

Yves Martin-Guillou, mai 2010

 

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