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10 juin 2010

Clin d'oeil, par Nicole Artaud

Ecrire un texte avec 4 éléments imposés 

* lieu : un ferry

* personnage : un voyageur

* objet : un vieil appareil photo

* moment : la fin de l'hiver

 

 

CLIN D'OEIL

 

La lumière, en ce matin de début mars, se fait plus douce, l'air est plus transparent. Pour la première fois depuis le mois de novembre, elle a envie de faire la traversée sur le pont du ferry.

Elle savoure l'air limpide et les premiers rayons printaniers.

 

Le vide laissé par les tours jumelles ne la choquait plus, mais il lui saute aux yeux aujourd'hui, imposant à sa mémoire ce funeste matin de septembre.

 

Pour bloquer les souvenirs, elle s'imagine peintre, détaillant la lumière, les ombres, les couleurs, les perspectives, ou mieux encore reporter photographe avec un vieux Leica en bandoulière comme les reporters qui la faisaient rêver dans son enfance. Le numérique n'existait pas et photographier demandait observation, savoir et réflexion. Se basant sur les pratiques de l’époque, elle réfléchit aux mises au point à faire, à la vitesse de l'obturateur, à l'ouverture du diaphragme, tout cela après étude de la lumière. Il lui faudrait aussi un pied sur lequel poser l'appareil, car avec le léger balancement du bateau, les photos pourraient être floues.

 

Ç’avait été cela son rêve : être reporter photographe, parcourir le monde et restituer ses émotions sur papier glacé. Mais la vie en avait décidé autrement, et elle se morfond au fond d'un bureau poussiéreux (elle exagère, il est très design son bureau !)

A quel moment s'est-elle trompée de direction ? Son quotidien s'écoule entre ferry, boulot, dodo. Et après ? Après, elle est injuste, il y a beaucoup de jolies choses dans son existence. Ne serait-ce que cette traversée qui matin et soir lui alloue un peu de temps pour elle-même. Lecture, contemplation, rêverie, un luxe quotidien dans la vie trépidante de la Grosse Pomme. N'est-ce pas pourquoi elle s'est « exilée » loin de Manhattan ?

 

Se moquant un peu d'elle-même, elle ouvre au hasard le journal qu'elle achète tous les matins avant de monter à bord. Une exclamation lui échappe : le premier article qu'elle voit concerne la vente aux enchères d'une collection de vieux appareils photos. Si ce n'est pas un signe du destin !?

De plus la salle de vente est tout près de son bureau, elle aura tout loisir à l'heure du déjeuner d'aller repérer les appareils exposés.

Il ne lui vient pas à l'idée que ces vieux appareils ne sont peut-être plus en état de marche, ou hors de prix, et que, sans mode d'emploi, elle ne saura sans doute pas s’en servir. Non, elle ne pense pas à tous les inconvénients qui peuvent se présenter, parce que cet article est juste le clin d'œil, le coup de pouce qu'il lui fallait pour enfin oser.

 

Un frisson d'anticipation la parcourt, conquérant. Elle pose le pied sur la passerelle, bien décidée à prendre en main son destin.

31/05/2010

 

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