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22 juin 2010

Dans les temps, par Caroline

Dans les temps

 

La première fois que je t’ai vu, je devais avoir 14 ou 15 ans quelque chose comme ça, mon père conduisait la R18 break, toute la famille était bien rangée dedans, ma mère devant à côté de mon père, ma sœur, mon frère et moi derrière.

J’entends encore la voix de mon père qui nous disait : « regardez les enfants, le nouveau quartier Antigone construit par le célèbre architecte Ricardo Bofill…

Et je t’ai vue, surgissant sous le beau soleil aoûtien, tu brillais comme un sou neuf et te pavanais, dérobant tes belles courbes en veux-tu en voilà, une vraie star hollywoodienne, rien à voir avec la fameuse Antigone dont tu as subtilisé le nom.

Enfin, moi je ne l’ai jamais vue comme ça…

Le souvenir que j’en ai ?

Un souvenir fort, d’une jeune fille fragile, plus enfant que femme, absolue, entière, sans compromis, sobre, un sans faute parfait, un personnage dessiné d’un seul coup de crayon, d’un seul geste, un peu comme un cri, pointu, unique, seule, tout le contraire de toi mon beau quartier…

Oui parce que il faut que je vous dise…

Depuis, je suis venue habiter le quartier et si tout se passe comme prévu, j’y fêterai mes 41 ans cet été, je peux même vous le dire, ce sera le 20 août.

Et oui ma pauvre Antigone éternellement jeune, fauchée par un destin tranchant dans tes vertes années, tu ne connaîtras jamais la crise du milieu de la vie alors que moi je patauge dedans plein pot…

Mais revenons à notre ami, mon quartier Antigone qui est tout ton contraire et pourtant…

Tout ton contraire, oui et non parce que tu partages avec elle ce mélange d’élan massif et de fragilité.

Elle, Antigone, la gosse fragile, animée par les forces sombres d’un destin puissant et toi mon quartier massif, imposant, limite un peu lourdingue avec ton hôtel de région « style je me la pète » et puis cachée derrière la gloriole, tu collectionnes les vides, les espaces libres, le rien, le fragile, l’inexistant…

Et là, dans ces creux de gruyère, je t’adore mon quartier, c’est là que commence ton existence, quand tu te laisses remplir :

de ces éclats de corps d’enfants jouant dans l’humeur de tes jets d’eau cyclotimiques,

de ces vieux qui ensemble s’entraînent à réchauffer tes bancs de pierre pour repousser tes hivers fragiles,

de cette curieuse petite dame, solidement bâtie, au crâne semé de petites pousses éparses où trône toujours un ruban de couleur comme ceux qu’on trouve sur les cocottes en chocolat à Pâques,

et de moi parfois, quand je déambule, quand je te traverse…

Alors, quand je prends ma place dans tes courbes généreuses, je laisse une trace, la mienne, c’est ce qui te rend plus humain, un peu homme, un peu femme, un peu chacun des visages qui te traverse.

 

Caroline

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Commentaires
A
Cette narration est une véritable peinture, à faire blêmir de jalousie notre sympathique Ramah. Bravo Caroline. Athénaïs
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