Miroir, par Nicole Artaud
Consigne: dans une liste de répliques, en choisir deux et les insérer dans un dialogue.
LE MIROIR
- Où veut-tu que le mette ? demande-t-il, les bras encombrés du grand miroir sur pied chiné à la brocante.
- Ça, je ne peux pas dire...
- Comment tu ne peux pas dire ? Tu avais bien une idée quand tu l'as acheté ?
- Non, pas vraiment, il me plaisait bien, c'est tout.
- Mais enfin tu aurais pu y réfléchir avant !
- Avant quoi ?
- Avant quoi ? s'étrangle-t-il, mais avant que l'on perde du temps à marchander et ensuite une heure à essayer de le caser dans la voiture et que l'on s'enquiquine à rouler doucement pour le pas le casser ! Avant quoi ? Je rêve !
- Il te plaisait bien à toi aussi, tu aurais pu y réfléchir aussi.
- N'inverse pas les rôles !
- Quels rôles ?
- N'essaies pas de m'embrouiller, la déco c'est toi ! Tu as insisté pour l'acheter, je pensais que tu devais savoir ce que tu voulais en faire !
- J'ai juste insisté parce qu'il est beau et que c'est amusant de marchander. C'est amusant, non ? J'ai beaucoup aimé marchander. On recommencera, non ?
- Pour acheter n'importe quoi !
- Mais ce n'est pas n'importe quoi. Regarde ce cadre doré, ouvragé, patiné, c'est un miroir qui a vécu. Il doit en avoir vu des choses !
Il lève les yeux au ciel, exaspéré. Comment répliquer à de telles inepties !
- Bon, on va essayer plusieurs endroits et voir là où il va le mieux.
- Et bien sûr, c'est moi qui vais le trimballer de pièce en pièce ? Tu as une idée du poids de ce truc ?
- Je peux t'aider bien sûr, mais maladroite comme je suis, on risque plus de le casser que si tu t'en occupes tout seul.
- Toutes les excuses sont bonnes ! Bon, finissons-en, par où on commence ?
- La salle de bains du premier.
- Je t'avertis que s'il est à l'étage il y reste !
- Oui, oui...
- Pas de oui, oui qui tienne, je ne redescend pas les escaliers avec ce miroir, grogne-t-il.
Après quelques minutes d'efforts et un arrêt pour souffler sur le palier, le miroir trouve naturellement sa place dans un angle de la salle de bains.
- Tu vois, il va très bien là. Ce n'était pas la peine d'en faire tout un plat !
- Tu le savais depuis le début que tu voulais le mettre là !
- Peut-être... admet-elle les yeux pétillants de malice
Nicole Artaud, 14/06/10