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18 octobre 2010

Nous voilà encore seuls... par Carole

Encore une phrase délivrée par notre livre lampe...

Nous voilà encore seuls.

Autrefois, seuls nous ne l’étions jamais. Toujours il y avait des voix, des regards, du mouvement autour de nous. Trop de voix, trop de regards, trop de mouvements. Nous aspirions à la solitude à deux, et tant de complicité passait dans nos yeux, c’était comme une électricité qui courait entre nous, et donnait à nos gestes, à nos sourires, un éclat fervent.

Autrefois seuls nous ne l’étions jamais, et nous y aspirions. Aujourd’hui nous le sommes trop souvent. Et le pire, c’est que cette solitude à deux à laquelle nous aspirions, nous l’avons perdue : chacun de nous est seul avec lui-même.

Il y a des désirs qui, lorsqu’ils se réalisent, enferment à l’égal de prisons.

J’évite ta main et tu évites mon regard. Nous avons chacun notre manière de nous refuser. Tu veux mon corps, moi je veux ta pensée. Ce sont des domaines trop différents, il n’y a pas de troc possible, imaginons-nous. Je déteste que tu ne m’écoutes pas, ou que tu m’écoutes de manière faussée, au point de n’entendre, de mes mots, qu’appel ou refus de la caresse. Tu détestes que je t’interroge, encore et toujours. Ton ressenti tu veux bien en jouer avec moi ; tu ne veux pas me le livrer. Mon corps je veux bien en jouer avec toi ; je ne veux pas te le louer.

 

Je ne veux que te connaître mieux, dis-je. Je ne veux que t’embrasser davantage, me réponds-tu. Tu rêves que nous faisons l’amour, nus, au soleil ; je rêve qu’au cœur de la nuit nous nous parlons longuement, au point de ne plus savoir qui a vraiment prononcé les mots qui continuent de résonner. Et bien sûr, comme tu me refuses les discours délirants de la nuit, je te refuse le commerce enfiévré du jour.

 

Autrefois il y avait les autres, pour nous entourer et nous détourner de nous-mêmes. Lorsque nous nous sentions frustrés, nous plaignions l’un l’autre, au lieu de nous plaindre l’un de l’autre.

 

Aujourd’hui il n’y a que plus toi pour recevoir mon angoisse ; et il n’y a plus que moi pour accueillir ta colère. Nous sommes trop égaux dans notre attente et nos refus. Nous sommes trop similaires, comme deux jumeaux qui n’auraient qu’eux-mêmes pour se nourrir. Sans doute termineraient-ils anthropophages. Nous n’irons pas jusque là, mais nous sommes comme deux miroirs qui se reflètent l’un l’autre, à l’infini. Nous ne savons plus changer de perspective. Nous ne savons plus varier l’arithmétique du don et de l’écoute.

 

Le désir, pourtant, est toujours là : il suffit que tu t’éloignes un peu pour que me manquent tes bras étouffants, ta bouche mangeuse. Ils ne me semblent plus ogresques, dans la distance, mais tendres et moqueurs.

Je ne sais ce qui te manque de moi, quand tu t’éloignes, mais je te vois revenir avec ce regard de petit garçon perdu, et en me voyant tu as un sourire, un sourire…

***

Dis, peut-être avons-nous seulement trop présumé de nous-mêmes ? Peut-être devrions-nous descendre un peu de notre château dans les glaces, nous échapper un peu pour mieux nous retrouver ?

Ne crois-tu pas ?

Si, réponds-tu. Tu es ma voix.

Et tu m’enlaces. Et je me laisse faire.

Carole Menahem-Lilin, octobre 2010

 

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