Set et chocolat par Valérie (Novakaléï)

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L’infatigable Eglantine me trainait encore dans ses pérégrinations musicales. Ce soir trois groupes de rock qu’elle tenait absolument à voir sur scène, jouaient dans une nouvelle salle de concert qui fallait absolument découvrir d’autant plus qu’attenant à cette salle, un restaurant proposait des menus alléchants.

Je n’avais qu’une seule envie : être au calme. Me retrouver dans une salle où le niveau sonore écorcherait mes oreilles fragiles, où l’odeur âpre de la bière me soulèverait le cœur ne me tentait pas.  Il fallait que j’apprenne à résister, à savoir dire non. Je m’entrainais depuis quelques temps devant ma glace. J’avais réussi quelques fois mais pas ce soir. Eglantine cette traitresse avait utilisé mon point faible : le chocolat. On y servait là-bas, parait-il, une mousse au chocolat à damner un saint : légère, chocolatée, peu sucrée, avec un soupçon de poivre d’Espelette un véritable bonheur pour les papilles, m’avait-elle dit.

Le premier groupe avait lancé son set. Les gens autour de moi bougeaient, dansaient, parlaient, buvaient. Moi, je m’ennuyais. Eglantine derrière son appareil photo mitraillait le groupe. Celui-ci termina son set par la reprise de « (I can’t get no) Satisfaction » des Rolling Stones. Heureusement Mick Jagger et Keith Richard n’étaient pas là pour entendre ce qu’on avait malheureusement fait de leur titre. Une troisième mousse au chocolat ne serait pas de trop pour me remettre de ce traumatisme. (Non, je ne cherchais pas n’importe quelle excuse pour savourer cette délicieuse mousse.) Eglantine m’acheva à me disant que le restaurant avait fermé ses portes. De toute façon, poursuivit-elle tu en as pris deux en dessert et c’est suffisant.

Plus le temps de discuter, le second groupe venait d’investir la scène. A mon étonnement, je vis sur scène le  gringalet tout chevelu et complètement à l’ouest que j’avais croisé en arrivant. Je l’avais repéré à notre arrivée avec son marcel noir, son slim blanc et ses Converse argent. Il ressemblait étrangement à la fois à  John lynott du groupe Thin Lizzy et à Jimi Hendrix. Je me demandais comment il allait jouer. Il brancha sa guitare électrique, vérifia l’ampli, fit une brève balance avec l’ingénieur du son, prit son temps pour aménager son coin. Il avait l’air décalé par rapport au reste de son groupe. Le batteur, le bassiste finirent avant lui de s’installer. Son attitude piqua ma curiosité. J’avais maintenant hâte de le voir jouer.

Le batteur donna le tempo et le concert démarra. Quelques mesures furent suffisantes pour que je sois happée par son jeu. Lui était dans sa bulle, kiffant chaque note. J’entendais à peine Eglantine me parler. Je percevais certains mots : riff, fuzz. Je n’étais pas une spécialiste, j’aimais ou pas un titre. La décortication technique d’un morceau ne m’intéressait pas. Eglantine chroniquait ces concerts pour un webzine. Comme j’étais sa correctrice attitrée, je lirais le compte rendu plus tard. Pour l’instant, j’étais rentrée dans la bulle du guitariste, fascinée par sa façon de jouer. Son instrument était une extension de lui-même. Les notes s’échappaient de sa bulle et fusionnaient avec la musique des autres membres du groupe. Ils faisaient corps et mettaient une énergie incroyable dans leur jeu qui soulevait le public hystérique. Mais moi, je ne voyais plus rien d’autre que ce guitariste. Il semblait avoir grandi, il remplissait l’espace de sa présence : La scène disparue, le public effacé, Eglantine évaporée.

Leur set se termina brusquement. Le retour à la réalité fut brutal. Eglantine était collée contre la scène, moi je m’en éloignai pour reprendre mes esprits. Le guitariste vint au bar pour s’enfiler une vodka citron. Il était redevenu ce gringalet complètement à l’ouest. Je l’observai déçue par ce changement. En le regardant, je me disais « Bordel, je mangerais bien une autre mousse au chocolat ».

Comments

[Calou]

être dans l'ombre ou dans la lumière, transcendé par son art... ou pas... un texte qui me parle beaucoup!

mention spéciale à la chute, efficace! ^^