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27 novembre 2010

Pas de sentier pour Millicent, par Séphora

Séphora a 13 ans, elle a écrit ce texte lors de l'atelier du mercredi, à partir d'une réflexion sur le nom des personnages. Comment leur nom ou leur prénom pouvaient-ils être emblématiques de leur être, de leur vie ou influer sur leur destin? Découvrons l'aventure de Millicent...

sephoramarielaurencinPas de sentier pour Millicent

 

En marchant dans la Grand Rue, j’observais le palais au loin. Il me suffisait de croiser le carrosse de la princesse pour pouvoir tenter ma chance. Mais qui voudrait d’une fille des rues comme moi dans un château comme Versailles ?

La princesse était généreuse m’avait on dit, et pleine de bonté. Elle m’accepterait, enfin je l’espérais. Depuis cinq mois, je traînais dans les rues les plus grandes et les plus dignes de voir passer un carrosse royal, et jamais il ne m’arrivait dans croiser un ! Quelle malchance ! Du moins, pour une fille comme moi il ne s’agissait pas de malchance vu que ma vie en était faite. Je poussai un soupir et entrai dans la boulangerie du petit quartier ou tout le monde se connaissait.

-Eh bien, tu en fais une tête ! Que se passe-t-il ma petite Milli ? Tout va bien ?

Je fis la moue, je détestais que l’on m’appelle comme ça. Mon prénom, c’était Millicent, et pas Milli ! Cela veut dire « Mille chemins », la blague !

Le seul chemin qui s’offrait à moi, c’était le chemin de la pauvreté. Je répondis à Adélaïde, la boulangère, qui me regardait comme une petite enfant.

-Pas bien ! Aucun carrosse en vue depuis cinq mois, et tu crois que ça va bien ?

Elle ne dit rien ; je m’assis sur une vieille chaise en bois et m’effondrai sur la table. Adélaïde me regardait toujours. Nous restâmes un moment silencieuses et je tendis l’oreille. Quelque chose avait attiré mon attention. Un bruit de sabot sur les pavés de la rue !! Je me levai en trombe et courus dans la Grand rue. Le carrosse royal, passant sous mes yeux, m’emplit de joie. Je remis de l’ordre dans mes cheveux blonds et rebelles et je toquai à la fenêtre du véhicule avec force. Il s’arrêta. Une deuxième bouffée de joie s’empara de mon esprit.

La porte s’ouvrit et le visage du roi apparut dans l’encadrement. ; j’improvisai une révérence gracieuse.

-Relevez vous,  ordonna-t-il. Puis je vous demander, de quel droit avez-vous osé frapper de la sorte le carrosse royal ?

Incapable de répondre dignement, je baissai les yeux et marmonnai quelques mots pour moi-même.

-Qu’avez vous dit ? Comment vous appelez-vous jeune fille ? tempêta le roi, impatient

-Millicent, Sire, dis-je en relevant la tête.

-Eh bien Millicent, vous en avez du courage pour agir de la sorte. J’espère que vous savez ce qui vous attend ? dit le monarque en souriant méchamment.

-Cela suffit père ! ordonna une voix dans l’arrière du carrosse, laissez cette enfant tranquille.

La princesse passa la tête par la porte. Elle était vêtue d’une robe rouge qui faisait ressortir son teint ivoire. Ses bijoux brillaient et jouaient avec le soleil.

-Qui es-tu ?

Elle me questionnait avec une extrême gentillesse, comparé à son père.

-Je suis une pauvre jeune fille qui cherche de l’aide auprès de ses souverains, dis-je en me fendant d’une nouvelle révérence.

-Vous cherchez de l’aide ? s’étonna-elle. Quel age avez-vous chère enfant ?

-Guère plus que quinze ans.

- Et vous dites vous appeler Millicent ? C’est un joli prénom, il signifie « Mille chemins » si je ne me trompe pas.

-Vous ne vous trompez pas Majesté, mon prénom veut dire cela même.

-Vous avez un bon vocabulaire, jeune Millicent. Vous feriez une bonne élève si vous étiez à l’école. Savez-vous lire ? Et écrire ?

-Oui Majesté, ma grand-mère m’a appris avant de mourir brusquement.

-Quelle tristesse. J’en suis désolée.

Elle avait dit cela avec de l’empathie dans ses yeux, et aussi de la curiosité, comme si elle me reconnaissait… mais non, c’était idiot.

Elle se tut et s’approcha de moi. Elle me souffla à l’oreille :

-Venez me voir dans le jardin sud, passez par l’extérieur, on ne vous verra pas, il y a un passage dans la haie. Demain matin.

-Au revoir Millicent, ajouta-telle à haute voix en remontant dans le carrosse. Elle ferma la porte et le cocher fit avancer les chevaux d’un blanc immaculé. Ebahie, au milieu de la chaussée, je vacillai. Adélaïde me rattrapa avant que ne fusse tombée.

-Eh bien ma Milli, un chemin s’ouvre à toi on dirait.

Le lendemain, je me réveillai dans la chambre de bonne que je partageais avec Adélaïde. Une petite salle de bain était à droite et la cuisine à gauche de ma couche. Je me dirigeai à droite et me débarbouillai. Je me dévêtis de mes haillons et je pris un paquet sous mon matelas.

Je l’ouvris et sortis une robe beige, des mules et un collier en argent. C’était tout ce que m’avait laissé ma mère.

Je m’en vêtis et pris l’ombrelle beige qui dépassait, puis je sortis. Le château était loin. Il fallait marcher.

La Grand Rue prenait vie et le ciel était d’une couleur rosâtre et calme, les commerces ouvraient petit à petit. En passant devant une vitrine, je remis mes cheveux en place et je continuai mon chemin.

Arrivée devant le château, je le contournai vers la droite. Apres une demi heure, j’arrivai derrière le jardin sud et une voix me héla.

-Millicent, par ici !

 Je me faufilai dans la haie et me retrouvai dans le jardin sud, le plus charmant des jardins que j’avais jamais vus. En voyant mon émerveillement, la princesse sourit.

-C’est beau, dit elle.

-Oui, répondis-je en m’adressant à l’oiseau qui volait autour de moi comme s’il me demandait si cela me plaisait.

-Pourquoi vouliez vous me voir Majesté ?

-Pour vous parler de votre avenir.

-Mon avenir, Madame ?

-Oui, tout à fait, et de votre passé aussi, venez, marchons un peu. 

Elle me prit par le bras et m’entraina vers les bassins bleus.

-Vous savez qui était votre mère ?

-Oui, elle était fille de duc, je n’ai jamais rencontré mon grand père.

-Et, qui vous a raconté cela ? demanda la princesse.

-Sa mère, ma grand mère.

-Savez vous qu’elle a déguisé la vérité ?

-En êtes vous sûre, princesse ?

-Venez avec moi.

Elle me traina jusqu'à une petite cabane cachée dans les sous bois.

Comment cela pouvait-il être possible ! Personne n’avait pu me mentir. Surtout pas ma grand-mère.

La princesse me fit entrer dans la cabane. Par respect, je pliai mon ombrelle. La princesse m’annonça :

-Vous êtes ma cousine.

-Votre cousine ?!

-Exactement, vous êtes la fille de Marc V, le frère du roi, mon père. Chère Millicent, vous trouverez toutes les preuves dans cette cabane, je vous laisse seule un moment, conclut-elle en s’éloignant.

Effectivement, tout dans cette cabane me prouvait qu’elle m’avait dit vrai, et me ramenait à mon enfance : de vieux dessins où je retrouvai le coup de crayon de ma mère me firent monter les larmes aux yeux, ainsi que des tableaux me représentant dans les bras de celle-ci. Je caressai la peinture du bout des doigts. Puis je levai les yeux devant un tableau représentant un homme fort et fier, où je crus reconnaître mon visage pendant une fraction de seconde. L’instinct me poussa à retourner la toile et effectivement, je trouvai un paquet de papier jauni.

Je m’assis pour les lire. Des histoires de famille, des lettres, des lettres, encore des lettres, et une pour moi. Je la dépliai délicatement et lus :

 

Ma Millicent, quand tu liras ceci, tu auras presque l’âge de la princesse ta cousine.

Je suis désolé d’avoir obligé ta grand-mère à te cacher tout ceci durant ton enfance, mais c’était pour te protéger. T’exposer comme étant ma fille était dangereux.

Personne ne devait savoir que ta mère était la fille de celui que le roi mon frère considérait comme son principal ennemi. Et personne ne devait savoir que je l’avais épousée sous un faux nom. Le malheur nous tomba dessus et un espion rapporta cela au roi. Mon propre frère vous chassa toutes les deux alors que tu n’étais qu’un nourrisson d’une semaine. Moi, je fus exilé mais je n’eus pas le droit de vous emmener avec moi. Le roi était sûr que je complotais avec mon beau-père.

Mais si tu lis cette lettre, c’est que le roi a reconnu qu’il était allé trop loin en te punissant alors que tu n’avais rien fait, et en te séparant de moi. Il a une fille, peut-être a-t-il compris tout le mal qu’il nous a fait.

Impose-toi, habite la Cour et profite de ta vie et de ton pouvoir pour faire de bonnes actions.

Je t’aimais, ton père.

 

Je t’aimais. Cela voulait dire qu’il était mort ? J’entendis le grincement de la porte et levai mes yeux embués de larmes claires.

Je découvris la princesse accompagnée d’un vieillard habillé comme un homme de la Cour. Je crus reconnaître le personnage de la toile derrière laquelle j’avais trouvé les lettres.

Je me levai doucement et les posai sur le matelas sur lequel je m’étais assise.

-Père ? dis-je d’une voie tremblotante.

-Non, je ne suis pas ton père, dit le vieux, mais je sais.

 

Que savait-il au juste ? Qui j’étais vraiment, qui était mon père ? Etait-ce mon grand père devant moi, qu’avait dit le roi… ?

Selon les réponses qu’il apporterait à mes questions, j’emprunterais l’un ou l’autre des mille chemins que me promettaient mon prénom.

Illustration: Marie Laurencin, Jeune fille au chapeau, 1924


 

 

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